Choc septique à 22 semaines d’aménorrhée (SA) sur une chorioamniotite

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Choc septique à 22 semaines d’aménorrhée (SA) sur une chorioamniotite

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Mme X, âgée de 19 ans, nullipare, deuxième geste, sans antécédents familiaux et médicaux particuliers, en France depuis peu, ne parlant pas le français, présente à 22 SA des métrorragies et une fièvre à 40°C. Dans ses antécédents obstétricaux, on retrouve 1 fausse couche tardive au 6ème mois de grossesse dans un contexte de rupture prématurée des membranes.

  • Sage-femme
Auteur : Isabelle Le CREFF / MAJ : 09/05/2018

Cas clinique

La date des dernières règles de la grossesse actuelle est imprécise, le terme actuel basé sur une première échographie réalisée à 17 SA est fixé à 22 SA.

Prise en charge par le SAMU à 0h, elle est transférée à l’hôpital, perfusée et mise sous scope.

A 2h30, en salle de naissance, la patiente est prise en charge par la sage-femme. L’interne de garde et l’anesthésiste sont présents.

Elle présente une fièvre à 39,5°C avec des frissons sans syndrome méningé, la TA est à 110/47, le pouls à 150, et la saturation à 96 %.

A l’examen obstétrical : l’utérus est souple, la patiente ne présente pas de contractions utérines, aucun saignement n’est objectivé.

A l’échographie : aucune activité cardiaque fœtale n’est retrouvée et la biométrie est en rapport avec un fœtus de 22 SA, le placenta est post non bas inséré. Il n’existe pas de signes en faveur d’une mort fœtale in utéro (MFIU) ancienne.

A 3h00, un bilan bactériologique est effectué avec recherche de listéria et paludisme, ainsi qu’un bilan vasculo-rénal. La patiente est mise sous oxygène au masque et une sonde vésicale à demeure est posée. Une antibiothérapie est débutée avec : AUGMENTIN et GENTAMICINE.

A 3h15, une 2ème voie veineuse est posée avec 1g de PERFALGAN. L’interne de garde ne souhaite pas informer le couple de la MFIU sans la présence du chef de garde.

A 3h25, l’hémoglobine est à 9,1 g/l, et les leucocytes à 5130.

A 4h00, le chef de garde est présent et annonce la MFIU à la patiente. L’hypothèse diagnostique est un sepsis sévère avec MFIU, une infection à Escherichia coli est évoquée. L’antibiothérapie est alors modifiée, l’AUGMENTIN étant remplacé par le CLAFORAN. La TA est à 90/60, le pouls à 144, la température à 37,9°C et la saturation à 100 %, la patiente n’est pas algique.

La surveillance se poursuit en salle de naissance, le pronostic vital maternel n’étant pas engagé. La TA reste normale et le pouls élevé.

A 6h50, les contractions débutent, une PCA est mise en place.

A 8h57, la patiente expulse spontanément un fœtus mort-né pesant 500 g, d’odeur fétide. La TA est à 80/40, aucun saignement n’est objectivé, une perfusion de RINGER est en cours. Le choc septique n’est pas évoqué, il n’y a pas de notion de gravité majeure.

A 9h25, l’interne de garde est appelé pour une délivrance artificielle (DA), la saturation est labile, la TA chute et la patiente se plaint d’une douleur thoracique.

L’auscultation met en évidence des crépitants, le diagnostic d’œdème aigu du poumon est évoqué. Le chef de garde est appelé ainsi que l’anesthésiste.

A 9h49, une DA suivie d’une révision utérine est réalisée sous AG, la perte de sang est normale et le placenta adressé en bactériologie. Il est décidé une prise en charge en réanimation mais la charge de travail est telle qu’il n’y a pas de lit disponible.

Après discussion entre l’anesthésiste et le réanimateur, devant le choc septique, la patiente intubée ventilée est malgré tout mutée en réanimation.

A 10h30, la patiente est prise en charge en réanimation. A son arrivée, elle fait une défaillance hémodynamique nécessitant 4 mg/h de NORADRENALINE puis une détresse respiratoire par œdème aigu du poumon (OAP). Un E. Coli est retrouvé sur les hémocultures et le prélèvement vaginal d’admission.

L’évolution est rapidement favorable ; en 48h et la patiente est mutée dans le service des grossesses à haut risque d’où elle sera sortante 2 jours après.

Conséquences

A la suite d’un choc septique dû à une chorioamniotite, l’état de la patiente a nécessité une mutation en réanimation, où elle a présenté une détresse respiratoire due à un OAP. L’évolution a été rapidement favorable.

Analyse approfondie des causes selon la méthode ALARM

Nature de la cause

Faits en faveur de cette analyse

Facteurs liés aux patients

Le fait que la patiente ne parle pas le français a rendu l’interrogatoire difficile. Ni la date du début de la grossesse, ni le début de la fièvre n’ont pu être précisés par la patiente.

