Revue de presse - Mars 2019

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

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Découvrez notre rubrique d'analyse du mois de la presse professionnelle sur le risque médical : sécuriser les  soins primaires et à domicile, patients en retard à leur rendez-vous, remise en cause d'une solution d'utilisation des indicateurs de qualité pour classer les hôpitaux...

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Auteur : Pr. René AMALBERTI / MAJ : 05/03/2019

Sécuriser les soins primaires et à domicile, une priorité des gouvernements occidentaux

Les grandes nations organisent depuis 2016 un sommet politique annuel sur la sécurité du patient mobilisant les ministres et les agences, en quête d’une meilleure gouvernance. En 2018, la troisième rencontre a eu lieu à Tokyo. Quarante nations ont participé ; le sommet coïncidait avec la publication d’un rapport de l’OCDE (Flying blind) qui évaluait le bénéfice coût économique d’une extension des actions de sécurité du patient aux soins primaires, ambulatoires et à la maison. On sait que l’évolution de la santé impose de transformer et faire grossir ces secteurs de santé, alors ces secteurs restent à risque (15 % des hospitalisations selon l’OCDE seraient liées à de mauvaises prises en charge en soins primaires avec un coût estimé aux USA de 28 milliards de $ US entre 2010 et 2015). Le sommet a donné plusieurs pistes d’amélioration, au rang desquelles la participation plus active dans le soin des familles, patients et communautés et leur engagement dans l’évaluation de la Qualité (par les PROMS et PREMS) apparaissent comme les grandes priorités.

Flott K., Durkin M., Darzi A. The Tokyo Declaration on patient safety, BMJ  2018, 362 : k3424

Lire l'article

https://www.bmj.com/content/362/bmj.k3424.full

https://doi.org/10.1136/bmj.k3424

Patients systématiquement en retard… donnez un RDV 15 minutes en avance à tous… et le tour est joué

Les patients en retard dans leurs rendez-vous sont fortement impactés par la qualité des soins qu’ils reçoivent.

Les auteurs de la Mayo Clinique aux USA montrent que 39 % des patients d’un des plus grands centres de soins primaires du réseau n’avaient pas pu être pris à l’heure, la faute aux patients retardataires et aux retards accumulés à les attendre.  L’objectif de l’étude était de réduire ce retard moyen de 20 % en 3 mois.

L’intervention multidisciplinaire a consisté essentiellement en une révision très simple de la programmation des rendez-vous, en donnant à tous les patients un rendez-vous 15 minutes avant le rdv réel, tel que prévu dans la structure. Cette solution a amené des résultats spectaculaires.

Sur les 182 patients vus dans les deux premières semaines d’essai du protocole, 34 (19 %) n’ont pas pu être vus à temps à leur RDV programmé (soit bien mieux que la cible des 20 % d’amélioration). Ce résultat perdure dans le temps, avec 590 patients qui n’ont pas pu être vus à temps sur un total de 2 832 dans les trois mois suivants (21 %). On atteint et on dépasse même l’amélioration de 20 % visée dans l’objectif initial, et ce avec une plus grande satisfaction, évaluée par questionnaire, des professionnels et des patients.

Cowdell, J. C., Smoot, T. B., Murray, L. P., Stancampiano, F. F., & Hedges, M. S. (2019). A Rapid Cycle Improvement Approach to Increase Patient Readiness at Their Scheduled Appointment Time. Quality Management in Healthcare28(1), 45-50.

Lire l'article

https://journals.lww.com/qmhcjournal/Abstract/2019/01000/A_Rapid_Cycle_Improvement_Approach_to_Increase.7.aspx

Remise en cause d’une solution trop simple et trop directe d’utilisation des indicateurs de Qualité pour classer les hôpitaux

Une étude Hollandaise sur la capacité à classer les hôpitaux en fonction des (nombreux) indicateurs de Qualité, et à lire ainsi des différences qui feraient sens entre ces établissements pour la Qualité et Sécurité des soins délivrés.

Les auteurs utilisent les données des bases nationales de registres des AVC, cancer du côlon, infarctus, insuffisance cardiaque, et prothèse de hanche & genou (Dutch National Medical Registration 2007–2012) en considérant les indicateurs tels que la ré-hospitalisation à 30 jours, les prolongements d’hospitalisation, et la mortalité, chacun sur la base d’une période annuelle et d’une période agrégée de 3 ans.

Le classement des hôpitaux, établi sur la base de ces indicateurs, donne pour chacun un score inter-hôpitaux, reflétant trois niveaux de Qualité: bas, modéré et haut.

