Abandon de soins en postopératoire

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Abandon de soins en postopératoire

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Le vendredi 9 octobre 2009, une patiente de 81 ans est adressée, par son médecin traitant, aux urgences d’une clinique pour "(…) Douleur abdominale débutant à droite vers midi et se généralisant à tout l’abdomen.
A 16h00, contracture flanc droit et fosse iliaque droite, bruits hydro-aériques présents, abdomen sensible. TA 12/8, cœur régulier, extrasystoles. Colique hépatique ? Colique néphrétique ? Autre ? (…)".

  • Chirurgien
  • Bloc opératoire
MAJ : 28/08/2019

Cas clinique

  • Il s’agit d’une femme active et autonome, veuve depuis l’âge de 35 ans, assistante de direction retraitée, vivant seule sans aucune aide ménagère, s’occupant elle-même de l’entretien de sa maison et de ses courses quotidiennes qu’elle effectueau volant de sa voiture. Elle avait été opérée antérieurement d’une appendicectomie et d’une cure de hernie ombilicale. En mai 2009, en vue d’une intervention pour prothèse de hanche prévue pour la fin de l’année, un cardiologue l’avait examinée et conclu à un bilan cardio-vasculaire normal.
     
  • A l’admission, à 01h30, l’urgentiste note que la patiente avait vomi pendant le transport en ambulance et à l’arrivée. Il retrouve un météorisme abdominal avec défense sus-ombilicale. La température est à 37,4 °C. La radiographie d’abdomen sans préparation montre : « (…) Une stase stercorale rectale et du bas-fond caecal, une distension intestinale modérée avec des niveaux hydro-aériques sur le grêle proximal, une anse médio-abdominale et de petits niveaux sur le côlon droit. Pas d’image de pneumopéritoine (…)». L’échographie conclut à : « (…) Distension modérée des anses intestinales à moins de 3 cm de diamètre. Absence d’épanchement péritonéal. Syndrome de masse kystique latéro-vésicale. A compléter par tomodensitométrie (…) ». La NFS montre une hémoglobine à 15,7 g/100 ml, une leucocytose à 12 000/ mm3 dont 74% de polynucléaires neutrophiles. Le bilan hépatique, le bilan rénal et l’ionogramme étaient normaux. L’ECG mettait en évidence un rythme sinusal avec quelques extrasystoles.
     
  • La patiente est montrée à un chirurgien qui prescrit une mise en aspiration par sonde naso-gastrique (siphonnage), une réhydratation (2 litres / 24h) et un transit aux hydrosolubles pour le lendemain matin. Par ailleurs, elle reçoit du Spasfon® et du Perfalgan® en perfusion.
  • A 21h00, elle est transférée dans le service d’hospitalisation de la clinique où elle indique que les personnes à prévenir en cas de besoin, sont son petit fils ou sa petite fille qui l’avaient accompagnée et avaient laissé leurs numéros de téléphone.
     
  • Dans la nuit du 10 octobre, la patiente se dit très gênée par la sonde naso-gastrique et continue à vomir bien que l’aspiration ait ramené 900ml en 24h. Du Topalgic®, de l’Inexium® et du Profenid® sont ajoutés au traitement. Le transit du grêle pratiqué le 10 octobre, après ingestion d’hydrosolubles par la sonde naso-gastrique retrouve : « (…) Une dilatation gastrique et jéjunale avec cependant progression de l’index opaque mais qui n’atteint pas le côlon. Des clichés ultérieurs sont nécessaires (…) ». Ces clichés ultérieurs ne seront pas réalisés. A la suite de ce transit, la patiente émettait quelques selles moulées le 10 octobre puis diarrhéiques le 11 octobre.
     
  • Dans la nuit du 10 au 11 octobre, la patiente est calme et tranquille. En 24h, l’aspiration gastrique ramène 1100 ml.
     
  • Le 11 octobre, en début d’après-midi, la patiente ne supporte plus la sonde naso-gastrique et le chirurgien décide son ablation. Un début d’alimentation semi-liquide était autorisé.
     
  • Le 12 octobre, la patiente se plaint d’avoir souffert toute la nuit, du flanc droit, quoique n’ayant pas appelé. Elle est très ballonnée et ne peut s’alimenter. Sa fille prend alors contact avec le chirurgien et lui demande de pratiquer un scanner. Cet examen réalisé en début d’après-midi conclut à : « (…) Syndrome occlusif mécanique de l’intestin grêle, le niveau transitionnel se situant sur l’iléon proximal, à environ 4 cm au-dessus de l’ombilic et en avant des gros vaisseaux, sur probable bride. Absence de syndrome de masse évidente au niveau digestif. A noter une lésion kystique de l’ovaire gauche (…) ». Le chirurgien décidait d’intervenir mais le bloc opératoire de la clinique étant Inutilisable depuis le 18 septembre (dégât des eaux) , la patiente était transférée dans une autre clinique du groupe, située dans la même ville. En consultation d’anesthésie, la patiente était classée ASA 1 à 2.
     
