Décès à domicile après cure chirurgicale d'éventration ombilicale

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Décès à domicile après cure chirurgicale d'éventration ombilicale

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  • Décès à domicile après cure chirurgicale d'éventration ombilicale

Après une hystérectomie cœlio-vaginale pour un adénocarcinome utérin, une femme de 62 ans se plaint de douleurs abdominales en lien avec une éventration ombilicale sur trou de trocart.

Auteur : Dr Christian SICOT / MAJ : 01/02/2019

Cas clinique

  • Auparavant, cette patiente a été hospitalisée pour un AVC ischémique attribué à une arythmie cardiaque, réduite par des chocs électriques et traitée, depuis, par Xarelto et Flécaïne. Elle est également suivie pour une hypertension artérielle et une obésité (104 Kg pour 163 cm, soit un IMC égal à 38).
  • Ayant accepté la proposition d'une cure chirurgicale de cette éventration ombilicale, la patiente est hospitalisée dans le service de chirurgie digestive du CHU.
  • Le 20 mars 2015, l'intervention (avec pose d'une prothèse) se déroule sans problème.
  • Le 24 mars (J4), la sortie de la patiente est autorisée après examen par un "médecin". Le taux d'hémoglobine et la numération plaquettaire sont dans les limites de la normale. Une ordonnance pour la poursuite du traitement anticoagulant par Calciparine (prescrit en relais du Xarelto dans la période péri-opératoire) est remise à la patiente, "après validation biologique des doses utilisées", (absence d'autres précisions sur les modalités du relais péri-opératoire du traitement anticoagulant).
  • Le 25 mars (J5) vers 10h00, la compagne de la patiente appelle le service de chirurgie digestive du CHU, car "(...) cette dernière se plaint de douleurs abdominales, elle a repris du Tramadol et a fait un malaise (...)". L’interne contacté répond que, si la patiente le désire elle peut revenir dans le service, sans passer par les urgences
  • Dans l'après-midi, vers 17h00, après avoir mesuré une PA à 60 mmHg, la compagne de la patiente appelle le SAMU. Le médecin régulateur propose de demander au médecin du service de garde de passer voir la patiente.
  • A 19h25, le médecin régulateur est rappelé car la patiente "ne va pas bien". Il demande à lui parler et ne retrouve pas de "facteurs de risque" (non précisés dans le dossier). Il promet de contacter le médecin du service de garde pour qu'il accélère sa venue
  • Vers 20h00, ce dernier arrive auprès de la patiente. Le déroulement de cette visite est fourni par les proches y ayant assisté car le médecin du service de garde n'a pas rédigé de dossier médical et est absent lors de l'expertise: "(...) La patiente était très pâle, elle avait les lèvres décolorées, elle ne parlait plus, elle vomissait... La PA prise juste après les vomissements était à 10, alors qu'elle avait été préalablement mesurée à 6... Le médecin avait palpé le ventre de manière très succincte... Il n'avait pas consulté la lettre de sortie du CHU... il n'avait pas posé de questions sur le traitement en cours, notamment sur la prise d'anticoagulant... Après s'être retiré dans une autre pièce, il  nous avait indiqué  que le sang observé au niveau de la bouche de la patiente, était une conséquence de l'intubation pratiquée lors de l'intervention... Il indiquait bien connaître l'équipe du CHU et que, pour lui, il n'y avait pas d'inquiétude à avoir... Une ordonnance était rédigée : Primpéran, Lamaline, Maxilase, Pneumorel. Le médecin de garde avait quitté le domicile de la patiente vers 21h00 (...)".
  • Dans la nuit du 25 au 26 mars (J6), la patiente ne réussit pas à se relever dans son lit. Ses proches disent "qu’elle ne voyait plus clair et qu'elle avait froid".
  • Le 26 mars à 11h30, après avoir vainement fait appel au médecin traitant qui dit ne pas pouvoir se déplacer, la compagne de la patiente rappelle le SAMU, en raison de la survenue d'un nouveau malaise.
  • Le SMUR arrive très rapidement au domicile mais le médecin ne peut que constater le décès de la patiente malgré les manœuvres de réanimation immédiatement entreprises.

L'HemoCue Hb pratiqué à l'arrivée des secours montrait un taux d'hémoglobine à 7g/100ml.

Saisine de la CCI par la compagne de la patiente (mai 2016) pour obtenir la réparation du préjudice subi.

Analyse

Télécharger l'exercice (pdf - 28.46 Ko)

  1. Lisez en détail le cas clinique.
  2. Oubliez quelques instants cette observation et reportez-vous au tableau des barrières, identifiez les barrières de Qualité et sécurité que vous croyez importantes pour gérer, au plus prudent, ce type de situation clinique. Le nombre de barrières n’est pas limité.
  3. Interrogez le cas clinique avec les barrières que vous avez identifiées en 2 ; ont-elles tenu ?
  4. Analysez les causes avec la méthode des Tempos.

