Certificat psychiatrique produit au cours d'une procédure de divorce

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Certificat psychiatrique produit au cours d'une procédure de divorce : le médecin psychiatre condamné

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  • Médecin Psychiatre condamné

Le cas clinique suivant présente les conséquences d'un certificat médical circonstancié psychiatrique établi dans le cadre d'une procédure de divorce et de curatelle...

  • Médecin
Auteur : Dr Christian SICOT / MAJ : 02/08/2019

Cas clinique

  • Le 9 juin 2011, un médecin psychiatre reçoit Madame A, accompagnée de ses parents désireux d’obtenir une mesure de protection juridique pour leur fille, en raison de son état de santé. Dans le certificat rédigé par le médecin psychiatre sur la nécessité de mettre en œuvre une mesure de curatelle renforcée concernant Madame A et proposant son père pour assurer, au mieux, les fonctions de curateur, les faits suivants sont, notamment, soulignés : " (...)

Cette jeune femme, mariée et sans enfant, est en instance de divorce dans un contexte qui semble être en rapport avec une réelle violence conjugale qui l'a conduite à des tentatives d'autolyse et à plusieurs hospitalisations en établissement psychiatrique spécialisé.

Son mariage l'a confrontée à ce qui apparaît être une entreprise perverse de la part d'un époux contre lequel elle a déposé plusieurs plaintes. Mal défendue sur le plan psychologique elle a subi les épreuves d'une vie conjugale très éprouvante qui a provoqué des décompensations psychiques conduisant à des prises en charge psychiatriques sous diverses formes. (...)"

  • Ce certificat1 est, par la suite, utilisé par Mme A dans le cadre de la procédure en divorce l'opposant à son mari, Monsieur Z.

1 Le certificat rédigé par le médecin psychiatre correspond à ce qu'il est convenu d'appeler un certificat médical circonstancié, c'est à dire, un certificat constatant qu'une personne n'est plus capable de gérer ses biens et/ou sa personne.

Analyse et jugement

Analyse

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Jugement

Janvier 2012 : Plainte ordinale de Monsieur Z contre le médecin psychiatre
Estimant que le contenu de certificat était de nature à lui porter préjudice sur les plans personnel et professionnel et considérant qu'il avait été rédigé en violation des règles de déontologie médicale prévues par le code de la santé publique, Monsieur Z déposait plainte auprès du conseil départemental de l'Ordre des médecins contre le médecin psychiatre.

Février 2014 : Chambre Disciplinaire de Première instance   
La chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins rejetait la plainte de Monsieur Z.

Février 2015 : Chambre Disciplinaire Nationale de l'Ordre des Médecins
Monsieur Z interjetait appel de cette décision.
La Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins annulait celle-ci. Considérant que le médecin psychiatre avait eu un comportement fautif eu égard aux dispositions de l'article 1218-1 du code de procédure civile et aux articles R. 4127-28, R. 4127-51 et R. 4127-76 du code de la santé publique, la Chambre Nationale de l'Ordre des Médecins infligeait au médecin psychiatre la peine du blâme. 

Octobre 2015 : Assignation du médecin psychiatre par Monsieur Z    
Monsieur Z exposait que le médecin psychiatre avait commis une faute dans la rédaction sans objectivité de propos injurieux dans le certificat médical du 9 juin 2011.
Il précisait par ailleurs que le certificat litigieux ne pouvait être considéré comme une expertise judiciaire faute d'avoir été ordonné judiciairement, la seule qualité de médecin-expert ne suffisant pas à donner à ce certificat un caractère expertal.
Monsieur Z estimait également que la faute du médecin psychiatre était d'autant plus caractérisée que ce dernier avait effectué la consultation à l'origine du certificat en présence des parents de Madame A et avait remis le certificat médical à ces derniers sous pli non cacheté.
Il alléguait, en conséquence, un préjudice moral, la connaissance du contenu du certificat médical litigieux lui ayant causé un état dépressif caractérisé par une forte anxiété, un profond mal-être et un ralentissement de ses perspectives professionnelles.
Pour sa part, le médecin psychiatre exposait que le certificat établi le 9 juin 2011 n'était pas un certificat médical mais un certificat expertal dont les seuls destinataires étaient le juge des tutelles et le procureur de la République. Le demandeur n'ayant jamais dû avoir accès à ce certificat, aucune faute ne pouvait lui être imputée.
Il estimait par ailleurs que Monsieur Z n'établissait pas la preuve d’un lien de causalité direct et certain entre le certificat litigieux et son préjudice. Le médecin psychiatre exposait en outre que Monsieur Z présentait des difficultés psychologiques sérieuses avant la rédaction de ce certificat. Il ajoutait enfin qu'aucun ralentissement de carrière n'avait été causé par le certificat médical litigieux, eu égard à l'avancement dont Monsieur Z avait bénéficié dans sa carrière professionnelle en 2012.

