Incompréhension entre soignants

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Incompréhension entre soignants

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Madame A., 42 ans, se présente aux urgences pour une sensation de palpitations...

  • Paramédical
  • Travail en équipe, communication
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 12/09/2018

Présentation du contexte

Cette jeune femme se présente aux urgences car elle ressent comme des palpitations depuis plusieurs heures déjà. L’infirmière d’accueil et d’orientation la prend en charge très rapidement, et constate lors de la prise des constantes une fréquence cardiaque à 192 pulsations par minutes, une tension artérielle à 152 mm de Hg de systolique et 65 mm de Hg de diastolique. La saturation quant à elle est à 97%.

Devant ces constantes, elle installe la patiente dans une des box de déchoquage, et prévient le médecin urgentiste senior.

Le monitorage (avec report d’alarmes sur le poste centrale de surveillance) mis en place confirme les valeurs des constantes prises à l’accueil.

L’interrogatoire de la jeune femme montre l’absence d’antécédents médicaux et chirurgicaux. Dans l’énoncé de ses traitements habituels, on retiendra une contraception orale.

Elle précise également qu’elle est sujette à des migraines 4 à 6 fois par mois, mais qui n’ont jamais été explorées.

L’ElectroCardioGramme (E.C.G.) réalisé confirme la tachycardie de Bouveret.

Une voie veineuse est mise en place.

Après l’examen clinique et l’interrogatoire de la patiente, le médecin urgentiste décide de réaliser une réduction par médicament. Il demande alors à l’Infirmière en charge de la malade de préparer une seringue de KRENOSIN* selon le protocole du service, et il demande également de faire aussi une seringue de 1 mg d’ATROPINE*.

Quelques minutes plus tard, l’infirmière prévient le médecin que tout est prêt dans le box de la patiente.

Lorsque l’urgentiste entre dans le box, il voit l’IDE en train d’injecter un médicament. Elle lui dit qu’elle vient d’administrer la seringue d’ATROPINE comme il lui avait demandé.

Immédiatement, les deux comprennent l’erreur. La patiente augmente très légèrement sa fréquence cardiaque de 188 à 195 pulsations par minute. L’E.C.G. réalisé ne montrera aucun signe de souffrance cardiaque.

Le protocole KRENOSIN* sera efficace dès la deuxième injection de 6 mg de principes actifs (la première injection de 3 mg n’ayant pas obtenu l’effet escompté).

L’enregistrement du D2 long montrera un retour en Rythme Sinusal Régulier.

La patiente sortira des urgences quelques heures plus tard après une surveillance en unité d’hospitalisation de courte durée et un avis spécialisé. Un courrier pour son médecin traitant lui sera remis, préconisant la conduite à tenir suite à ce premier épisode de tachycardie.

Cette erreur d’administration a généré des inquiétudes immédiates et potentielles pour la patiente, et surtout un questionnement légitime pour comprendre sa génèse.

Conséquences

En résumé pour cet incident :

- Aucune conséquence pour la patiente,

- Pas de séjour prolongé pour la malade suite à cette erreur,

- Une jeune femme qui a compris partiellement les explications données, mais qui a surtout retenu qu’elle pouvait rentrer chez elle le soir même pour retrouver ses enfants,

- Une équipe soignante très inquiète des conséquences potentielles de cet incident, consciente que cela aurait pu arriver à certains d’entre eux.

Méthodologie et analyse

Le chef de service et le cadre de santé demandent au service Qualité – Gestion des Risques de réaliser une analyse de cet incident.

L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’événement et éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

 

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe :

 

Facteurs liés aux patients :

La patiente ne présente aucun antécédent, ni médical, ni chirurgical.

Cet accès de tachycardie est le premier ; elle ne décrit aucun autre épisode de genre.

Cette pathologie survient en général chez des sujets jeunes, indemnes de toute maladie cardiaque.

Cette patiente est française ; la communication n’a posé aucun problème.

Le relationnel entre patient et soignants n’a posé aucun problème : Madame A. était en climat de confiance car elle a été prise en charge très peu de temps après son arrivée dans ce service d’Urgences.

La patiente a compris les informations données par le médecin, et a accepté le traitement proposé.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

Le protocole retenu par le médecin Urgentiste est un protocole de service, utilisé régulièrement par les pathologies du même type.

La préparation de la seringue d’ATROPINE* n’est pas systématique ; l’utilisation de ce médicament est préconisée en cas de bradycardie.

Ce protocole est consultable sur la base documentaire qualité de l’établissement, et dans le classeur du service.

Tous les moyens matériels étaient présents pour mettre en œuvre cette thérapeutique.

Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :

L’infirmière, qui a pris en charge cette patiente, avait déjà réalisé ce protocole une seule fois seulement, avec un autre collègue. Cette professionnelle de santé, faisant partie des effectifs du service (personnel fixe), exerce dans ce secteur depuis 8 mois. C’est la première fois qu’elle a mis en œuvre cette procédure.

L’infirmière avait 4 patients en charge de manière simultanée. Elle a donné priorité aux soins de Mme A. du fait de la pathologie détectée, et des gravités relatives des autres patients. Ces derniers pouvaient attendre, car leurs soins n’avaient pas le même degré d’urgence.

Facteurs liés à l’équipe :

Ce soin a été réalisé vers 16h30, à un moment de la journée où le flux de patients était important.

L’Urgentiste, contrairement à l’Infirmière, travaille dans ce service depuis de nombreuses années.

L’Infirmière travaillait sous la responsabilité de 2 autres médecins. Elle devait de ce fait s’approprier les consignes données par 3 praticiens différents, pour 4 patients installés dans les box de consultation et de déchoquage.

La consigne orale donnée par le médecin n’a pas été comprise par l’Infirmière :

« Prépare le KRENOSIN* selon le protocole, et fait aussi 1 mg d’ATROPINE* ».

L’Infirmière a compris qu’il fallait administrer l’ATROPINE*, alors que le praticien voulait que l’on prépare cette seringue en cas de bradycardie.

Le médecin voulait simplement préciser qu’il fallait préparer une seringue d’ATROPINE*.

Les prescriptions écrites n’avaient pas encore été réalisées par le médecin, lui même très occupé par 2 autres malades.

Facteurs liés à l’environnement de travail :

L’analyse des facteurs liés à l’équipe montre une charge de travail élevée. Les effectifs sont complets, mais depuis quelque temps, les équipes (médicales et paramédicales) ont signalé leur difficulté à faire face aux afflux de malades.

Les équipements mis en place dans le secteur pour prendre en charge toutes complications et/ou urgences vitales ont été évalués en adéquation avec la prise en charge de cette urgence.

Un point a été également mis en évidence : l’absence de travail en équipe, voire en binôme (médecin-infirmier) formalisée. Ce constat relaté par plusieurs membres des équipes soignantes.

Facteurs liés à l’organisation et au management :

Le travail en binôme est très complexe à mettre en œuvre, car les effectifs paramédicaux dans ce service d’Urgences ne sont pas d’un médecin pour un paramédical. De plus, ces effectifs réduits obligent des prises en charge de malades en fonction de leur arrivée.

Les compétences soignantes étaient celles attendues par les typologies de patients accueillis dans le secteur.

Les procédures et protocoles de soins nécessaires pour prendre en charge les malades sont présents et opérationnels.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

L’examen des autres déclarations d’événements indésirables a relevé d’autres incidents similaires (sans être identiques) dans ce secteur de soins.

  • En résumé : ce qu’il faut retenir

- Une incompréhension entre médecin et infirmière lors de la communication d’informations et de consignes,

- Une Infirmière qui a administré un traitement non adapté à la situation par manque de retour d’expérience, et surtout dans un contexte de travail où la charge en soins était lourde, ce qui ne lui a pas permis de prendre le temps de la réflexion (elle connaissait les effets du traitement, mais n’a pas pris le temps de faire les liens… )

- Une organisation de travail qui ne permet pas le travail en binôme, favorisant un déroulé de prise en charge plus fluide, puisque les professionnels travaillent sur les mêmes prises en charge (travail en phase).

- Une prise en charge de cet incident qui n’appelle aucun commentaire, bien au contraire puisque les mesures conservatoires ont été très efficaces.

Les pistes de reflexion et/ou d'amélioration

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

- L'organisation du travail est-elle optimale ?

- La communication est-elle adaptée ?

- Les connaissances des professionnels sont-elles suffisantes pour certaines prises en charge ?

- Les effectifs sont-ils en cohérence entre les différents métiers ?

 

Les axes d’amélioration préconisés par le groupe de travail ont également été retenus par les équipes du service, à savoir :

- Faire un focus particulier sur la thématique : la transmission orale.

- Réfléchir pour permettre le travail en binôme.

- Travailler sur les charges en soins et les mettre en relation avec les effectifs présents.

Conclusion

De tout temps, le milieu hospitalier est considéré comme un lieu où l’on trouve une forte concentration de compétences diverses.

Le concept de travail en équipe doit être repensé en même temps que l’on réfléchit sur les organisations.

Travailler ensemble sur des buts communs, à la recherche de solutions communes doit permettre d’augmenter encore le niveau de sécurité.

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