Jugement

  • Expertise (Mai 2017)

Pour les experts, l'un chirurgien digestif libéral et l'autre, responsable d’un SAMU : "(...) La patiente avait saigné, de façon distillante, depuis sa sortie du CHU où elle avait été opérée, jusqu'à son décès. En effet, lorsqu'elle avait quitté le service de chirurgie digestive, le taux d'hémoglobine était normal et le 26/03/2018, lors de l'intervention du SMUR, l'HemoCue Hb avait montré un taux d'hémoglobine à 7 g/100 ml. Cette constatation était, toutefois, insuffisante pour expliquer, à elle-seule le décès. En revanche, l'anémie liée à l'hémorragie avait pu faire réapparaître, compte-tenu des antécédents de la patiente, un trouble du rythme cardiaque à l'origine d'un nouvel accident vasculaire ischémique, ou même d'un infarctus du myocarde. En l'absence d'autopsie, ces hypothèses étaient les plus vraisemblables pour expliquer le décès de la patiente.
Le dossier médical du CHU confirmait que la cure d'éventration ombilicale était justifiée en raison des douleurs dont se plaignait la patiente. La prise en charge, tant dans la réalisation du geste chirurgical que dans les critères de sécurité pour autoriser la sortie, était conforme aux données acquises de la science.
Le lendemain de la sortie, lorsque la compagne de la patiente avait appelé le service de chirurgie digestive, l'interne avait donné une réponse adaptée en indiquant que la patiente, si elle le désirait, pouvait revenir dans le service de chirurgie digestive, directement sans passer par les urgences du CHU.

Concernant l'appel du SAMU, l'écoute des bandes d'enregistrement des conversations permettait d'affirmer que le médecin régulateur s'était bien renseigné pour obtenir les critères de gravité qui auraient pu inciter à faire hospitaliser d'urgence la patiente. C'est après avoir entendu la famille et la patiente elle-même, devant l'absence de ces critères de gravité à l'interrogatoire que le médecin régulateur avait fait intervenir le médecin du service de garde. Il avait même rappelé ce service après le deuxième appel de la famille dans la mesure où le médecin de garde n'était pas encore passé et s'était assuré qu'il allait se présenter rapidement au domicile de la patiente. Le comportement du médecin régulateur du SAMU était, donc, conforme à ce qu'il fallait faire.
En revanche, le médecin de garde qui n'était pas présent lors de l'expertise malgré la convocation qu'il avait reçue et sans donner d'explications sur son absence, n'avait pas eu un comportement conforme aux règles de l'art. En effet, chez une patiente de 62 ans ayant des antécédents cardio-vasculaires importants et qui présentait des malaises au décours d'une intervention abdominale, il était nécessaire et impératif de prescrire une réhospitalisation immédiate.

Si tel avait été le cas, il est vraisemblable que la simple transfusion de quelques culots sanguins aurait permis de restaurer l’état hémodynamique et de corriger l’anémie, ce qui aurait permis de faire le point des décompensations éventuelles pour les traiter (...)".
Toutefois, les experts estimaient : "(..) ne pas pouvoir affirmer compte-tenu des antécédents cardio-vasculaires de la patiente, qu'une prise en charge hospitalière aurait permis d'éviter le décès, mais le comportement non conforme du médecin de garde avait entraîné, pour la patiente, une perte de chance de survie chiffrée à 50 % (...)".

  • Commission de Conciliation et d'Indemnisation (Octobre 2017)

Se fondant sur le rapport d'expertise, la CCI estimait que: "(...) le comportement non conforme du médecin du service de garde s'analysait en une faute, engageant sa responsabilité (...)". Mais, contrairement aux experts, s'agissant du médecin régulateur du SAMU, la CCI considérait que : "(...) compte-tenu de l'antécédent chirurgical de la patiente et du constat d'une PA à 60 mmHg, il aurait dû l'orienter vers un retour à l'hôpital et non vers une consultation du médecin du service de garde. Ce comportement non conforme s'analysait en une faute engageant la responsabilité du CHU dont dépendait le SAMU (..)".

En conclusion, "(...) Si les fautes commises par le médecin du service de garde et le médecin régulateur du SAMU ne sont pas directement à l'origine du décès de la patiente, elles lui ont fait perdre une chance de survie évaluée à 50 %, dont 25 % pour le médecin de garde et 25 % pour le médecin régulateur du SAMU.
La part restant du préjudice, soit 50 %, est attribuée à l'ONIAM du fait de l'acte chirurgical qui est à l'origine du dommage mais qui n'est pas fautif (...)"

3 Commentaires
  • CHRISTIAN SICOT . 03/05/2019

    Réponse à JULES L : "Il ne s'agit pas d'un rapport paradoxal mais de la décision d'une CCI qui ne reprend pas à son compte les conclusions des deux experts qu'elle avait désignés pour analyser les causes du décès de la patiente;; Ceux-ci, dont l'un était responsable de SAMU, avaient estimé que seul le médecin du service de garde était responsable du décès de la patiente. En revanche, selon leur avis, le médecin régulateur du SAMU n'avait commis aucune faute. Pour sa part, dans son délibéré, la CCI a conclu que le médecin du service de garde et le médecin régulateur du SAMU ont chacun, par leur faute, entraîné une perte de chance de survie pour la patiente, estimée à 50 %, à partager à égalité (25 %) entre ces deux médecins."

  • Jules L 23/04/2019

    Ce rapport est paradoxal. On nous dit que le medecin du samu à bien fait de faire intervenir le medecin de garde et en même que : « chez une patiente de 62 ans ayant des antécédents cardio-vasculaires importants et qui présentait des malaises au décours d'une intervention abdominale, il était nécessaire et impératif de prescrire une réhospitalisation immédiate ». De plus avec une ta à 60mmhg...

  • alain f 18/03/2019

    on ne peut pas accepter un décès après une intervention chirurgicale relativement bénigne.
    On ne se méfie pas assez de la coelio chirurgie brillante, mais risquée que je connais très bien.
    Le traitement anticoagulant est aussi très difficile à manier.
    N'oublions pas ces remarques, on n'est jamais trop prudent

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