Septembre 2018 : Tribunal de Grande Instance
" (...) Sur la responsabilité de Monsieur Z
En application de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au présent litige, tout fait qui cause à autrui un dommage, oblige celui par qui la faute est arrivée, à le réparer. Il convient en ce sens de prouver l'existence d'une faute et l'existence d'un préjudice ainsi que d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Sur l’existence d'une faute
a)     Sur les conditions de rédaction et de remise du certificat
L'article 431 du code civil prévoit qu'une demande d'ouverture d'une protection judiciaire doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié. Le contenu de ce certificat médical doit répondre aux exigences de l'article 1219 du code de procédure civile notamment s'agissant du fait de donner au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de l'altération.
En l'espèce, le certificat rédigé par le médecin psychiatre le 9 juin 2011 tend à éclairer le juge sur la nécessité de mettre en œuvre une mesure de curatelle renforcée et sur la personne qui pouvait au mieux, selon lui, exercer les fonctions de protecteur.
Ce certificat doit donc être considéré comme un certificat médical circonstancié et ne peut être qualifié de certificat expertal, faute pour le médecin psychiatre d'avoir été commis judiciairement pour le rédiger.

L'article 1219 du code de procédure civile prévoit par ailleurs que ce certificat médical circonstancié doit être remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles.

En l'espèce, les éléments versés au débat ne permettent pas d'établir que le certificat médical rédigé par le médecin psychiatre le 9 juin 2011 n'a pas été remis sous pli cacheté. Il apparaît au contraire que le médecin expert utilise de façon habituelle un pli explicite rappelant les dispositions de l'article 1219 à destination du requérant pour qu'il n'ouvre pas l'enveloppe.
L'avocate des parents de Madame A en qualité de requérant à la mesure de protection de leur fille, atteste avoir reçu le pli ouvert et a pris de ce fait la précaution d'y apposer son cachet avant de l'adresser aux destinataires institutionnels (procureur et juge des tutelles). La copie que Monsieur Z a communiqué à la procédure de divorce ne porte pas ce cachet de sorte que la copie est antérieure à la constitution du dossier de curatelle, lequel n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune demande de copie. Aucune faute ne peut donc être imputé au médecin psychiatre à ce titre.
L'article R. 4127-28 du code de la santé publique interdit au médecin de délivrer un rapport tendancieux ou un certificat de complaisance.
En l'espèce, les éléments versés aux débats par chaque partie ne permettent pas d'établir avec certitude que les parents de la patiente étaient présents lors de la consultation du médecin psychiatre et ont influencé le contenu dudit certificat de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée sur ce fondement. En particulier l'attestation de Mme A affirmant que ses parents ont assisté et orienté l'entretien ne peut suffire à établir une faute du praticien alors qu'elle conteste la mesure de protection résultant de son rapport et la désignation de son père comme curateur, et que la protection la concernant résulte de son état de dépendance et de faiblesse, expliquant les revirements de ses courriers et attestations sans permettre au tribunal d'identifier la version à retenir.
Aucune faute n'est caractérisée à l'encontre du médecin psychiatre de ces chefs.

b)    Sur le contenu du certificat
Aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, l'exercice de la médecine comporte l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, de certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.

L'article R. 4127-51 du même code prévoit en outre que le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients.
En l'espèce, il ressort de la lecture du certificat médical en date du 9 juin 2011 que le médecin psychiatre ne s'est pas limité dans sa rédaction aux éléments exigés par l'article 1219 du code de procédure civile. Il a en effet apporté des précisions sur l'environnement familial de Madame A et sur les relations qu'elle a pu entretenir avec Monsieur Z et ses parents sans préciser qu'il s'agissait des déclarations de la patiente et non de constatations médicales faites par lui, et sans utiliser les précautions et réserves nécessaires, ce que La Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins a également retenu comme une faute déontologique du médecin psychiatre.
Cet élément constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité civile.

Sur l'existence d'un préjudice et sur la caractérisation d'un lien de causalité
En l'espèce, il résulte des certificats médicaux établis par le médecin suivant Monsieur Z le 11 juin 2012 et le 17 juillet 2015 que ce dernier souffrait de fatigue, d'anxiété et de troubles psycho-cognitifs réactionnels. Le suivi a commencé en juin 2011, c'est à dire concomitamment à la rédaction du certificat litigieux dont il n'a cependant eu connaissance qu'en janvier 2012.
Il ressort également des éléments versés au débat que Monsieur Z a fait l'objet d'un suivi auprès du Pôle Santé Travail de son entreprise.

L'ensemble de ces éléments démontre l'existence d'un état dépressif chez Monsieur Z à l'occasion de sa séparation et du conflit familial qui est traduit par les termes du certificat médical litigieux et les divers courriers et plaintes de Madame A.

De plus, l'attestation de suivi par le Pôle Santé Travail tend à démontrer que Monsieur Z connaissait des épisodes d'angoisse dans un contexte personnel difficile et que le certificat médical litigieux a seulement été évoqué de sorte qu'il n'a pu être, à lui seul, à l'origine de l'état de Monsieur Z.

Il résulte notamment d'un des certificats de son médecin traitant que le certificat médical litigieux a aggravé une situation pathologique existante chez lui puisqu'il est précisé que l'état de Monsieur Z s'inscrit "dans le cadre d'une procédure de séparation conjugale difficile et pénible".