L’efficacité de cette façon de faire est vérifiée sur 555 053 patients traités dans 95 hôpitaux. Le score obtenu pour les indicateurs isolés de mortalité était en général bas ou modéré, variant entre 1 % pour les prothèses et 71 % pour les AVC en 2010 ; dans tous les cas peu distinctifs entre hôpitaux. De même, le score pour les réadmissions d’urgences était bas sauf pour les infarctus en 2009 (51 %). Le score pour les séjours prolongés était plus ou moins modéré pour tous.

Ces indicateurs pris isolément sont donc peu utiles à la distinction entre établissements. Plus pertinente semble être la combinaison des données sur plusieurs années dans un indicateur composite ; c’est ce que préconise les auteurs.

Hofstede SN, Ceyisakar IE, Lingsma HF, et al ranking hospitals: do we gain reliability by using composite rather than individual indicators? BMJ Qual Saf 2019; 28:94-102.

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http://dx.doi.org/10.1136/bmjqs-2017-007669

https://qualitysafety.bmj.com/content/28/2/94

HAS : le bilan de la première année de déclaration obligatoire des évènements indésirables graves associés aux soins, Novembre 2018

En novembre 2016 paraissait le décret n° 2016-1606 rendant obligatoire la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins (EIGS). Ce décret confiait à la HAS la charge de traiter les dossiers - rendus anonymes- de déclaration remontant des ARS, d’en faire une exégèse annuelle et de publier des recommandations pour améliorer la sécurité des soins.  

La HAS a publié récemment son premier rapport annuel sur les événements qui lui ont été transmis. Le rapport fait le constat du démarrage effectif du dispositif de déclarations : 1 870 EIGS ont été déclarés de mars à décembre 2017.

Sur ces 1 870 déclarations, 288 déclarations complètes et anonymisées ont été transmises par les ARS à la HAS qui les a analysées. Ces 288 EIGS ont été déclarés principalement par les établissements de santé (80 %), puis par les structures médico-sociales (17 %) et enfin par la ville (3 %). Les EIGS entrainant des décès ont été les plus déclarés (44 %), suivis des EIGS dont les conséquences sont la mise en jeu du pronostic vital (37 %) et la survenue d’un probable déficit fonctionnel permanent (19 %).

Pour cette première année d’analyse, la HAS dispose de trop peu de déclarations pour en tirer des enseignements et des conclusions généralisables. Toutefois, le travail effectué a permis de mettre en évidence des risques plus fréquemment déclarés : 28 cas d’erreurs médicamenteuses, 36 événements générés par un geste opératoire ou technique, 51 cas de suicide, 43 cas de défaillance de diagnostic et 41 cas de chute. Ces risques sont déjà identifiés par les professionnels et les établissements et, pour la plupart, des recommandations de bonne pratique ainsi que des plans d’action ont déjà été élaborés. La HAS identifie deux autres risques : des départs de feu lors de l’utilisation d’un bistouri électrique au bloc opératoire. Et un défaut récurrent d’information délivrée aux patients et à leurs proches en cas d’EIGS. Dans près d’un cas sur deux (hors décès), le patient ou ses proches n’ont pas été informés de la survenue du problème.

Lire l'article

 https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2885660/fr/evenements-indesirables-graves-associes-aux-soins-la-declaration-individuelle-pour-un-benefice-collectif

Pour élaborer son prochain rapport, la HAS souhaite pouvoir s’appuyer sur des données plus nombreuses et de meilleure qualité.

OMS et OCDE attaquent l’immense chantier de la Qualité des soins dans les pays en voie de développement

L’OMS et l’OCDE identifient dans un document cadre la priorité absolue des efforts de santé à l’horizon 2030 pour les pays en voie de développement. Ils préconisent une bascule urgente vers une médecine plus centrée sur le patient, plus accessible, plus équitable, mieux intégrée et plus efficace. Les pays en voie de développement sont encore très loin de cet objectif : une enquête internationale récente montrait par exemple dans ces pays un absentéisme des professionnels qui allait de 14,3 à 44,4 %, une productivité qui allait de 5,2 à 17,4 patients jours, une efficacité diagnostic de 34 à 72 % et pire, un suivi des recommandations cliniques qui allait de 22 à 44 % seulement. 19 à 53 % des femmes de 50 à 69 ans n’avaient jamais eu de mammographie, et 25 à 75 % des personnes âgées n’avaient pas eu de vaccination contre la grippe ; ces chiffres étaient vrais autant pour le public que le privé.

