Une pathologie ORL gravissime, rare chez l'adulte. Cette infection a entraîné le décès du patient car elle n‘a pas été diagnostiquée...
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Les experts (2010), interniste et ORL, en l’absence d’autopsie, raisonnent par hypothèses pour expliquer la cause du décès. Après avoir éliminé d’autres causes possibles, lors de la discussion (et notamment éliminé un phlegmon amygdalien du fait de l’absence de trismus, de bombement du pilier antérieur de l’amygdale et de l’œdème de la luette), ils évoquent deux hypothèses, la moins probable est une cellulite extensive. Le décès survient en effet dans un contexte de choc infectieux et deux éléments pourraient être en faveur de ce diagnostic : l’existence d’une tuméfaction cervicale et la tachycardie (chez un patient fébrile).
Ils retiennent un diagnostic d’épiglottite comme celui le plus probable : douleur intense et notamment lors de la déglutition, troubles de la voix, absence de foyer infectieux visible sur les amygdales, masse épiglottique (« en avant des cordes vocales »), lors des essais d’intubation par le médecin du SAMU.
Quoiqu’il en soit, ces deux infections sont des infections ORL graves qui ont en commun de connaitre une évolution parfois cataclysmique, pouvant conduire à un décès rapide.
« L’épiglottite est connue des médecins pour survenir chez le nourrisson. Par contre la possibilité de survenue chez l’adulte, avec un pronostic aussi grave que chez le nourrisson, n’est pas diffusée dans le milieu médical et cette méconnaissance n’est certainement pas le fait du seul docteur mis en cause. Leur rareté et leur relative méconnaissance rendent compte de la difficulté à porter le diagnostic ». Cette infection entraine un gonflement de l’épiglotte qui obstrue la filière aérienne, obstruction favorisée lorsque le patient se trouve en position allongée, et peut entrainer une asphyxie.
Les experts ne commentent pas l’attitude du médecin généraliste qui a tenu compte de l’urgence de la situation.
Ils sont critiquent vis-à-vis de l’urgentiste : celui-ci n’a pas pris en compte ce que rapportait le médecin de garde qui décrit l’évolutivité de la situation clinique, le phénomène compressif qui traduit déjà un volume d’abcès conséquent et la gêne respiratoire avec la composante mécanique du décubitus.
L’examen clinique est incomplet, sommaire, sans miroir, pour apprécier la situation locale rétrolinguale. Il ne s’est pas donné les moyens de discuter d’autres diagnostics que celui de phlegmon ; l’absence de phlegmon amygdalien a été interprétée comme un élément rassurant alors que l’existence de signes d’appels importants (douleur intense, dyspnée au décubitus) ne trouvant pas leur explication dans une infection amygdalienne aurait dû faire redouter un diagnostic d’infection ORL grave dont l’épiglottite.
Il aurait dû prendre sans délai l’avis d’un médecin réanimateur de façon à surveiller ce patient et à l’intuber en cas d’aggravation. En raison de son incapacité à examiner ce patient, l’urgentiste devait faire appel à l’ORL d’astreinte : l’examen ORL aurait permis de préciser le diagnostic et d’orienter le patient en milieu de réanimation (il y avait au moins des lits d’hospitalisation vacants). Les moyens n’ont pas été adaptés.
L’état antérieur a participé à la survenue de l’abcès rétro pharyngé. Ceci est d’autant plus net que cet épisode était le deuxième vécu ; on sait que la récidive est observée dans 10 à 15 % des cas, selon les pays. Cependant une épiglottite peut survenir en l’absence de toute infection préalable.
Cette infection a entrainé le décès car elle n‘a pas été diagnostiquée. Son diagnostic aurait entrainé un traitement urgent en réanimation et le risque de compression aurait été minimisé, et avec lui le risque de décès, de 90%.
La commission CCI (2012) sur ces arguments, retient la responsabilité de l’urgentiste pour erreur diagnostique : les moyens nécessaires n’ont pas été adaptés et la gravité de l’infection méconnue. Ils considèrent que l’infection non diagnostiquée est à l’origine du décès car elle n’a pas fait l’objet d’un traitement urgent en réanimation ou d’une surveillance attentive. L’erreur de diagnostic est fautive. La responsabilité est engagée. Ils condamnent l’urgentiste à indemniser la famille (sans tenir compte d’une perte de chance) en réparation des préjudices liés à ce décès.