Le lien de causalité entre les multiples arrêts médicaux de travail dont a fait l'objet le demandeur et le certificat médical litigieux n'est pas établi.

Monsieur Z n'établit pas avoir subi un préjudice professionnel au delà de la perte de salaire momentanée lors de l'arrêt du travail de nuit, et ne peut imputer son retrait de l'équipe opérationnelle au certificat litigieux. Il n'établit pas davantage un retentissement sur sa carrière en ne justifiant pas de son rang, alors qu'il a été proposé au tableau d'avancement en 2012 et que la partie adverse soutient qu'il en a obtenu le bénéfice.

Toutefois il résulte des attestations et certificats précités qu'il a subi un préjudice particulier directement causé par les termes du certificat, dont les propos relayés par un médecin donnent crédit à la dénonciation d'une personnalité perverse, dont il a dû répondre devant de nombreux professionnels et proches alors que ses fonctions professionnelles lui imposent une probité particulière et le sens de la protection d'autrui.

Il ressort en conséquence des pièces produites que le certificat établi par le médecin psychiatre le 9 juin 2011 a participé à l'état dépressif de Monsieur Z en ce qu'il a pu constituer une atteinte à son honneur et à sa dignité. Toutefois, les différents éléments produits par le demandeur ne permettent pas d'établir de manière suffisante que ce seul certificat médical soit à l'origine de l'entier état de Monsieur Z de sorte que l'indemnisation de ce dernier devra être ramenée à de plus justes proportions.  (...)"

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :
CONDAMNE le médecin psychiatre à verser à Monsieur Z une somme de 2.000 euros au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNE le médecin psychiatre à verser à Monsieur Z une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le médecin psychiatre aux dépens.

5 Commentaires
  • caraduke c 20/02/2023

    bonjour, je suis ici aujourd'hui pour partager un témoignage sur la façon dont la solution du temple de l'amour m'a aidé à ramener mon mari et à arrêter le divorce avec en 48 heures contacter le prêtre jaja Je ne peux pas le remercier assez d'avoir restauré mon mariage et réuni à nouveau notre famille. Voici le contact pour le joindre .lovetemple 0001 { @ } {g mail. {
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  • Sonia C 13/04/2021

    Je vis la même situation que Bernard depuis 4 ans avec notre fille. Un psychiatre a fait une attestation que nous avons trouvée trop légère car il disait "selon la patiente" et l avocat de la partie adverse s en est servi pour dire que même le psychiatre ne croyait pas notre fille ! Ma fille lui fait entièrement confiance sa déception était telle qu elle l a interrogé sur sa formulation. Et effectivement il a dit être obligé de le faire car il avait déjà été convoqué au tribunal suite à des attestations. Mais alors à quoi servent-elles si les règles sont connues et que la partie adverse peut se servir de ce " semble -t-il " ou " selon les dires du patient ".
    Ce jugement me sidère. Inutile de vous dire que notre enfer se poursuit d autant qu un tout petit enfant est en jeu.

  • bernard s 24/07/2019

    mr est certainement un pervers narcissique adepte de toutes formes de procédure .alors peu importe les dégâts ils veulent avoir raison ! en ce qui concerne la justice elle passe à coté en renforçant l’agressivité du pervers qui va utiliser toutes les arcanes de destruction possible . j'ai sauvé ma fille et vécu 4 années de justice .. 3 enfants séparés de leur mère et je passe les détails solrdide d'avocat et de juge .. seul bémol et pas des moindres: mon gendre pervers narcissique de haut niveau a mis fin à ses jours de manière brutale ..cqfd. alors peu importe les plaintes pour violences , il faut trouver un coupable pour alimenter financièrement cette machine incontrôlable et non accessible aux sanctions indépendance oblige; le médecin est tout trouver dans ce rôle et de compter en plus deux médecins compétents sanctionnés ...
    alors voir comment oeuvre un pervers narcissique( chantal Hirigoyen) et le combat mené par violette justice
    face à ce genre d'affaire

  • alain d 24/07/2019

    Bien que cela ne me protège pas des attaques des juges qui ne comprennent rien à rien, je rédige ainsi "L'examen du malade requière un interrogatoire et un examen . L'interrogatoire m'apprend que ( je cite ce que le patient me dit ) "

  • CRISTIAN S 24/07/2019

    Ceci est un abus clair envers notre collègue. Nous sommes obligés a faire l'anamnèse selon l'art du diagnostique médical , et qui est définitoire dans l'établissement du diagnostique . Tant que un Juge refuse un diagnostique basé sur l"art de la pratique médicale , s'appelle abus .Notre collègue a stipulé clairement que "il semble" , le certificat a été établi à la demande de la patiente et ses parents , le secret est partagé et partiellement confidentiel ! La première instance de l'OM a eu raison . C'est un certificat établi par un spécialiste de classe , qui fait appel pleinement à l'art du diagnostique médical . Il ne juge pas , il protège son patient sans faire mal à personne . Le jugement final de l'OM est faux ! Tous les diagnostiques sont en premier circonstanciés , le contexte de le définir est essentiel , personne n'a le droit de ignorer les motifs , surtout en psychiatrie

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