Traitement par AVK et biopsie prostatique

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Traitement par AVK et biopsie prostatique - Cas clinique

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Un homme de 67 ans est adressé par son médecin traitant à un chirurgien urologue en raison d’un dosage de PSA à 18,1ng/ml...

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • En avril 2001, un homme de 67 ans est adressé par son médecin traitant à un chirurgien urologue en raison d’un dosage de PSA à 18,1ng/ml. Dans ses antécédents, on note en 1990 l’apparition d’un angor ayant nécessité, en 1993, une angioplastie avec implantation d’un stent sur la coronaire droite. A la même époque, découverte d’une hypertension artérielle. Le cardiologue qui assurait un suivi semestriel, prescrivait un antiagrégant (Aspégic® 500mg/j) et un hypotenseur (Moducren®). Dans les suites, absence d’angor résiduel. En 1996, le patient était hospitalisé pour une hémiparésie droite avec aphasie secondaire à un ramollissement sylvien gauche. L’hypothèse d’un trouble du rythme cardiaque responsable de l’accident neurologique était confirmée par un enregistrement Holter montrant de nombreux passages en arythmie complète par fibrillation auriculaire. Le neurologue et le cardiologue du patient s’accordaient pour substituer au traitement antiagrégant, un AVK (Previscan®) en assurant un INR compris entre 2,5 et 3. La prescription d’un anti arythmique n’était pas jugée nécessaire, le timolol contenu dans le Moducren® devant être suffisant pour ralentir le rythme cardiaque. Dans les mois suivants, l’état du patient s’améliorait rapidement et, en mars 2001, le cardiologue écrivait au médecin traitant : « (…) L’état fonctionnel coronarien demeure stable ; du point de vue neurologique, persistent quelques petits troubles de la parole et de l’écriture. A l’examen, le cœur est régulier à 60/min et, sur l’ECG, en rythme sinusal, (…) »  
  • Dans son courrier à l’urologue, le médecin traitant indiquait, concernant les antécédents : « AVC, traitement AVK, pas de symptôme urinaire ».  
  • Le chirurgien répondait que, compte-tenu de l’âge du patient et de ses antécédents, une radiothérapie était indiquée tout en souhaitant confirmer le diagnostic de cancer par une biopsie prostatique et l’absence de métastases par une scintigraphie osseuse. Par ailleurs, il demande au patient de revoir son cardiologue (cette affirmation était contestée, lors de l’expertise, par l’épouse du patient présente lors de la consultation).  
  • L’urologue revoyait le patient le 21 mai. La scintigraphie ne révélait pas de métastase mais le chirurgien déclarait ultérieurement s’être « accroché » avec le patient car il n’avait pas vu son cardiologue. Se disant rassuré, toutefois, par le courrier que le cardiologue avait adressé le 29 mars au médecin traitant et que le patient lui avait remis, l’urologue fixait la date de la biopsie prostatique au 22 juin, au retour de vacances du patient. Il prescrivait un arrêt du Previscan ® à partir du 11 juin, remplacé par du Lovenox® à la dose de 20mg/j, du 13 au 21 juin. Parallèlement, il prévoyait un rendez-vous de consultation de pré anesthésie pour le 30 mai. Au médecin traitant, il écrivait : « (…) Il verra l’anesthésiste avant son départ en vacances, et si celui-ci le désirait, il pourra revoir le cardiologue à son retour (…) » Dans son dossier de consultation, l’anesthésiste adoptait le schéma thérapeutique préconisé par le chirurgien pour la gestion péri opératoire du traitement anticoagulant, sans faire de commentaires.  
  • Le 21 juin, après avoir scrupuleusement observé les modifications apportées par l’urologue à son traitement anticoagulant, le patient était admis en clinique. Le lendemain matin, quelques heures avant l’intervention, il était victime d’une hémiplégie droite. La scanographie cérébrale mettait en évidence « une large hypodensité pariétale gauche dans le territoire sylvien d’allure ischémique. Absence de processus hémorragique ou expansif ». Dans le même temps, il était noté une arythmie complète par fibrillation auriculaire. Une anticoagulation par Lovenox® était reprise, relayée par du Sintrom®.  
  • Le patient regagnait son domicile le 4 juillet puis séjournait un mois dans une clinique de rééducation.  
  • En 2009 (date de la seconde expertise), il persistait un déficit permanent du membre supérieur droit entraînant des difficultés, voire l’impossibilité à réaliser les actes de la vie courante (toilette, découpage des aliments, boutonnage, écriture,…). Il existait une arythmie complète par fibrillation auriculaire mais aucun symptôme en faveur d’un cancer prostatique. Assignation du chirurgien urologue et de la clinique par le patient, en avril 2003, en réparation du préjudice qu’il avait subi.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d'enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l'objet d'une transaction commerciale.

