Oubli de textile entre hôpital et soins à domicile

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Oubli de textile entre hôpital et soins à domicile - Retour d’expérience Paramédical

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Mme D. se présente aux urgences gynéco-obstétricales d’un Centre Hospitalier pour une douleur au niveau d’un sein alors qu’elle allaite son bébé.

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 01/12/2016

Cas clinique

• Mme D. se présente aux Urgences Gynéco-Obstétricales d’un Centre Hospitalier pour une douleur au niveau d’un sein alors qu’elle allaite son bébé.
• Madame D., 32 ans, a accouché dans cet établissement de santé 23 jours auparavant. Cette parturiente était une primipare ; l’accouchement s’est très bien passé. Son choix s’est orienté vers l’allaitement maternel. Elle a bénéficié des soins éducatifs habituels pour la prise en charge de son bébé. Elle est sortie au 3° jour après l’accouchement pour un retour à domicile.
• Elle revient donc aux Urgences du pôle Femme-Mère-enfant car elle a mal au sein Droit. L’interne procède à un examen clinique qui retrouve :
o une tuméfaction localisée au cadran supéro-externe,
o une douloureuse spontanée à l’endroit de cette tuméfaction, et amplifiée à la palpation,
o une adénopathie satellite douloureuse,
o une fièvre modérée.
• Le médecin réalise également une échographie qui montre une collection. Le diagnostic d’abcès est posé, et devant la taille de la collection, il est proposé à la patiente un traitement chirurgical associé à une antibiothérapie. Le conseil de ne plus allaiter le nouveau né avec le sein infecté est prodigué, avec la nécessité de tirer le lait mécaniquement.
• L’intervention est programmée le lendemain en parcours ambulatoire, afin de laisser le temps à la jeune maman de s’organiser ; le traitement antibiotique est débuté le jour même.
• Le lendemain, Mme D. est hospitalisée, et conduite au Bloc Opératoire.
• L’intervention se déroule sans problème particulier : après avoir procédé à l’incision, la collection est évacuée, un lavage abondant au sérum physiologique bétadiné est réalisé, et un méchage soigneux de la loge est réalisé.
• La sortie est organisée et elle regagne son domicile avec une prescription d’antalgiques et une ordonnance pour des soins locaux qui seront réalisés par une infirmière à domicile.
• L’infirmière réalise les soins locaux avec le changement de la mèche tous les jours. Mais, la plaie continue à sécréter au bout de 10 jours. L’infirmière contacte l’Hôpital qui demande à ce que la patiente repasse aux Urgences. Le médecin, qui a réalisé le geste chirurgical, décide d’explorer la plaie au Bloc Opératoire devant l’aspect local inflammatoire.
• Cette exploration retrouvera au fond de la loge un morceau de mèche.

Conséquences

Cet incident a généré :
- une reprise chirurgicale non prévue,
- une seconde hospitalisation en secteur ambulatoire,
- un traitement antibiotique prolongé,
- une patiente contrariée par ces suites anormales, surtout vis à vis de son bébé, car elle n’a pas pu reprendre l’allaitement maternel plus tôt,
- une réclamation de la patiente qui a été prise en compte par le service contentieux de l’Etablissement.

Le chirurgien signale cet incident au Gestionnaire de Risques de l’établissement. Son analyse a permis de rendre les conclusions suivantes.

Analyse des causes

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

• Causes immédiates

Infection de Site Opératoire : générant une reprise chirurgicale et une nouvelle hospitalisation.

• Causes profondes

Analyse des barrières

Barrière qui a arrêté l’incident : barrière de récupération et d’atténuation
o La vigilance de l’Infirmière à domicile a permis de détecter une évolution anormale concernant la cicatrisation attendue de cette affection.
o Réactivité immédiate pour recevoir la patiente dans les suites du signalement de l’infirmière libérale.
o Réalisation d’un geste chirurgical le jour même de la 2° visite aux Urgences.