L’amélioration passe par 5 pôles d’action : les locaux, les personnels, les consommables et médicaments, les systèmes d’information et les finances. Ces 5 pôles croisent une autre série d’urgences : une vraie charte de qualité produite par les autorités avec une stratégie cohérente de déploiement et de surveillance, un changement des pratiques, de nouveaux standards, un engagement bien plus fort des patients et familles, une éducation thérapeutique, des incitateurs financiers à la qualité.

World Health Organization, OECD, and International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank, 2018, Delivering quality health services : A global imperative for universal health coverage

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http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/272465/9789241513906-eng.pdf?ua=1

Risque de suicide multiplié après l’annonce d’un cancer

La révélation d’un diagnostic de cancer constitue une importante source de stress pour le patient. Une étude épidémiologique anglaise a évalué le taux de suicide en rapport avec l’annonce.

Le travail a été effectué sur le registre national des cancers (National Cancer Registration and Analysis Service in England) croisé avec l’analyse des certificats de décès sur la période.

Au total, 4 722 099 patients inclus, 50,3 % d’hommes âgés de 18 à 99 ans, diagnostiqués porteurs d’un cancer entre janvier 1995 et décembre 2015, avec un suivi jusqu’en août 2017 (tous cancers sauf carcinomes de la peau), 74,3 % de la cohorte avaient de plus de 60 ans lors du diagnostic.

Sur le total des 4,7 millions de patients inclus, on compte 2 491 suicides (1 719 hommes, 772 femmes), ce qui représente 0,08 % de tous les décès survenus dans la période observée.

Le "Standardized mortality ratios" (SMRs) - s’élève à 1,2 (1,16-1,25), et le "Absolute excess risks" (AERs) est de 0,19 pour 10 000 personnes/ an.

Le risque maximum (4,5 fois le risque standard) concerne les patients atteints de mesothelioma, suivi des cancers du pancréas, de l’œsophage, du poumon et de l’estomac. Le suicide est plus fréquent dans les 6 premiers mois après l’annonce (SMR 2,74).

Au bilan, malgré des fréquences de suicides qui restent basses, le risque est clairement plus grand après l’annonce de cancer, justifiant un suivi psychologique renforcé surtout dans les 6 premiers mois.

Henson, K. E., Brock, R., Charnock, J.,
Wickramasinghe, B., Will, O., & Pitman, A. (2019). Risk of suicide after
cancer diagnosis in England. JAMA psychiatry76(1), 51-60.

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https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2714596

Qui est encore "généraliste" ? un cri d’alarme d’un professeur au Canada

On voit les jeunes médecins généralistes faire de plus en plus de formations complémentaires qui vont les faire exercer uniquement sur une bulle d’activité. C’est particulièrement le cas, mais pas seulement, des formations à la médecine d’urgence ou la médecine palliative qui finissent par spécialiser ces généralistes, les éloigner du métier de base, et leur faire perdre leur compétence justement généraliste, alors qu’on manque de plus en plus de ces capacités généralistes et de ces postes de généralistes.

Selon l’auteur, enseignant en médecine générale, la question ne semble pas vraiment mobiliser l’université, qui est plutôt contente de créer des formations.

Il ne faut pas forcer les étudiants et jeunes médecins, mais il faut comprendre les raisons de cette fuite vers des niches. En discutant avec les professionnels concernés, on entend notamment la difficulté de l’exercice et le manque de confort de la médecine générale pour contrôler son temps de travail (dur d’avoir un mi-temps, du temps libre à volonté, une famille, etc...). Mais il faut d’urgence adresser cette question.

L’auteur souligne aussi que les nouveaux besoins de santé de la population au Canada (mais sans doute en France aussi) exigent un nombre croissant de généralistes vraiment généralistes ; on forme plus de médecins, et on assiste paradoxalement à une aggravation de la pénurie plus qu’à un comblement, notamment par la fuite dans des niches de sur spécialités. C’est donc un vrai problème de santé publique.

Vogel L. Are enhanced skills programs undermining family medicine? CMAJ 2019 January 14;191:E57-8. doi: 10.1503/cmaj.109-5697 Posted on cmajnews.com on Dec. 12, 2018.

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http://www.cmaj.ca/content/cmaj/191/2/E57.full.pdf

Manque de Pertinence : encore trop d’examens d’imageries qui ne servent à rien

La campagne US sur la pertinence des soins (Choosing Wisely), malgré son incroyable publicité et relais étatique, reste bien modeste dans ses effets. Les prescriptions d’imageries diagnostiques inutiles restent par exemple considérables en volume.

