Un piège pour le généraliste : une prescription d’antihypertenseur contre-indiquée pendant la grossesse mettant en cause sa responsabilité. Celui-ci revoyait régulièrement la patiente malgré les interventions (confuses) de la prise en charge obstétricale...
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Pendant toute sa grossesse, la mère et l’enfant ont été exposés à l’action de deux molécules susceptibles d’interférer sur la croissance fœtale :
- Un diurétique thiazidique présent dans le LODOZ (association avec un bêtabloquant) et le COTAREG (association avec un sartan). Cette prescription n’est pas formellement contre-indiquée mais déconseillée ; elle fait courir un risque d’ischémie foetoplacentaire avec un retentissement sur la croissance fœtale mais n’a pas de retentissement sur l’embryogénèse.
- Un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II formellement contre-indiqué au cours du 2ème et 3ème trimestre. Comme indiqué dans le Vidal, le valsartan expose à un risque de malformations foetales graves (hypoplasies pulmonaires, osseuses et atteinte rénale). Les contre-indications de ce médicament sont mentionnées dans le Vidal dès 1999. La découverte d’une grossesse sous COTAREG impose l’arrêt immédiat de ce traitement.
Le médecin généraliste ne suivait pas les grossesses, les adressait en milieu spécialisé et a fait confiance aux spécialistes. A noter qu’Il ne tient pas de dossier médical.
Il n’a pas informé sa patiente des risques de ce traitement lors d’une grossesse, au-delà du premier trimestre et pouvait d’ailleurs corriger ce défaut d’information lors du diagnostic de celle-ci. Il avait certes la capacité de se poser la question de l’indication mais d’une part sa prescription datait d’avant le début de la grossesse, d’autre part aucun message d’alerte ne lui a été envoyé par le centre hospitalier. Au contraire, les différents courriers témoignaient du bon équilibre tensionnel sous ce traitement dont il a renouvelé les prescriptions.
Le médecin obstétricien a avoué ne pas connaitre ces médicaments.
Dans la chaine des évènements la responsabilité du centre hospitalier est majeure : compte tenu du fait qu’il s’agissait d’un centre de référence en matière de suivi des grossesses pathologiques, du nombre des consultations et des intervenants, du fait que pendant le premier trimestre l’enfant à naître était encore indemne des prescriptions initiales du généraliste qui leur avait confié cette patiente en début de grossesse. Il est consternant de constater que personne n’ait eu la démarche logique de s’interroger sur les traitements en cours pour vérifier s’ils n’étaient pas devenus contre-indiqués du fait de la grossesse.
L’ensemble du dossier montre que celui-ci a été géré au jour le jour, qu’aucune synthèse n’a été effectuée, qu’il n’y a eu aucune réflexion sur les traitements en cours et sur la présence d’un oligoamnios d’autant plus suspect que le diabète gestationnel est plutôt à l’origine d’un hydramnios. Plusieurs occasions en début de grossesse de relever l’anomalie de prescription ont été manquées, alors que l’interruption précoce des prescriptions aurait évité de façon certaine la constitution des lésions.
Le tribunal entérine les conclusions de l’expert et condamne le généraliste pour défaut d’information de la patiente et absence de modification de la prescription ou d’information du centre hospitalier lors du renouvellement du traitement. Sa part de responsabilité, comme l’expert l’avait suggérée est fixée à 5%.
La procédure se poursuit devant le tribunal administratif, seul compétent pour statuer sur la responsabilité du centre hospitalier. Une provision est versée.
Références bibliographiques :
- Quel antihypertenseur choisir en cours de grossesse et d'allaitement ? (site du CRAT)
- Antihypertenseurs : la grossesse impose des choix spécifiques (revue Prescrire.) www.amiform.com
- Recommandations sur deux classes de médicaments antihypertenseurs au cours de la grossesse (ansm.sante.fr, Communiqué de presse, 2008)
« ……A la suite de l’évaluation de l’ensemble des données cliniques disponibles, l’EMEA avec l’ensemble des agences européennes a émis les recommandations suivantes :
Les informations concernant la grossesse du résumé des caractéristiques du produit et de la notice des spécialités concernées seront harmonisées au niveau européen.
Une lettre, reprenant ces informations, sera prochainement adressée par l’Afssaps aux professionnels de santé concernés, afin de rappeler que :
- Médicaments et grossesse (ansm.sante.fr, Dossiers thématiques)