Méconnaissance d'une anomalie leucocytaire sur une numération formule sanguine (NFS) préopératoire

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Méconnaissance d'une anomalie leucocytaire sur une numération formule sanguine (NFS) préopératoire - Cas clinique

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page

Quand un anesthésiste-réanimateur ne relève pas le taux élevé de globules blancs sur l’analyse préopératoire signalant le diagnostic de leucémie myéloïde chronique...

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas Clinique

• Patiente de 61 ans consultant un chirurgien urologue pour une incontinence urinaire d’effort.
• Intervention prévue le 25 février.
• La consultation préanesthésique a lieu le 22 février . L’anesthésiste réanimateur prescrit les examens complémentaires préopératoires suivants: ECG, ECBU et bilan biologique. La feuille de demande de bilan biologique retrouvée dans le dossier à la date du 24 février mentionne : groupe-Rhésus phénotype, numération formule sanguine (NFS) et plaquettes, taux de prothrombine (TP) et temps de céphaline-kaolin (TCK), ionogramme sanguin (Cl, Na, K, RA, protides). Cette feuille de demande de bilan n’est pas signée mais le tampon du chirurgien y est  apposé.
• La patiente est admise à la clinique le 24 février. C’est un autre anesthésiste-réanimateur qui réalise la visite préanesthésique. Il constate qu’il n’y a pas de modification de l’état clinique depuis la consultation, que la consultation cardiologique ne contre-indique pas l’intervention et que l’ECBU est stérile. Le bilan sanguin demandé est prélevé le jour de l’admission à la clinique. Le directeur du laboratoire ayant effectué les examens déclare que : « les premiers résultats ont été transmis par télécopie (fax) à la clinique à 21h37. Devant les anomalies de la formule sanguine, celle-ci a été vérifiée au microscope, et un second compte-rendu le mentionnant a été faxé (horaire ?). Les examens complets ont ensuite été édités et déposés à la clinique (horaire ?) avec la mention «  formule contrôlée au microscope » afin de confirmer aux médecins qu’il s’agissait bien d’un hémogramme anormal, avec lignée granulocytaire augmentée et formes anormales ».
• L’anesthésiste réanimateur prend connaissance des résultats du bilan sanguin le lendemain, jour de l’intervention. L’augmentation du taux des globules blancs (leucocytose à 25 000 / mm3) lui échappe et il déclare ne jamais avoir eu connaissance du contrôle qui avait mis en évidence la présence de myélocytes et de métamyélocytes.
• L’intervention (cure de cystoptose et d’incontinence urinaire à l’effort par voie mixte ), sous anesthésie générale, se déroule sans aucun problème.
• Les suites sont simples. La patiente décrit dans le mois ayant suivi l’intervention une fatigue importante et de la fièvre. Elle reste alitée une grande partie du temps.
• Elle est revue par le chirurgien le 24 mars. Celui-ci note l’importance des problèmes familiaux de la patiente et sa dépression. L’examen clinique ne met pas en évidence d’anomalie et l’ECBU est stérile. Le chirurgien ne dispose pas du dossier de la patiente lors de la consultation.
• Le 31 mars, le médecin traitant de la malade fait réaliser une NFS dont le résultat est confirmé par un second examen. Il existait une augmentation franche du taux des globules blancs (52 000 puis 63 800 / mm3 ) avec présence de métamyélocytes, myélocytes et myéloblastes. Le diagnostic de leucémie myéloïde chronique est posé dans le service d’hématologie du CHU.
• En avril, un traitement par Hydroxyurée puis Glivec® est entrepris. En juin, la malade est aujourd’hui considérée en rémission complète.

Assignation de l’anesthésiste-réanimateur, du laboratoire d’analyses et du chirurgien urologue par la patiente en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis.

