Première grossesse chez un couple jeune (20 ans). Le 2 mai, à 37 SA, accouchement normal d’une petite fille pesant 2 kg 630 (expulsion rapide et spontanée à 23h50). Compte tenu d’un portage vaginal streptococcique, un traitement antibiotique intraveineux était réalisé chez la mère durant le travail...
Assignation du médecin traitant par la mère de l’enfant en réparation du préjudice que cette dernière avait subi.
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L’expert, professeur des universités, chef de service de pédiatrie, estimait que l’enfant avait été victime d’un accident infectieux « occasionnel » à germe très agressif surtout à cette période de la vie (immaturité immunologique), accident qui ne pouvait être en relation avec la suspicion d’infection materno-fœtale de la période néo-natale et qui ne pouvait pas être rattaché à une origine nosocomiale. La prise en charge thérapeutique de cette pathologie infectieuse avait été adaptée et conforme, tant à l’hôpital d’admission qu’au CHU. Elle avait permis de sauvegarder les fonctions vitales, notamment respiratoires, mais des lésions neurologiques s’étaient constituées, inhérentes à la détresse respiratoire avec hypoxie, aux troubles hémodynamiques et aux convulsions. Selon l’expert : « (…) Initialement l’enfant avait été atteint d’une infection d’origine virale banale avec état subfébrile et encombrement nasal, sans caractère de gravité mais qui avait incité le médecin de garde devant la persistance d’un état subfébrile et l’âge de l’enfant à envisager le lundi 25 mai, une hospitalisation. La mère ne suivait pas cet avis et décidait de consulter un autre généraliste, son médecin traitant. Ce dernier (qui disait ne pas avoir eu connaissance de la lettre d’hospitalisation du médecin de garde) décidait sur ses constations cliniques de ne pas hospitaliser l’enfant et de maintenir letraitement symptomatique. C’était probablement dans la matinée du 26 mai que la dissémination bactérienne s’était installée avec apparition en quelques heures des difficultés respiratoires. L’apparition de convulsions généralisées (malaise avec révulsion oculaire et hypotonie) avait amené la mère à consulter aux urgences (…) »
La prise en charge thérapeutique de l’enfant devait-elle être plus précoce ? D’après l’expert, «(…) le médecin traitant ne pouvait évoquer le diagnostic de staphylococcie pleuropulmonaire et donc, il n’avait pas à envisager d’hospitalisation immédiate ou à proposer, de traitement complémentaire. On ne pouvait donc pas parler de fautemédicale, mais on retiendra un manque d’attitude clinique préventive pour évaluation et surveillance en hospitalisation. Il s’agissait, en effet d’un bébé de 21 jours, subfébrile depuis 48 h avec antécédents de suspicion d’infection materno-fœtale (…) »
Parallèlement, l’expert remarquait que (…) Le comportement de la mère de l’enfant était à souligner : cette jeune maman n’avait pas accepté la décision du médecin de garde et avait décidé de prendre l’avis d’un autre médecin généraliste et non pas d’un médecin pédiatre. Dans la matinée, l’état clinique de l’enfant allait nettement s’aggraver mais ce n’est qu’à 14h que sa mère l’amenait aux urgences (…) »
Au total, l’expert retenait une latence dans la prise en charge de l’enfant, inhérente en partie à un défaut d’attitude préventive du médecin traitant mais surtout au comportement maternel. Mais, il ajoutait qu’ « (…) une hospitalisation plus précoce (la veille) n’aurait paspermis d’enrayer rapidement et complètement leprocessusinfectieux. L’infection invasive à staphylocoque constitue un accident infectieux très grave, silencieux en phase pré-invasive puis rapidement évolutif lors de la diffusion bactérienne et le pronostic vital même aujourd’hui encore reste réservé. En revanche, l’hospitalisation dès le début de la matinée du 26 mai voire la veille aurait pu limiter le risque neurologique engendré par l’hypoxie. On peut parler de perte de chance mais il est impossible d’en donner une évaluation chiffrée (…) »
Concernant l’IPP, l’expert estimait qu’ « elle ne pouvait être fixée à ce jour car, compte-tenu des données cliniques actuelles, de l’âge de l’enfant et d’une évolution neurologique ultérieure possible, il ne pouvait être envisagé de mesures de consolidationUne réévaluation de l’état clinique devait être proposée dans un délai de 5 ans en phase post-pubertaire. Mais, le taux d’IPP ne serait pas inférieur à 50 %. »
Tribunal de Grande Instance (décembre 2010)
Se fondant sur le rapport d’expertise, les juges estimaient qu’ « (…) Au moment de la consultation du médecin généraliste de famille, si le diagnostic de staphylococcie pleuro-pulmonaire ne pouvait être porté, l’hospitalisation aurait dû être décidée pour évaluation et surveillance compte-tenu du très jeune âge de l’enfant, de sa situation subfébrile depuis 48 heures et des antécédents de suspicion d’infection materno-fœtale. L’absence de décision d’hospitalisation constituait alors bien, une faute qui lui était imputable…Toutefois, l’hospitalisation plus précoce de l’enfant n’aurait pas permis d’éviter la complication infectieuse et aurait seulement pu influencer le risque de souffrance neurologique dans une proportion , impossible à chiffrer….Dès lors, lafaute commise par le médecin traitant n’a pas été de manière directe et certaine à l’origine des dommages subis par l’enfant, mais a généré pour elle, une perte de chance d’éviter ou de réduire les séquelles neurologiques dont elle est atteinte (…) »
Perte de chance fixée à 50 %.
Indemnisation provisionnelle de 280 000 €
Références pour aller plus loin
Prise en charge (notamment médicamenteuse) de la fièvre chez l’enfant : références 1 et 2 (afssaps)
1) http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/8a3e72e8fec9c0f68797a73832372321.pdf
2) http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/b439d55ee299ae83db7bd9008c1eb267.pdf
3) Liste des paramètres sociaux à contrôler avant d’envisager la prise en charge ambulatoire d’un nourrisson fébrile de moins de 3 mois :
- Téléphone au domicile
- Véhicule disponible
- Maturité suffisante des parents
- Compréhension des consignes médicales (réévaluation à 24 h)
- Thermomètre au domicile
- Domicile proche de l’hôpital
http://www.seminairesiris.be/semrispdf/1112/FIEVRE3mois%20mars2012%20version1.pdf
4) http://www.lesjta.com/article.php?ar_id=1248
5) http://www.doc-dz.com/t2312-conduite-a-tenir-devant-une-fievre-du-nourrisson-de-moins-de-3-mois
Les références 3,4,5 et 6 rappellent :
- qu'en cas de signe(s) de gravité, l’hospitalisation s’impose quel que soit l’âge
- qu'en l’absence de signe de gravité, l’hospitalisation s’impose chez le nourrisson de moins d’un mois et la pratique d’examens complémentaires est nécessaire chez les nourrissons de moins de 3 mois pour juger d’une éventuelle hospitalisation
c est très intéressant