Il est toujours difficile d’analyser un dossier a posteriori, ce d’autant que, dans le cas présent, en l’absence d’expertise, la cause du décès n’est pas établie avec certitude.
Néanmoins, au vu de plusieurs dossiers, identiques dans leurs conséquences (décès) pour lesquels on ne peut que suspecter plus ou moins fortement une épiglottite chez l’adulte, il nous est apparu important de décrire ce cas avec ces interrogations.
On ne peut que souligner que l’urgentiste n’a pas tenu compte, quel que soit son diagnostic d’examen rassurant, de l’avis d’un généraliste qui, ce jour de Noël, n’avait pas pourtant hésité à adresser ce patient en urgence.
Il ne faut pas sous-estimer l’expérience de terrain du médecin généraliste confronté à des situations diverses, pour des patients de tous âges ni ses difficultés d’exercice et tenir compte du fait que se décider à adresser un patient aux urgences n’est jamais anodin, n’est pas le reflet d’une absence de prise de responsabilité vis-à-vis du suivi mais d’une réelle inquiétude par rapport à la situation constatée à un moment donné dans un contexte où les renseignements de l’entourage peuvent parfois être précieux.
De nombreux dossiers de plaintes n’auraient pas vu le jour si les médecins des établissements auxquels étaient adressés ces patients, avaient pris en compte non pas la situation clinique du patient en fonction de leur examen, à un autre instant T, mais le fait qu’elle était évolutive voire inquiétante avant qu’ils les examinent sur une aussi courte période.
Dans le cas présent, la pathologie ORL était de toute façon gravissime.
Même si l’urgentiste avait contacté l’ORL, rien ne dit que la situation ne se serait pas dégradée dans le laps de temps de son arrivée. Une épiglottite peut se décompenser brutalement de manière dramatique. La prise en charge de ce type d’urgence dans un établissement par l’équipe anesthésiste et ORL dans les cas favorables n’est pas exempte de difficultés, et nous ne ferons aucun commentaire sur l’attitude du SAMU, dans le cas précis, arrivé alors que la durée de l’arrêt cardio respiratoire était déjà importante, malgré leur célérité.
Il n’est pas souvent signalé dans la littérature consultée mais c’est un constat de bon sens et d’expérience que la dyspnée se majore en décubitus et il est d’ailleurs formellement déconseillé d’essayer d’allonger (un enfant ou) un adulte suspect d’épiglottite ; dans les cas les plus sévères, il est vrai que spontanément d’eux-mêmes, ils sont assis au bord du lit, ce qui est un signe de gravité.
On peut comprendre que les signes d’examen soient trompeurs et c’est le contexte clinique qui aide au diagnostic :
le tableau clinique débute par une douleur pharyngée intense, pratiquement toujours retrouvée. Les autres symptômes s’y associent de façon variable. La dysphagie est présente dans 80% des cas, la dyspnée inconstante plus ou moins intense, une douleur cervicale antérieure, une dysphonie avec voix couverte, une difficulté à avaler la salive avec stase salivaire... Les symptômes sont d’installation rapide, dans 80% des cas moins de 48 heures avant l’admission du patient. L’examen met en évidence une douleur spontanée ou à la palpation cervicale antérieure, signe qui a une grande valeur d’orientation diagnostique. On peut également retrouver des adénopathies cervicales, une pharyngite.
L’examen de choix est la laryngoscopie directe au fibroscope souple, montrant l’œdème et l’érythème de l’épiglotte avec l’inflammation des structures supraglottiques. Il faut lors de cet examen essayer de préciser l’importance de l’obstruction laryngée.
L’épiglottite est une urgence thérapeutique. Elle peut donner un abcès de l’épiglotte et évoluer vers une fasciite nécrosante qui peut être présente d’emblée lors de l’admission (douleurs cervicales diffuses, empâtement cervical initialement avant l’œdème « crépitant »).
Alors que l’état du patient ne semble pas inquiétant à un moment donné, il peut se dégrader brutalement. L’hospitalisation doit impérativement se faire en soins intensifs à proximité d’un bloc opératoire.