Barrières qui n’ont pas fonctionné
o Barrière de prévention : mise en place d’un méchage non conforme aux bonnes pratiques, 2 mèches dans la cavité au lieu d’1.
o Barrière de prévention : transmissions défaillantes entre professionnels de santé.
o Barrière de prévention : autonomie donnée à 2 jeunes professionnels (médical et paramédical) sans contrôle suffisant des pairs sur le contenu des compétences nécessaires pour réaliser cette intervention chirurgicale.

Les pistes de réflexion et/ ou d’amélioration identifiées

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels à réfléchir sur les points suivants :
- la relecture du processus de prise en charge des patients au Bloc Opératoire n’a pas pointé des imprécisions à l ‘origine de ce dysfonctionnement.
- la recherche dans les protocoles institutionnels concernant ce type de soins n’a pas permis de trouver une conduite à tenir concernant ce soin en particulier. Après échanges avec l’Infirmière de Bloc et l’interne, aucun des 2 protagonistes n’avait notion qu’un incident de ce type puisse survenir.
- l’équipe a validé le fait que chaque patient qui bénéficie d’une prise en charge en parcours ambulatoire puisse sortir de la structure de soins avec un dossier complet, à savoir le Compte Rendu Opératoire, la lettre au médecin traitant, les ordonnances de sortie pour les acteurs de santé de ville. Cela leur permettra de réaliser leur prise en charge avec une plus grande rigueur, partant du postulat qu’un défaut d’informations peut être à l’origine d’un événement indésirable.
- les responsables médicaux et paramédicaux ont pris conscience qu’un défaut de compétences doit être détecté avant d’autonomiser les jeunes professionnels. Les processus de formation devront être revus et modifiés chaque fois que nécessaire.

Conclusion

Ce retour d’expérience pointe 2 enseignements :
- le partage des informations entre acteurs de santé doit être optimal. Un défaut de transmissions peut générer des incidents. Que ce soit dans un même établissement de santé ou dans le relais entre secteur hospitalier et médecine de ville, la rigueur doit être la même.
- l’autonomisation des jeunes professionnels de santé doit être décidée après une évaluation efficace et efficiente. Cette dernière s’appuie sur des contenus de compétences préalablement déterminés par les responsables médicaux et paramédicaux.

Les conséquences pour cette jeune maman sont somme toute sans gravité. Mais la réclamation déposée par la patiente montre qu’un contentieux sera vraisemblablement à gérer.

La thématique du dossier médical partagé en secteur de ville, et au sein des Maisons de Santé Pluridisciplinaires est un sujet d’actualité. Si leur mise en place doit permettre de mieux maîtriser les risques en communiquant entre professionnels de santé, il faudra également prendre en compte la problématique de l’alimentation en informations médicales fiables entre secteur hospitalier et médecine de ville. Ceci est d’autant plus vrai avec l’augmentation des parcours de soins en ambulatoire et la diminution des durées de séjours en secteur hospitalier.

1 Commentaire
  • Pascal D 23/12/2016

    Infirmier libéral depuis près de 30 ans, c'est un problème récurrent que la transmission d'informations de l'hôpital vers la ville. On a le sentiment que le secret médical est opposé aux professionnels de ville et nous soignons très souvent "en aveugle" avec comme seules informations médicales celles que le patient nous transmet comme il les a comprises. Le médecin traitant n'est pas mieux loti, il n'est pas rare que le courrier post-hospitalisation arrive après le décès du patient...
    Pourquoi ne pas réaliser un courrier paramédical (certains services le font ou joignent une copie du dossier de soin) ?
    Les restrictions de personnels infirmiers dans les établissements n'augurent malheureusement pas d'évolution dans ce sens, comme les comptables ont pris le pas sur les soignants.
    Les techniques et les techniciens auront beau réaliser des prouesses médicales au quotidien, elles seront toujours dévalorisées par une mauvaise gestion en aval, la prise en charge sérieuse d'un patient ne devant pas s'arrêter une fois la porte de l'établissement franchie.

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