Facteurs liés à l'organisation et au management

Les décisions ont été multidisciplinaires sur la prise en charge thérapeutique de la patiente, mais la traçabilité des discussions et des décisions collectives a été incomplète.
Le manque de place en réanimation a retardé la mutation de la patiente.
Le senior de garde n’a pas été mis au courant de la dégradation de l’état de la patiente.

Facteurs humains

L’état de la patiente n’ayant pas été estimé préoccupant, l’équipe a poursuivi la surveillance en salle de naissance, un déclenchement de l’accouchement n’a pas été proposé.

Facteurs liés aux conditions de travail

L’ensemble de l’équipe de salle de naissance décrit une charge de travail modérée, mais une surcharge de travail en réanimation n’a pas permis de prendre en charge rapidement la patiente.
Les effectifs mis en œuvre étaient conformes au schéma d’organisation validé dans l’institution dans le cadre d’une activité normale.

Facteurs liés aux tâches à accomplir

Suite à l’appel du SAMU, l’accueil de la patiente a été anticipé par la sage-femme et une prise en charge multidisciplinaire a été immédiate en salle de naissance, l’obstétricien et l’anesthésiste étant présents.

Facteurs liés à l'équipe

Le lieu de surveillance de la patiente et l’adaptation de l’antibiothérapie ont été décidés de façon collégiale mais il existe une discordance dans les heures d’injection des antibiotiques entre le dossier obstétrical et le dossier d’anesthésie.
Les informations données aux réanimateurs concernant la patiente sont mal comprises, en particulier sur le fait que la patiente était intubée et ventilée.
Les informations données à la patiente ne sont pas tracées dans le dossier.

Facteurs liés au contexte institutionnel

Rien de spécifique à signaler.

Les actions correctives

Pour faciliter la traçabilité du suivi et des décisions prises, un support commun Anesthésie / Obstétrique est créé.

Une procédure de gestion d'un accident ou presque accident listant les tâches à effectuer sera mis en place, ainsi qu’une procédure de prise en charge des patientes transportées par le SAMU et nécessitant une surveillance accrue.

En conclusion

L'infection grave et le sepsis sont des événements rares durant la grossesse ou durant la période de post-partum. En cas de mort fœtale in utéro dans un contexte infectieux, les complications peuvent être graves et mettre en jeu le pronostic vital de la mère.

La surveillance repose sur une approche multidisciplinaire entre le réanimateur et l'obstétricien ; il est classique que cette prise en charge se fasse en salle de naissance, mais dans ce cas particulier, d’un sepsis sévère chez une patiente potentiellement instable, avec la nécessité d’un personnel dédié à une surveillance accrue (SF, IADE), elle n’était pas optimale.

Néanmoins, la mutation en réanimation avant l’accouchement aurait sans doute été déraisonnable du fait d’un accouchement prématuré probable, difficile à gérer dans un service de réanimation, le déclenchement de l’accouchement aurait alors été légitime.

Références :

  • Revue de médecine périnatale ; March 2014, Volume 6, Issue 1, pp 49–56
  • Cite as. Mort fœtale in utero : étiologies et prise en charge à l’hôpital Laennec de Creil.Z. N. Andriamandimbison ; N. P. Ahounkeng ; R. C. Adjoby ; M. F. Ramarokoto ; C. Dipace ;E. Dienga Tshofu
2 Commentaires
  • V M 06/05/2022

    Merci pour ce plus de connaissances

  • Véronique M 16/01/2021

    Bonjour,
    Ma fille Claire est décédée des suites de son accouchement d’une petite fille née sans vie.
    Ma fille était à 22 semaines de grossesse d’aménorrhée quand elle a perdue les eaux. Son gynécologue lui a proposé de poursuivre la grossesse sans liquide amniotique en restant hospitalisée. On lui a diagnostiqué un escherichia colis . Sous antibiotiques, ma fille est restée alitée à la clinique jusqu’à ce qu’on lui découvre une charioamniotite. Le bébé venant de mourir, ma fille est allée en salle d’accouchement et à accoucher d’une petite fille sans vie. Tout c’est enchaîné, elle a fait un choc septique. Trop tard , elle a été transféré au chu . Les chirurgiens n’ont pas pu la sauver. Tous les organes de ma fille étaient nécrosés.
    Ma fille est morte le 1er août 2018. Claire avait 25 ans.
    Je ne comprends toujours pas comment peut-on mourir de nos jours en voulant donner la vie.
    Les médecins nous ont parlé d’un cas extrêment rare...
    Il n’y a pas eu d’autopsie du placenta, ni sur le corps de notre fille.
    Une douleur qui nous prend toute notre énergie . Nous ne comprenons pas ...

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