Feu au bloc opératoire lors d'une circoncision pour phimosis

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Feu au bloc opératoire lors d'une circoncision pour phimosis - Cas clinique

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Le 20 octobre 2006, une mère consulte un chirurgien pédiatrique pour son fils âgé de 4 ans, porteur d’un phimosis.

  • Chirurgien
Auteur : Christian SICOT / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Le 3 novembre, intervention sous anesthésie générale. Alors que l’acte opératoire ne devait durer que peu de temps, la mère s’inquiète de ne pas voir son fils regagner sa chambre dans les délais prévus. Au bout de plusieurs heures, elle est informée qu’une complication est survenue mais que l’intervention a finalement pu être menée à son terme.  
  • Le compte rendu opératoire fait état des faits suivants : « (…) Phimosis, plastie résection du prépuce et section du frein. Préparation cutanée à l’Hibitane®, du prépuce et de la peau 10cm tout autour. Lors de la section du frein par le bistouri électrique, une grande flamme est apparue entre les cuisses : Immédiatement, arrêt de l’intervention. Ablation des champs opératoires et constatation d’une brûlure à la face interne des deux cuisses et à la face externe de la cuisse gauche. Lavage, pansement gras, compresses et bandes au niveau des cuisses. Puis, réinstallation des champs opératoires. Résection du prépuce, section du frein, hémostase au bistouri électrique, suture de la peau prépuciale au gland, pansement à l’Auréomycine®, (…) »  
  • Le pansement est refait le lendemain matin par le chirurgien. L’enfant étant calme, son retour à domicile est autorisé avec prescription d’antalgiques (paracétamol, sirop à base de morphine).  
  • Le pansement s’étant « défait », l’enfant est réadmis à la clinique dans la journée.  
  • Les 6 et le 8 novembre, réfections du pansement sous courte anesthésie générale.  
  • Le même jour, les parents demandent que leur fils soit transféré dans le service des Enfants Brûlés du CHU.  
  • A l’admission, l’examen confirme que : « (…) L’enfant présentait des brûlures des faces internes des cuisses et de la partie inférieure des fesses, dont l’étendue était évaluée à 5 % de la surface corporelle et dont la gravité allait du second degré intermédiaire à profond. Etat nécessitant son hospitalisation dans le service des enfants brûlés (…) » Les soins consistent en balnéothérapie sous AG (8 bains) associée à des antalgiques (Paracétamol, Atarax®, Primalan®).  
  • A partir du 22 novembre, les pansements sont poursuivis en externe jusqu’au 30 janvier 2007 avec nécessité de port (jour et nuit) d’un short compressif, pour aplatir les cicatrices, (vêtement porté pendant 2 ans).  
  • En mai 2007, lors de la première réunion d’expertise, il est constaté : «(…) Des cicatrices importantes de la face interne des deux cuisses, ovalaires, de 13 cm sur 5 cm à droite et de 11cm sur 5 cm à gauche ainsi que deux cicatrices de 3 cm sur 2 cm à l’appui des ischions. Ces cicatrices étaient chéloïdiennes, rouges, épaisses de 3mm environ, plus importantes à droite et entourées d’une bande dyschromique de 2 à 3 cm. Elles étaient très prurigineuses (…) ».  
  • En juillet 2009, lors de la seconde réunion d’expertise: « (…) Ces cicatrices étaient devenues planes, uniquement dyschromiques, ovalaires, mesurant, pour les plus grandes, 13 cm sur 7 à droite et 14cm sur 8 à gauche. Il y avait, également 2 cicatrices plus petites, plus près de la région anale, ovalaires de 2,5 cm sur 2 et de 4,5 cm sur 3,5 cm à gauche. Elles restaient prurigineuses. Il n’y avait ni bride, ni rétraction, ni diminution de la mobilité (…) »  
  • Assignation du chirurgien, de l’anesthésiste et de la clinique le 5 mars 2007 par les parents de l’enfant pour obtenir l’indemnisation du préjudice que celui-ci avait subi ainsi que de leur propre préjudice.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

 

Jugement

Expertise (mai 2007-septembre 2009)