 

Jugement

Expertise n°1 (septembre 2003)

L’expert, professeur des universités, chef de service de chirurgie cardio-vasculaire estimait que le chirurgien n’avait pas commis de faute et qu’il avait respecté « la posologie de Lovenox®  recommandée pour la prévention des thromboses en chirurgie » (voir Commentaire en fin d’observation).

 

Tribunal de grande Instance  (mars 2007)

Se fondant sur le rapport d’expertise, les magistrats déboutaient le patient de ses demandes, y compris celle d’une nouvelle expertise malgré les avis médicaux qu’il avait  produit sur l’insuffisance de la posologie de Lovenox® prescrite par le chirurgien.

 

Appel du patient du jugement du Tribunal de Grande Instance (mai 2007)

Par  un arrêt  pris en février 2009, la cour d’appel  infirmait le jugement du TGI en ce qu’il avait débouté le patient de sa demande d’une deuxième expertise. Elle désignait un nouvel expert.

 

Expertise n°2 (août 2009)

L’expert, professeur des universités, chef de service de cardiologie affirmait que : « (…) La posologie prescrite par le chirurgien était une posologie préventive des accidents thromboemboliques veineux chez des patients alités et ne constituait pas une posologie préventive des récidives d’accident thromboembolique artériel, ce dont le patient avait été victime. Compte-tenu de sa corpulence, le patient aurait dû recevoir 60mg matin et soir, de Lovenox® (…) » (voir Commentaire en fin d’observation).

Par ailleurs, il regrettait  « (…) L’absence de concertation entre les différents acteurs  médicaux, notamment entre le chirurgien et l’anesthésiste (…) ». A son avis, l’anesthésiste aurait dû modifier la posologie du Lovenox® lors de la consultation de pré anesthésie et partageait avec le chirurgien la responsabilité de l’accident.

 

Cour d’appel  (octobre 201O)

La cour d’appel constatant que le chirurgien ne contestait pas sa responsabilité  telle qu’elle avait été établie par le rapport de l’expert, le condamnait à indemniser le préjudice du patient. Elle mettait hors de cause la clinique.

(L’anesthésiste n’avait pas été assigné par le patient)

Indemnisation de 120.985 € dont 27.547 € pour les organismes sociaux.

Commentaires

Aucune des HBPM commercialisées en France ne possède  d’AMM pour la prévention des accidents thromboemboliques artériels. Autrement dit, la prescription de Lovenox®  dans le cas reporté constitue une prescription hors AMM.

Les prescriptions hors AMM ont toujours été réglementées mais depuis, l’affaire du Mediator®, cette réglementation a été rappelée et renforcée (référence 1). La première des conditions que doit remplir une prescription hors AMM est l’absence d’alternative médicamenteuse disposant d’une AMM. Or cette condition, essentielle, n’est pas remplie lors de la prescription d’HBPM dans la prévention d’accidents thromboemboliques artériels en cas de cardiopathie emboligène, puisque l’héparine non fractionnée (HNF), injectable par voie IV, (Héparine Choay®) dispose, elle, d’une telle AMM.

1 Commentaire
  • sylvie c 02/06/2016

    peut être pas d'AMM mais en pratique quotidienne arrêt du previscan àJ-5 (si inr entre 2et 3 ) RELAIS lovenox 0,6X2 àJ-3 dernière injection de lovenox J-1 matin (PATIENT à hospitaliser si HNF iv)
    INR Plaquettes pré op
    Amis chirurgiens laissez donc les Anesthésistes gérer les AVK en pré opératoire

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