  • L’intervention a lieu le 13 octobre à 12h :
     
  • « (…) Traitement chirurgical d’une occlusion du grêle sous cœlioscopie : section de bride. Ischémie subaiguë du grêle.
    Réalisation d’un pneumopéritoine au CO2. Mise en place des 3 trocarts habituels au niveau du flanc gauche, de l’hypochondre gauche et de la fosse iliaque gauche.
    L’exploration retrouve des anses grêles dilatées. Existence d’un aspect d’ischémie au niveau de la partie proximale de l’iléon. On retrouve une bride relativement lâche que l’on sectionne. Déroulement de tout le grêle, de l’angle iléo-caecal jusqu’à l’angle duodéno-jéjunal. On ne trouve pas de tumeur du grêle. Deux anses grêles sont ischémiques avec des pétéchies, pas d’épaississement majeur de leur paroi. On ne retrouve pas d’anomalie particulière au niveau du reste de l’abdomen. On décide d’en rester là. Evacuation du pneumopéritoine. Fermeture cutanée au Caprosin® 4.0. (…) »
     
  • Sortie du bloc à 12h45. Après deux heures passées en SSPI, la patiente est remontée dans sa chambre vers 16 h. Le traitement associe : perfusion de 2 litres de soluté/24 h, Perfalgan® 4g/24 h, Tranxéne® 5 mg x 3 en IV lent, Morphine 5 mg x 4 en SC, Inexium® 40, Debridat®, Spasfon®…et Calciparine® 0,3 ml, 2 fois par jour. Le chirurgien passe voir la patiente vers 20 h, mais dit ne pas avoir noté d’élément particulier.
     
  • Le 14 octobre, le même traitement est poursuivi. La patiente est levée lors de la toilette du matin, puis recouchée. Elle n’a ni selles, ni gaz mais des éructations. Le chirurgien passe la voir en début d’après-midi et à 20 h. Il constate que la patiente est ballonnée. A deux reprises, il tente sans succès de poser une sonde naso-gastrique. Dans la nuit, une injection de morphine est pratiquée pour calmer les douleurs de la patiente.
     
  • Le 15 octobre, à 8 h, le chirurgien fait poser une sonde gastrique au bloc opératoire par un gastro-entérologue après anesthésie de la glotte et sous Hypnovel (1,5 mg)®. La patiente est gardée au bloc pour surveillance. En fin de matinée, devant la persistance des douleurs et la dégradation de l’état de la patiente, le chirurgien décide de réintervenir par laparotomie :
     
  • "(…) A l’ouverture du péritoine, issue de liquide nauséabond au niveau de la cavité abdominale que l’on aspire. Le grêle est dilaté. On retrouve au niveau de la jonction grêle dilaté, grêle non dilaté une perforation située sur le grêle ischémique diagnostiqué il y a 48 h. Déroulement de tout le grêle. Vidange à retro du grêle. On a la surprise de constater la perforation d’un diverticule situé au niveau de l’angle duodéno-jéjunal.On retrouve également un volumineux kyste séreux de l’ovaire gauche.
    - Résection du diverticule mésentérique du grêle. Fermeture de l’ouverture du grêle par des points séparés de PDS 4.0
    - Extériorisation de la zone ischémique et perforée du grêle (iléon proximal) au niveau de l’hypochondre droit (iléostomie sur baguette)
    - Résection partielle du kyste de l’ovaire gauche.
     Nettoyage abondant de la cavité au sérum chaud 2 litres. Mise en place de deux lames de drainage. Fermeture de la paroi (…)"
     
  • La patiente quitte le bloc à I6h00. En SSPI, la PA est stable (aux alentours de 10 cmHg) avec une tachycardie à 120/130/min. La saturation sous masque à oxygène est « satisfaisante »A 19 h, la patiente est reconduite dans sa chambre. Les prescriptions de l’anesthésiste sont identiques aux précédentes auxquelles s’ajoute une triple antibiothérapie (Claforan®, Gentalline®, Flagyl® ). Au bas de la feuille est notée la mention suivante : « NB. Pas de réa, ni d’acharnement thérapeutique ». Le chirurgien précise ultérieurement que, s’il avait donné son accord pour garder la patiente en hospitalisation traditionnelle, il n’avait pas été informé de la seconde « consigne ». Pour sa part, l’anesthésiste affirme lors de l’expertise, avoir personnellement joint au téléphone l’une des filles de la patiente pour l’informer que : " (…) Le transport aurait été délétère et qu’il refusait toute mesure invasive particulièrement agressive (…) ». La fille, unique, de la patiente dément formellement avoir reçu un tel appel. En revanche, lors de sa contre-visite, le chirurgien avait expliqué le geste chirurgical au petit-fils de la patiente et l’avait informé de la gravité de la situation bien que, lors de son examen, il n’ait pas noté de signes particuliers.
     
  • Sur la fiche de transmission, à 20h, il est, en effet, mentionné : « (…) PA 108/74 mmHg, FC : 117 /min. Barrières ont été mises. Sonde naso-gastrique retrouvée par terre. Chirurgien a vu le petit-fils. Prescription kiné respiratoire pour demain matin (…) ». Dans le courant de la nuit, « (…) PA 110/60 mmHg, tachycarde. Patiente aréactive, ne répond pas, extrémités froides, moites. A vomi en début de nuit. A uriné au lit…S’est dégradée au cours de la nuit avec une respiration de plus en plus difficile mais sans encombrement. Toujours aréactive (…) ».
     
  • Le 16 octobre, à 08 h, l’infirmière note: « (…) PA 7,5/5, non encombrée, moite, s’enfonce (…)». Puis, à 09 h 30 : « (…) Décès. Petit fils arrivé, mis au courant. Chirurgien prévenu (…) »
     
  • A noter qu’au cours de la nuit, ni le chirurgien, ni l’anesthésiste n’ont reçu d’appel de l’équipe soignante ayant en charge la patiente (absence de médecin de garde dans l’établissement).
     
  • Le chirurgien apprend le décès de la patiente alors qu’il opère dans une autre clinique. Il en informe l’anesthésiste. Aucun de ces deux médecins ne revoit la famille de la patiente.
     
  • Dans un courrier adressé au médecin traitant, le chirurgien attribue le décès de la patiente à « une défaillance cardiaque progressive ».
     
  • Saisine de la CRCI par les ayants-droit de la patiente.

Analyse et jugement

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