L’expert, dermato-vénérologue exerçant en libéral,  confirmait que les lésions de l’enfant étaient secondaires à l’intervention du 3 novembre 2006 : « (…) L’étincelle du bistouri électrique avait déclenché des «  flammes bleues », probablement parce qu’il y avait  un liquide inflammable sur les cuisses de l’enfant ou sur la table d’opération. L’Hibitane® étant un produit inflammable, on peut supposer qu’il avait dû imbiber les draps posés sur la table ou le Surfanios® qui avait été utilisé pour la désinfecter. L’origine  des flammes n’était, vraisemblablement, pas liée aux champs opératoires (inflammables), ni à l’Hibitane® ayant servi à la désinfection cutanée car les parties génitales, le périnée et l’abdomen de l’enfant n’avaient pas été touchés… Par ailleurs, d’après le planning opératoire du chirurgien, le personnel du bloc opératoire disposait d’un temps suffisant entre chaque intervention, pour désinfecter la salle et installer le malade suivant (…) ».

Concernant  la réaction de l’équipe opératoire au moment de l’accident, l’expert « n’y trouvait rien à redire ». De même, il considérait comme légitime, la poursuite de l’intervention, après l’extinction des flammes et l’application d’un pansement gras sur les brûlures car : « (…) Une circoncision était un geste simple et rapide et, l’enfant étant déjà endormi, il était logique de pratiquer ce geste et non pas de lui imposer une nouvelle anesthésie générale … De même, comme, on ne peut pas déterminer la gravité et l’importance d’une brûlure dans les premières heures de l’accident, on ne peut pas reprocher à l’équipe médicale d’avoir renvoyé l’enfant à son domicile…De toute façon, ses brûlures ont été prises en charge correctement et l’importance des lésions n’était certainement pas liée à un retard de prise en charge (…) »

L’expert concluait à l’absence de responsabilité du chirurgien et l’anesthésiste.

Tribunal de Grande Instance (octobre 2013)

Les magistrats  rappelaient  qu’ : « (…) En application  de l’article 1147 du Code civil, le contrat formé entre un patient et son médecin met à la charge de ce dernier une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical d’investigation ou de soins.

Il en résulte que le chirurgien est responsable des conséquences des brûlures causées à l’enfant par le bistouri électrique qu’il a utilisé lors de l’intervention, sans qu’il soit nécessaire de rechercher s’il a commis une faute…

Une flamme s’est déclenchée car de l’Hibitane® produit antiseptique, alcoolique et inflammable, s’était déversé et avait imbibé la table d’opération ou les draps qui la recouvraient. Ce déversement et l’absence d’un séchage suffisant du produit caractérisent une mauvaise préparationdu bloc opératoire et du patient par le personnel infirmier, ce qui est constitutif d’une faute, dont la clinique doit répondre, dès lors qu’elle est responsable du personnel infirmier qu’elle emploie…

En revanche, aucune faute n’a été commise par l’anesthésiste qui n’avait pas à vérifier la qualité de la préparation du patient et n’a pas utilisé le bistouri à l’origine des brûlures…

Par ailleurs, la poursuite de l’intervention après les brûlures et l’attitude de deux médecins assignés et de la clinique  après l’intervention ont été  sans incidence, comme le relève, le rapport d’expertise (…) »

Pour le tribunal, il en résultait que : « (…) Le chirurgien et la clinique seraient tous deux déclarés responsables de l’accident et condamnés à en indemniser les conséquences.

La condamnation du chirurgien provient, pour partie, des fautes commises par la clinique dont le personnel infirmier n’a pas préparé le bloc opératoire et le patient, comme il convenait et n’a pas veillé au séchage de l’Hibitane®, ce qui constitue une faute. Mais il appartenait aussi au chirurgien de veiller à un séchage complet de l’Hibitane® qui avait imbibé la table d’opération ou les draps, dès lors qu’il utilisait un bistouri électrique, comme en témoignent les documents techniques versés aux débats (…) »

Condamnation in solidum du chirurgien et de la clinique à verser une indemnisation provisionnelle de 18 120€ à valoir sur la réparation du préjudice corporel de l’enfant (désignation d’un nouvel expert  pour en évaluer l’importance), une indemnisation de 8 000€  en réparation du préjudice moral des parents ainsi qu’une somme de 28 700€ aux organismes sociaux en remboursement des prestations versées à la suite de l’accident.                                                                                                 

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