Jugement

Expertise ( mai 2007)

 

Les experts, - l’un professeur des universités, chef de service d’anesthésie-réanimation et l’autre, chirurgien urologue libéral - qui avaient fait appel à un sapiteur professeur des universités, chef de service d’hématologie, soulignent qu’une anomalie importante de la NFS (augmentation du taux des globules blancs) n’avait pas été remarquée par l’anesthésiste-réanimateur. Ce dernier, ni aucun des autres médecins ayant pris en charge la patiente n’avaient eu connaissance du complément d’examen (« Formule contrôlée au microscope ») qui avait mis en évidence la présence de myélocytes et de métamyélocytes (éléments authentifiant le diagnostic de leucémie myéloïde chronique). Ce diagnostic n’a été posé que le 1er avril, une nouvelle NFS ayant été prescrite par le médecin traitant de la patiente. Celle-ci a, alors, été traitée dans le service d’hématologie du CHU et est  actuellement en rémission. Pour les experts, l’anesthésiste-réanimateur a commis une erreur en ne prenant pas en compte l’augmentation du taux des globules blancs. Le laboratoire d’analyses a été négligent en ne prévenant aucun médecin de la présence de myélocytes et de metamyélocytes sur le prélèvement préopératoire, éléments signant le diagnostic de leucémie myéloïde chronique. La patiente a souffert de ce retard de diagnostic essentiellement « au plan psychologique ». Le retard d’un mois de la prise en charge de la leucémie myéloïde chronique n’a eu aucun caractère préjudiciable et il n’y a pas eu de perte de chance

 

Tribunal de Grande Instance

 

Les magistrats jugent que l’anesthésiste-réanimateur qui ne conteste pas avoir commis une faute en ne relevant pas le taux élevé de globules blancs sur l’analyse préopératoire, est tenu de réparer le préjudice subi par la patiente.

Contrairement à l’avis des experts, le tribunal estime que : « (…)  La patiente avait bien fait valoir que le chirurgien avait bien été le destinataire des résultats d’analyse adressés par le laboratoire et qu’il lui appartenait, donc, d’en prendre connaissance avant de pratiquer l’intervention, d’informer la patiente des graves anomalies relatives au taux de leucocytes et d’en rechercher l’origine.  En s’abstenant de procéder à cette vérification, le chirurgien avait commis un manquement à son obligation d’assurer des soins attentifs et diligents ainsi qu’à son obligation d’information et de conseil , il sera, donc, tenu d’indemniser le préjudice subi par la patiente et résultant de sa faute (…) ». 

Concernant le laboratoire, « (…)  Certes, il avait été négligent en n’attirant pas l’attention des médecins sur le taux anormal de leucocytes et en ne les prévenant pas de la présence de myélocytes et de métamyélocytes sur le prélèvement préopératoire. Toutefois, il n’est pas contesté que le laboratoire avait bien transmis aux médecins les résultats des examens sanguins demandés, lesquels étaient exacts et faisaient clairement apparaître le taux anormalement élevé de leucocytes et l’anormalité de l’hémogramme. Il appartenait, donc, au chirurgien et à l’anesthésiste-réanimateur de procéder attentivement à la lecture de ces résultats d’analyse sanguine, ce que manifestement ils n’avaient pas fait et il ne saurait être reproché au laboratoire de ne pas avoir attiré leur attention sur un résultat qu’une simple lecture par ces hommes de science permettait de comprendre et qui ne nécessitait aucune interprétation (…) ». Sur ces arguments, le tribunal estimait que la responsabilité du laboratoire n’était pas établie.

Concernant les demandes d’indemnisation formulées par la patiente, les magistrats retiennent un préjudice psychologique mais la déboutent de sa demande  tendant à la réparation d’une perte de chance au titre d’un préjudice physiologique qui n’était nullement établie.

 

Indemnisation de 9000 € dont 70 % à la charge de l’anesthésiste-réanimateur et 30 % à celle du chirurgien urologue.

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

0 Commentaire

Publier un commentaire