Retard diagnostique d'une arthrite septique

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Retard diagnostique d'une arthrite septique - Cas clinique

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Un patient de 40 ans souffre d’une périarthrite scapulohumérale droite. Après trois infiltrations, et la pratique de radiographies standard, le rhumatologue prescrit une arthrographie avec arthroscanner. Deux jours après l’arthrographie, son épaule est devenue douloureuse au point qu’il ne peut plus nettoyer les vitres de son véhicule …

  • Médecin
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Patient de 40 ans, peintre en bâtiment, droitier, souffrant d’une périarthrite scapulo humérale droite. Après trois infiltrations, et la pratique de radiographies standard, le rhumatologue prescrit une arthrographie avec arthroscanner.  
  • Le patient dit avoir fait savoir au radiologue qu’il était devenu hésitant pour ce geste, réalisé à distance de la dernière infiltration. Sur le compte rendu radiologique, la ponction est qualifiée de délicate. L’injection intra articulaire est réalisée, puis le scanner : le résultat est qualifié de normal. Le radiologue ne reverra pas le patient.  
  • Deux jours après l’arthrographie, son épaule est devenue douloureuse au point qu’il ne peut plus nettoyer les vitres de son véhicule…  
  • Au 6e jour de l’arthrographie, il consulte en urgence son médecin rhumatologue. Celui-ci porte le diagnostic « d’épaule aiguë hyperalgique » et réalise une infiltration de corticoïdes ; il ne prescrit aucun examen radiologique ou biologique. Le rhumatologue fait valoir que le patient s’est présenté à son cabinet pour une douleur aiguë de l’épaule qui aurait été brutale depuis environ 10h00 du matin.  
  • Une semaine plus tard, le patient consulte pour la première fois un chirurgien orthopédiste qui le reçoit en urgence, sans courrier d’accompagnement, au 15e jour après l’arthrographie. Le chirurgien décrit un tableau clinique douloureux qui lui évoque le diagnostic d’un syndrome de Parsonage et Turner d’où la prescription d’un électromyogramme et de séances de rééducation (qui s’avèrent irréalisables du fait des douleurs).  
  • Il prescrit également une infiltration intra articulaire de corticoïdes sous contrôle radiographique qui est faite immédiatement par l’un des radiologues de la clinique. Il dit au patient de revenir le voir si son état ne s’améliore pas.  
  • Quelques jours plus tard, le patient consulte en urgence et pour la première fois un autre chirurgien orthopédique, de garde ce jour-là. Le patient est alors « réputé » apyrétique, il n’a aucune mobilité active de l’épaule mais conserve une mobilité passive. L’aspect clinique lui évoque un conflit sous acromial, une bursite calcifiante. Dans le but de soulager la douleur, il réalise une infiltration extra articulaire de corticoïdes par voie sous acromiale. Encore trois jours plus tard, le patient consulte pour la 1ère fois un nouveau médecin qui décide d’une hospitalisation immédiate au centre hospitalier. Il est alors mis en évidence un syndrome biologique inflammatoire avec une élévation importante de la VS et de la CRP. Le courrier de sortie du centre hospitalier fait état à l’admission d’une suspicion « de névralgie amyotrophiante de l’épaule » avant que n’apparaisse la fièvre et que soient reconnus les signes biologiques d’infection. Le diagnostic est porté le lendemain de l’hospitalisation par une ponction articulaire qui ramène du pus et isole un staphylocoque doré.  
  • Le patient sera parfaitement pris en charge par un des chirurgiens orthopédiques qu’il avait vu auparavant : lavage arthroscopique à deux reprises, antibiothérapie adaptée…  
  • Deux ans après les faits, il persiste un enraidissement important avec une amyotrophie de l’épaule droite chez un droitier associée à des phénomènes algiques. Il est inapte à la poursuite de ses activités professionnelles antérieures concernant le port de charge, les travaux en hauteur, … sans que son état ne corresponde à une aptitude totale à toute activité professionnelle.  
  • Il reproche aux différents médecins l’ayant pris en charge la survenue de la complication et le retard du diagnostic de sepsis.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il  reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

EXPERTISES

Concernant le radiologue, il ne sera pas tenu au courant  des constatations médicales ultérieures. Celles-ci ont été transmises au médecin prescripteur, le rhumatologue. Il fait valoir pour sa défense que la faute d’asepsie qui lui est reprochée n’est que présumée.

Sa responsabilité est engagée du fait de la complication (à la date des faits, avant la loi du 4 mars 2002).

Il s’y ajoute un défaut d’information sur les suites de l’arthrographie avec une perte de chance d’un diagnostic plus précoce. Le patient aurait dû savoir qu’il devait recontacter le radiologue ou le médecin prescripteur si l’arthrographie posait des problèmes de tolérance. La part de responsabilité, conséquence de l’inoculation suivie d’arthrite septique qui lui incombe dans l’état séquellaire global imputable aux soins, est selon les experts estimée à 50%.

La responsabilité du rhumatologue n’est pas retenue pour la prescription de cette arthrographie litigieuse, cet examen semblant justifié. Par contre, il lui est reproché d’avoir fait un diagnostic d’épaule aiguë hyperalgique sans prendre les moyens d’en vérifier le bien-fondé alors qu’il dispose d’ailleurs de la possibilité de faire des radiographies à son cabinet et qu’il n’a prescrit aucun bilan. Il n’a pas fait le lien avec l’arthrographie dont il avait pourtant été le prescripteur. Il voit également sa responsabilité reconnue pour un défaut d’information sur les suites éventuelles de l’arthrographie qu’il avait prescrite. Sa part de responsabilité, conséquence du retard diagnostique et de la réalisation d’une infiltration contre indiquée, est retenue à hauteur de 30%.

Le premier orthopédiste n’a pas d’avantage évoqué la possibilité d’une arthrite infectieuse ni demandé d’examen biologique qui aurait pu conduire au diagnostic. L’aspect encore normal des radiographies s’est possiblement avéré «  faussement rassurant. » Il a, par contre, pris en charge de façon parfaitement diligente l’arthrite septique une fois le diagnostic posé.

 Le 2ème chirurgien orthopédiste pas plus que ses collègues n’a évoqué le diagnostic ou prescrit des examens.

Les chirurgiens se voient imputer, du fait du retard  diagnostique qui leur incombe, une part de responsabilité que les experts estiment « beaucoup moins importante » que celle de leurs confrères (médecins) et équivalente entre eux.

Aucun des médecins ne conteste sa responsabilité.

 

L’avis du tribunal (2009)

 

Le tribunal retient effectivement la responsabilité du radiologue à hauteur de 50%, du rhumatologue à hauteur de 30%.

Le premier chirurgien orthopédiste voit sa responsabilité retenue à hauteur de 5% et le radiologue de l’établissement qui a pratiqué l’infiltration prescrite par celui-ci voit également sa responsabilité retenue à hauteur de 5%. En tant que médecin, il devait également en apprécier le bien-fondé.

Le deuxième chirurgien orthopédiste voit sa responsabilité retenue à hauteur de 10%.

Indemnisation : 252 000€

Pour aller plus loin

  • Prévention du risque infectieux en radiologie interventionnelle (Anaes/Has 1999)
  • Prévention du risque infectieux en imagerie médicale non interventionnelle (Anaes/Has 2005)
  • Société française de rhumatologie : conseils généraux avant toute infiltration
  • Actualités sur la responsabilité radiologique en imagerie interventionnelle Docteur Vincent HAZEBROUCQ (Radiovigilance 2009)
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