L'embolie amniotique : une redoutable complication obstétricale

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L'embolie amniotique : une redoutable complication obstétricale - Cas clinique

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Un cas clinique qui interroge les possibilités d'améliorer la prise en charge.

  • Sage-femme
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Mme A, troisième pare, troisième geste de 33 ans, sans antécédent notable et dont la grossesse se déroule normalement jusqu’à 41 SA le 8/5/2011 où elle est hospitalisée pour une protéinurie à 1,14g/l avec une TA normale. Les bilans hématologique, hépatique et rénal sont normaux. Le 9/5/2011 à 10h45 : devant un col favorable au toucher vaginal, un déclenchement au SYNTOCINON pour anomalies du RCF est décidé et la rupture de la poche des eaux met en évidence un liquide amniotique teinté. A 12h15 : devant la persistance des ralentissements peu profonds, la perfusion de SYNTOCINON est arrêtée et la patiente est sondée et rasée. A 13h15 : survenue d’une bradycardie fœtale à 80 et tachycardie maternelle à 140 bpm pendant 20mn : une césarienne en urgence est décidée avec mise en place du protocole « extrême urgence » qui nécessite la présence de 2 anesthésistes. Au bloc opératoire la patiente est confuse et désorientée, mais le fait qu’elle ne parle pas le français peut expliquer cela. Une oxygénation au masque est mise en place rapidement avec la poursuite du remplissage vasculaire débuté en maternité. La situation se dégrade avec l’apparition d’une agitation et des troubles de la conscience concomitants à un pic hypertensif à 208/105 mmHg. Une embolie amniotique est suspectée.  
  • A 13h23 : naissance par césarienne d’une fille de 3840g, d’Apgar 2 à 1mn, 6 à 5 mn et 9 à 10 mn qui est prise en charge par l’équipe pédiatrique. L’état neurologique de la patiente s’aggrave rapidement accompagné d’anomalies hémodynamiques qui alternent hypotension et pics hypertensifs, d’une tachycardie, d’anomalies respiratoires et d’une atonie utérine malgré l’Ocytocine avec un saignement vaginal anormal. Arrivée d’un 3ème anesthésiste. La patiente est intubée et ventilée.  
  • A 13h40 : une perfusion de Nalador 500mg est posée et un capitonnage par B Lynch est pratiqué, l’hémocue est à 8,4g/dl mais le saignement persiste et l’équipe décide de pratiquer une hystérectomie subtotale. Il survient alors une défaillance hémodynamique avec chute de la TA et bradycardie, et malgré l’injection d’EPHEDRINE suivie d’ADRENALINE avec un remplissage rapide de VOLUVEN et RINGER, la patiente fait un arrêt cardio-respiratoire. Un massage cardiaque externe est pratiqué et un état circulatoire est récupéré en moins d’une minute.  
  • A 13h54 ; l’hémoglobine est à 9,4 et les plaquettes à 166000. L’échocardiographie met en évidence une insuffisance cardiaque droite avec la présence de matériel hyperéchogène (cruorique ou amniotique) dans les cavités droites et une voie centrale jugulaire droite est posée. Une perfusion d’ADRENALINE et de NORADRENALINE est mise en place. L’état hémodynamique reste instable avec alternance d’une TA imprenable et d’une TA normale et un deuxième massage cardiaque est nécessaire. Arrivée de 2 réanimateurs et d’un 4ème anesthésiste. A 14h10 : devant un hémocue à 6,4g/dl, une transfusion sanguine est débutée, l’hémoglobine est à 7, les plaquettes à 73000, le TP<10% et le fibrinogène < 0,1. A la fin de l’intervention chirurgicale, les saignements persistent et devant le choc cardiogénique et le cœur pulmonaire aigu, une assistance circulatoire par ECMO (Extra Corporal Membrane Oxygénation) est décidée. A 14h55 : la patiente a reçu 5 CG, 3PFC et 3g de CLOTTAFACT, mais le saignement en nappe persiste et 6mg de NOVOSEVEN lui sont administrés, l’hémoglobine est à 10g, les plaquettes à 66000, le TP<10% et le fibrinogène < 0,1. Le mari est informé de la gravité de la situation. Une aspiration sous contrôle écho du matériel intracardiaque est réalisée et immédiatement adressée au laboratoire.  
  • A 16h50 : la circulation extra-corporelle est en place et un cathéter fémoral est posé. A 18h00 : transfert de la patiente sous CEC en SAMU vers un service de réanimation d’un autre établissement. Le diagnostic retenu est l’embolie amniotique. Au total, la patiente a reçu 19 CG, 14 PFC et 3 CUP ainsi que 4000ml de RINGER, 1000ml de PLASMION et 1000ml de VOLUVEN.  
  • A 19h45 : en réanimation, l’échographie du cœur met en évidence une hypokinésie ventriculaire globale et des images ventriculaires droites compatibles avec une embolie fibrino-cruorique ou amniotique. Malgré l’injection d’ADRENALINE et de NORADRENALINE, le débit cardiaque est insuffisant, et il apparaît un syndrome de fuite capillaire. Le 10/05/2011 à 2h00 la patiente décède. Le nouveau-né transféré en réanimation néonatale sortira en famille d’accueil au bout de 7 semaines après une évolution satisfaisante.

