Bronchospasme majeur lors d'un traitement de désensibilisation aux acariens

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Bronchospasme majeur lors d'un traitement de désensibilisation aux acariens - Cas clinique

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Responsabilité du médecin de famille et de son remplaçant dans le décès d'un enfant souffrant d'un asthme atopique...

  • Médecin
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

•    Enfant né en 1991 souffrant d’un asthme atopique, très sévère dans la petite enfance mais qui s’était nettement amélioré depuis le déménagement de sa famille à la montagne.

•    Le traitement prescrit par le médecin de famille associait Foradil®, Miflasone® et Ventoline® en cas de besoin.

•    Cet asthme ne se manifestait plus qu’à l’effort et n’avait entraîné aucune hospitalisation. En revanche, l’enfant continuait de se plaindre d’une rhinite per annuelle avec coryza le matin.

•    Le 26 mai 2003, un bilan pour retard de croissance était pratiqué en hôpital de jour dans le service de pédiatrie du centre hospitalier à la suite duquel un traitement par hormone de croissance était débuté en septembre 2003.

•    Lors de ce bilan pédiatrique, il était pratiqué une EFR strictement normale ainsi qu’un bilan allergologique par un dosage d’IgE spécifique mettant en évidence une sensibilisation aux trophallergénes (blanc d’œuf classe II, ainsi que le lait classe IV) et à certains pneumallergènes (phanères d’animaux classe III et acariens classe IV).

•    Après cette découverte d’allergies respiratoires, le pédiatre qui avait pris en charge l’enfant, proposait de l’adresser à un pneumo-allergologue.

•    Les tests cutanés réalisés par ce dernier le 8 septembre ne confirmaient que l’allergie aux acariens. L’EFR retrouvait un discret syndrome obstructif avec VEMS à 94% de la valeur  théorique.

•    Le pneumo-allergologue conseillait la poursuite du traitement de fond par Miflasone®, la suppression progressive du Foradil®, des mesures d’éviction anti acariens à poursuivre consciencieusement et, compte tenu de la rhinite chronique, une désensibilisation pour les acariens que la famille acceptait. Celle-ci était débutée le 27 septembre selon un protocole fourni par le pneumo-allergologue : mélange Phostal® dermatophagoïdes ptéronyssinus 50% et dermatophagoïdes farinae 50%.

•    Les injections étaient réalisées par le médecin de famille ou, parfois, par son remplaçant.

•    Ces injections étaient bien tolérées jusqu’à celle du 22 mars 2004 (0,4 ml du flacon à 10 IR) qui était suivie 30 min après d’une crise d’asthme ayant nécessité le retour au cabinet médical et l’inhalation de 5 bouffées de Ventoline® ayant fait céder la crise.

•    L’injection suivante (0,5 ml du flacon à 10 IR) était bien tolérée.

•    L’injection qui lui succédait (0,6 ml du flacon à 10 IR), pratiquée le 16 avril à 11 heures par le remplaçant du médecin de famille, entraînait un saignement bref après le retrait de l’aiguille. Mais ce dernier déclarait ultérieurement avoir réalisé une aspiration qui n’avait pas ramené de sang, avant d’injecter. Elle était surtout rapidement suivie d’une gêne respiratoire. Le médecin remplaçant constatait « une dyspnée majeure avec soif d’air », un blocage des poumons sans bruit audible et un pouls lent bien frappé. Il tentait de faire inhaler à l’enfant plusieurs bouffées de Ventoline® ainsi que des corticoïdes au BABYHALER. Puis l’enfant était allongé sur le dos alors que le médecin joignait le Centre 15. Dans l’attente des secours, un massage cardiaque externe était pratiqué par le médecin et une ventilation buccale par le père de l’enfant. A l’arrivée du SMUR, il existait une mydriase aréactive. Malgré la mise sous ventilation assistée après intubation endotrachéale, la poursuite du massage cardiaque et plusieurs injections d’adrénaline, le décès était constaté à 13h20.

SAISINE de la CRCI avec mise en cause du MEDECIN TRAITANT et de son REMPLACANT par les PARENTS de l’ENFANT (octobre 2004)
 

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

Expertise (juin 2005)

 