Pire, les USA restent LE pays occidental où le gaspillage des ressources de santé est le plus grand, et la pertinence des soins la plus faible. Le taux annuel de scanners atteint des valeurs incroyables (245/1000 patients) et l’IRM n’est pas en reste (118/1000 patients), des taux qui sont 3 à 5 fois supérieurs aux taux finlandais par exemple.

Ces tests diagnostics sur-pratiqués perdurent et s’amplifient à travers l’enseignement par les pairs, nuisent à tous les systèmes d’information saturés de données non pertinentes, et pire, peuvent amener du sur-diagnostic avec tous les effets somatiques et psychologiques associés.

Un commentaire du Prof Arnold W. Cohen, (Ob/Gyn, Einstein Healthcare Network)  à cet article souligne combien le piège des formations médicales actuelles qui rendent tout diagnostic totalement dépendant d’une confirmation de laboratoire ou d’imagerie aggrave la non pertinence, sans doute par gain de temps, d’anamnèse et d’examen physique raccourci, et ce même quand l’action thérapeutique pour le bénéfice patient ne mérite absolument pas d’exiger une absolue confirmation d’un diagnostic plus qu’évident sur la base des symptômes observés.

Oren O, Kebebew E, Ioannidis JPA. Curbing Unnecessary and Wasted Diagnostic Imaging JAMA.2019;321(3):245–246. doi:10.1001/jama.2018.20295

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 https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/2720430

Les cancers de la prostate des sujets âgés bien trop traités

Le traitement des cancers localisés de la prostate chez les sujets âgés reste un sujet récurrent et majeur de non pertinence médicale. Cette étude évalue le coût engagé par le système US Medicare pour des pratiques médicales allant à contre sens des recommandations pour la détection et le traitement de ces pathologies (les auteurs rappellent que ces patients âgés - pour leur très grande majorité - ne mourront pas de leur cancer).

Les auteurs proposent un étude rétrospective, épidémiologique du coût du diagnostic, du bilan initial et de la prise en charge des patients de plus de 70 ans diagnostiqués porteurs d’un cancer localisé de la prostate entre 2004 et 2007, et suivis jusqu’en 2010 et 2011.

Au total, 49 692 hommes de plus de 70 ans inclus (52 % de plus de 76 ans), avec des cancers non métastatiques.

Le coût médian par patient traité s’élève à 14 453 $ (4 887 $-27 899 $), essentiellement associé au coût du traitement.

Pour comparaison, les patients avec un score Gleason inférieur à 6 qui n’ont pas été traités un an après leur diagnostic (et ce conformément aux recommandations) ont un coût moyen comparatif de 1 914 $ sur 3 ans.

Le coût total de la détection de ces cancers chez cette fraction de population se monte à 1,2 milliard aux USA ; il pourrait être aisément réduit à 320 M$ en suivant simplement les recommandations au meilleur bénéfice des patients.

Trogdon, J. G., Falchook, A. D., Basak, R., Carpenter, W. R., & Chen, R. C. (2019). Total Medicare Costs Associated With Diagnosis and Treatment of Prostate Cancer in Elderly Men. JAMA oncology5(1), 60-66.

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https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology/article-abstract/2701720

Quitter / être exclu d’un système de mutuelle et couverture sociale aux USA… un gros risque d’interruption de traitement et de risque santé

Ces auteurs US ont effectué une enquête sur 10 714 adultes en âge de travailler (18-64 ans) sur la période 2011-2013 qui ont subi au moins deux ruptures de couverture sociale sur la période.

Sans surprise, la discontinuité du fournisseur (réseau privé de soins et d’assurance de santé) est associée à des interruptions de traitement et des résultats de santé dégradés par rapport à la continuité. Les personnes qui ont perdu des prestataires sont plus susceptibles de renoncer aux soins médicaux et aux médicaments sur ordonnance, ainsi qu’aux soins de ville en raison de leurs coûts, et ont indiqué que le fait de retarder les soins avait été ressenti comme un problème majeur de santé.

Personne ne sera étonné de ce résultat en Europe, même si cela justifie une publication internationale… US. On aurait tendance à en sourire en France, encore que l’exclusion, le renoncement ou l’abandon d’une affiliation mutuelle pourrait, à une échelle moindre, conduire à des résultats similaires.

Stransky, M. L. (2018). Unmet Needs for Care and
Medications, Cost as a Reason for Unmet Needs, and Unmet Needs as a Big Problem, due to Health-Care Provider (Dis)Continuity. Journal of Patient Experience5(4), 258–266. 

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https://doi.org/10.1177/2374373518755499

https://doi.org/10.1177/2374373518755499

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