Analyse de l'évènement

Même si la cause du décès de cette patiente peut être imputée à l’embolie amniotique, l’équipe obstétricale a souhaité comprendre les modalités de sa survenue par une analyse approfondie et permettre ainsi d’évaluer la prise en charge.

Facteurs ayant contribué à l’issue fatale
- difficulté des équipes à établir un diagnostic, le tableau clinique de l’embolie amniotique étant atypique, et les prodromes nombreux mais non spécifiques (agitation, malaise, troubles de la conscience, bradycardie fœtale)
- inévitabilité de survenue de la complication
- dégradation rapide de l’état de la patiente évoluant vers une défaillance multiviscérale irréversible entraînant son décès

Points forts
- l’embolie amniotique a quand même été suspectée assez tôt
- la réaction de l’ensemble des acteurs présents a été appropriée
- une réanimation agressive nécessaire dans ce type de situation a été effectuée
- la patiente a été transférée dans un service adapté

Commentaires
L’ensemble de tous les signes cliniques est évocateur d’un processus d’embolie amniotique.
De plus la recherche de cellules amniotiques dans le sang maternel s’avère positive ainsi que la recherche d’IGFBP-1 dans le plasma maternel.
A l’examen anatomopathologique de l’utérus, la présence d’emboles amniotiques capillaires et veineux dans la zone isthmique est mise en évidence.
Tous ces éléments sont en faveur d’une embolie amniotique, seule l’autopsie aurait pu confirmer ce diagnostic, réconforter l’équipe médicale devant l’échec de toutes ses tentatives, mais le refus par la famille ne permettra pas d’affirmer de façon certaine la cause du décès.

Conclusion

L’embolie amniotique représente une des complications les plus redoutables en obstétrique par son imprévisibilité, sa brutalité et sa fatalité puisqu’elle représente la deuxième cause de mort maternelle en France.

Le diagnostic d’embolie amniotique reste un diagnostic d’exclusion et doit être évoqué devant toute manifestation neurologique, cardiovasculaire et hémorragique survenant dans le péripartum, mais il demeure difficile du fait de sa rareté.

Le pronostic peut être amélioré par une prise en charge diagnostique et thérapeutique rapide, une suspicion précoce du diagnostic, un traitement agressif de la coagulation intravasculaire disséminée, l’élimination rapide des autres causes d’hémorragie de la délivrance, et une réanimation efficace avec un transfert dans un service adapté.

Le perfectionnement des techniques de réanimation mises en œuvre a certainement contribué à l'amélioration ces dernières années du pronostic maternel, même s’il demeure avec le pronostic fœtal toujours sévère.

Le décès de cette patiente ne peut être imputé à des soins inappropriés, mais l’étude de ce cas met en évidence la nécessité d’entraîner les équipes aux situations d’urgence avec simulation afin d’optimiser les mesures de prise en charge.

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