Les experts, l’un chef de service de pneumologie et l’autre allergologue, estimaient que l’indication de désensibilisation aux acariens chez cet enfant était conforme aux critères habituellement retenus : allergie confirmée aux acariens, asthme associé à une rhinite, stable, bien contrôlé par un traitement de fonds (VEMS≥ 70%). A leur avis, « le schéma de désensibilisation utilisé était un schéma classique et les règles de surveillance au cabinet médical avaient été respectées ». La survenue d’une crise d’asthme dans les 30 minutes suivant l’injection du 23/03/2004 pouvait faire suspecter un surdosage et aurait pu inciter le médecin de famille à redemander l’avis du médecin prescripteur de la désensibilisation, au sujet de la poursuite des injections. Quoiqu’il en soit, la dose suivante de 0,50 ml à 10 IR avait été bien supportée. Le médecin remplaçant qui avait pratiqué l’injection du 16/04/2004 « semblait avoir l’expérience des traitements de désensibilisation puisqu’il avait bien confirmé la dose injectée après s’être assuré par une aspiration préalable de l’absence de piqûre vasculaire. Il signalait, cependant la survenue d’un saignement bref après le retrait de l’aiguille, ce qui pouvait arriver de temps à autre ». La réaction observée évoquait un asthme suraigu avec bronchospasme majeur dont le caractère absolument immédiat pouvait faire suspecter une injection intra vasculaire, « bien qu’une aspiration préalable semblait avoir été pratiquée ». Le risque de bronchospasme majeur, suite à une injection de désensibilisation, est cependant connu, même s’il est tout à fait exceptionnel : 1,37 réactions systémiques pour 1.000 injections dans une étude portant sur 79.593 injections, publiée en 2004. Aucun décès n’avait été à déplorer dans cette étude. Chez cet enfant, le décès était imputable « à ce type d’accident thérapeutique et non à une faute médicale ». Enfin, même si la réaction présentée était plus un bronchospasme majeur suivi d’un arrêt cardiaque, « l’injection d’adrénaline aurait peut-être été justifiée avant l’arrivée de l’équipe du SMUR  ».

 

Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) (janvier 2006)

 

Se fondant sur le rapport d’expertise et les précisions complémentaires apportées par l’expert, la CRCI estimait que plusieurs manquements pouvaient être retenus à l’encontre du médecin de famille, de son remplaçant et du pneumo-allergologue, ce dernier n’étant toutefois pas mis en cause dans la procédure actuelle.

Le médecin de famille n’aurait pas dû procéder à l’augmentation des doses d’allergène après la crise d’asthme survenue suite à l’injection du 22/O3/2004. Il aurait été souhaitable qu’il réadresse l’enfant au pneumo allergologue comme cela était écrit dans les précautions d’emploi du schéma de désensibilisation : « en cas de réaction, ne pas reprendre le traitement avant l’avis du médecin prescripteur ».

Le remplaçant aurait dû pratiquer une injection d’adrénaline dès la survenue de la détresse respiratoire, et ce, même s’il n’existait pas d’état de choc.

Quant au pneumo allergologue, il aurait dû envisager un suivi plus rapproché de l’enfant (tous les 3 à 6 mois) au lieu de lui fixer un nouveau rendez-vous de consultation qu’en septembre 2004, soit un an après le début du traitement.

Au total, la CRCI estimait que « le médecin de famille et son remplaçant n’avaient pas pris toutes les mesures de précaution nécessaires concernant la prise en charge de l’enfant, sans qu’il soit possible d’affirmer que ce manque de précautions ait été à l’origine directe et exclusive du décès, pas plus qu’il n’est possible de dire si toutes ces précautions prises auraient permis d’éviter, à coup sûr, cette issue fatale ».

En conséquence, « la responsabilité partagée (moitié-moitié) de ces deux médecins aura lieu d’être retenue à hauteur de 50% du préjudice total. Il appartiendra à l’ONIAM, à hauteur de 50% et à l’assureur des deux médecins, à hauteur également de 50%,de manière partagée (moitié-moitié), de prendre en charge l’indemnisation de l’intégralité du préjudice moral d’affection pour les parents du fait de la perte de leur fils ».

Considérant les praticiens entièrement responsables, l’ONIAM assignait les deux médecins et leur assureur sur le fondement de l’action subrogatoire dont il dispose.

 

Tribunal de Grande Instance (juin 2007)

Les  magistrats déboutaient l’ONIAM de l’ensemble de ses demandes

 

Cour d’appel (avril 2009)

 

Après appel de l’ONIAM, la cour rappelait : « d’une part, qu’il appartenait à ce dernier subrogé dans les droits de la victime, de démontrer la faute du professionnel, le préjudice et le lien de causalité et qu’en l’espèce, l’ONIAM ne rapportait pas la preuve que les manquements des praticiens étaient en relation de causalité directe et certaine avec le décès de l’enfant et, d’autre part, que le principe de subsidiarité de la responsabilité au titre de la solidarité nationale dont la charge de l’indemnisation incombe à l’ONIAM, ne fait pas obstacle à ce que la CRCI applique les dispositions de l’article L 1142-18 du Code de la Santé Publique, selon lesquelles un accident médical peut résulter pour partie de soins engageant la responsabilité d’un professionnel de santé et relever d’une indemnisation au titre de l’ONIAM ».

Confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

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