Prescription d’AINS pour « arthrose dorso-lombaire » par le médecin traitant

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Prescription d’AINS pour « arthrose dorso-lombaire » par le médecin traitant - Cas clinique

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Fin mai 2010, une femme de 67 ans est adressée par son médecin traitant à un gastroentérologue pour des douleurs abdominales mal systématisées. 

  • Chirurgien
  • Médecin
  • Fréquence et nature des risques
Auteur : C. SICOT / MAJ : 23/05/2016

Cas clinique

  • Celui-ci lui adresse  la réponse suivante : « (…) Je te remercie de m’avoir adressé Mme X…pour une douleur de l’hypochondre droit dans un contexte de lithiase vésiculaire connue. La douleur est essentiellement épigastrique, non déclenchée par les repas. La biologie réalisée en crise est strictement normale sans modification des transaminases, des phosphatases alcalines et de la gamma-GT. La PCR est normale à 8. Effectivement, l’échographie retrouve un calcul sans signe de cholécystite. J’ai préféré réaliser une coloscopie. L’examen met en évidence un dolichocôlon, quelques orifices diverticulaires  et surtout 2 polypes du côlon droit qui ont tous 2 été réséqués mais non récupérés pour étude histologique. Je pense qu’il est logique de lui proposer  une cholécystectomie cœlioscopique qui, j’espère, réglera son problème de douleurs (…) ».
  • En Juin, le médecin traitant conseille à la patiente  de consulter un chirurgien mais cette dernière ignore ce conseil.
  • En Juillet, la patiente continue à se plaindre auprès de son médecin  traitant  de douleurs abdominales irradiant à la région dorsale. Aucun autre examen complémentaire n’est demandé.
  • Le 20 août 2010, la patiente consulte son médecin pour une douleur abdomino-dorsale particulièrement importante. Celui-ci prescrit des radiographies du rachis dorso-lombaire et rédige une ordonnance associant Arcoxia® (AINS), Ixprim® (antalgique), Biperidis® (domperidone) et Spasfon®.
  • Le 23 août (J3 du traitement), vers 23 h 00®, la patiente ressent une violente douleur abdominale et fait appel  au médecin de garde. Ce dernier retrouve une défense abdominale et pratique une injection IM d’un dérivé morphinique en prescrivant du Zaldiar® un à deux comprimés, trois fois par jour. Il demande des examens biologiques (NFS normale, PCR à 108 mg/l ) et conseille d’appeler le médecin traitant dès le matin. Après l’injection morphinique, la patiente devient semi-consciente tout en continuant à souffrir. Une hyperthermie et une oligurie apparaissent.
  • Le 24 août au matin, le mari de la patiente demande au médecin traitant de venir examiner sa  femme. D’après le mari, ce dernier se serait contenté, lors de sa visite, de prescrire de la Pyostacine 500®.
  • Le 24 août après-midi, devant l’aggravation de l’état de  son épouse, son mari décide de la mener lui-même aux urgences de la clinique. Le diagnostic porté à l’admission est celui de choc septique vraisemblablement en rapport avec une péritonite par perforation ulcéreuse en raison de la prise d’AINS.
    • Une radiographie d’abdomen sans préparation  met en évidence un croissant gazeux sous diaphragmatique.  
    • Dans l’urgence, après  mise en place d’une voie veineuse centrale pour  expansion volémique  et  perfusion de catécholamines, une cœlioscopie exploratrice est pratiquée. Le chirurgien constate  une péritonite aiguë généralisée par perforation d’un ulcère du bulbe duodénal. 
    • L’intervention consiste  en une suture de la perforation avec toilette-drainage du péritoine.
    • A sa sortie du bloc, la patiente ventilée et  toujours sous perfusion de catécholamines est directement transférée dans le service de réanimation du centre hospitalier.
    • L’évolution est progressivement favorable, après deux séances de dialyse rénale.
    • Le 7 septembre a lieu l’extubation (J14).
    • Le 8 septembre, la patiente est  retransférée  dans l’unité de soins de la clinique.
    • Dans les jours suivants, il est  noté un écoulement de bile par le drain pariétal (130 ml/j)  et la survenue d’un méléna nécessitant la transfusion  de 4 culots globulaires. La fibroscopie digestive haute retrouve un ulcère duodénal hémorragique qui était sclérosé.
    • Sortie le 29 septembre pour un mois  en centre de convalescence, puis retour au domicile.
    • Un an plus tard, une réintervention sera nécessaire pour drainage d’un abcès pariétal « situé à la face postérieure des muscles droits, dans la région épigastrique avec évacuation d’une collection de pus franc, intra-péritonéale mais bien cloisonnée ».

Au décours de cette dernière intervention, un examen TDM abdomino-pelvien met en évidence une hernie ombilicale à contenu graisseux (collet de 13 mm) et une hernie du flanc droit à contenu digestif (collet de 20 mm). 

Assignation du médecin traitant par la patiente  pour obtenir l’indemnisation de son préjudice (janvier 2012).

Analyse et jugement

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Jugement

Expertise (juillet  2012)

L’expert,  médecin généraliste exerçant en libéral, relevait que : « (…) Le médecin traitant de la patiente avait commis  trois erreurs distinctes et successives :

  • Une erreur de diagnostic, liée à l’absence de demande d’une fibroscopie digestive haute. Cet  examen s’imposait, notamment, lors de la consultation du 20 août, devant la persistance d’une douleur transfixiante dorsale, plus ou moins rythmée par les repas, qui évoquait un ulcère gastroduodénal.
  • Une erreur de prescription (à savoir, celle d’un AINS), sans vérification, au préalable, d’une contre-indication digestive alors même qu’il connaissait les antécédents  de sa patiente ou, au moins, aurait dû au minimum y associer un inhibiteur de la pompe à proton (IPP) préconisé en association avec les AINS chez le sujet à risque et de plus de65 ans.
  • Une négligence lors de la visite à domicile du 24 août, car un examen médical complet et approfondi aurait pu établir le diagnostic de syndrome abdominal aigu et entraîner une hospitalisation en urgence (…) ».

Par ailleurs, l’expert soulignait que : « (…) Le médecin de garde n’avait pas non plus établi le diagnostic  d’abdomen aigu, mais avait prescrit des examens biologiques et conseillé d’appeler le médecin traitant  dès le matin (…) ».

 Tribunal de Grande Instance (avril 2014)

Se fondant sur le rapport d’expertise, les magistrats condamnaient le médecin traitant à indemniser les préjudices subis par la patiente. En effet, ils estimaient  ce praticien  responsable des conséquences dommageables des soins que celle-ci avait reçus entre les 20 et 24 août 2010.

Indemnisation de 92 00 € dont 70 000€ pour les organismes sociaux.

 

Commentaires

Sur le site de La Prévention Médicale, il est possible d’accéder à une vingtaine d’articles internationaux consacrés aux erreurs de diagnostic, parus depuis 2004 et à leur analyse détaillée :

Lire la revue de questions "Fréquence des erreurs et retards de diagnostic"

1 Commentaire
  • Christian S 23/12/2015

    A Julie V. : Il s'agit, vraisemblablement en effet, de la C reactive protein mais l'abréviation PCR figurait dans la lettre du gastroentérologue au médecin traitant, qui n'a pas été modifiée. Cordialement, C. Sicot

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