Suppléments de lait maternel : erreur d'identitovigilance

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Suppléments de lait maternel : erreur d'identitovigilance à 2 reprises

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La première mission d’une maternité est d’assurer la qualité et la sécurité des soins pour la mère et l’enfant.

70 % des femmes choisissent l’allaitement maternel à la maternité comme mode d’alimentation pour leur enfant. Le rôle des équipes soignantes est primordial dans l’accompagnement de l’allaitement maternel. En effet, des difficultés peuvent compliquer la mise en place de l’allaitement et la durée d’hospitalisation, toujours plus courte, est parfois un frein.

Le recours aux suppléments est parfois nécessaire, ceci étant, il implique une démarche de sécurisation du circuit : le cas clinique suivant décrit un incident dans ce contexte.

Auteur : Dr Caroline QUELEN, Sage-femme / MAJ : 27/08/2019

Cas clinique

Dans la nuit du jeudi 31 janvier au vendredi 1er février à 3 h du matin, 17 patientes dans le service sur un total de capacité de 20 lits. Charge en soin importante cette nuit-là :

  • Demande d’aide à l’allaitement pour de nombreuses patientes,
  • Patiente avec de la fièvre, perfusée hospitalisée avec son enfant,
  • Autre patiente présentant une grippe nécessitant de l’aide pour la gestion du nouveau-né,
  • Au 803 une patiente dont la mobilisation était très difficile, au 810, une patiente douloureuse avec des difficultés à l’allaitement nécessitant un soutien important.
  • En plus de cette charge en soin : 3 entrées supplémentaires -  2 accouchées par voie basse et une césarienne -.

La patiente du 806 est la seule dans le service à tirer son lait maternel. La veille, l’auxiliaire de puériculture a passé beaucoup de temps auprès de cette patiente pour répondre à ses questions. Le tire lait a été mis en place dans la journée du jeudi. Or, aucun élément de difficulté particulière n’est tracé dans le dossier de soin de la mère ou de l’enfant en lien avec l’allaitement maternel.

Après investigation, il s’avère que cette patiente utilise un tire lait de l’extérieur (ce n’était pas le matériel du service).

De ce fait, les informations concernant le prélèvement, stockage et étiquetage du lait n’ont pas été données à la patiente

Ainsi, des biberons (non fournis par le service) ont été stockés dans le réfrigérateur avec un sparadrap en guise d’étiquetage.

A 22 h : présence de 3 biberons dans le réfrigérateur ; 2 dont le conditionnement est habituel (fournis par le service et étiqueté avec une étiquette idoine que nous identifierons par biberon A et biberon A’) et 1 appelé format « personnel » étiqueté avec un sparadrap, appelé biberon B.

L’Auxiliaire de puériculture visualise bien ses 3 biberons, et identifie bien le biberon « inhabituel » : biberon B.

La patiente ayant demandé le supplément de lait maternel, l’auxiliaire de puériculture se concentre sur les biberons habituels (biberons A) et ne regarde pas le biberon « personnel » (biberon B).

Elle lit l’étiquette du biberon A, fait chauffer le biberon A et l’apporte à la patiente du 806.

A cette étape : pas de contrôle ultime demandé à la patiente. Celle-ci demande à l’auxiliaire de puériculture de transvaser le lait dans un biberon C présent dans la chambre, ce que l’auxiliaire fait pour répondre à sa demande. Le biberon A vidé, il est jeté dans la poubelle de la chambre.

Le biberon C est le même que celui présent dans le réfrigérateur (biberon B).

Vers 2 h 30 - 3 h, la patiente demande un nouveau supplément de lait maternel. Cette fois, c’est la sage-femme qui répond à la demande de la patiente car l’auxiliaire est occupée avec une autre maman. Elle met le lait (biberon A’) à réchauffer (même erreur de fixation, elle prend le lait dont le format correspond aux habitudes du service et ne contrôle pas l’étiquette).

Une fois le biberon chauffé, l’auxiliaire est alors disponible et amène le biberon A’ à la patiente.

De nouveau, pas de contrôle ultime au lit de la patiente lors de l’administration du lait, le lait est également transvasé dans un biberon disponible dans la chambre de la patiente et le contenant est jeté dans la poubelle de la chambre

45 min plus tard, la patiente se rend compte de l’erreur et le signale à l’équipe. Le pédiatre est prévenu.

Après investigations, le lait présent dans le réfrigérateur appartenait à une patiente qui avait été transférée à un autre étage en raison de l’hospitalisation de son enfant en Unité Kangourou, la veille.

Les biberons de 70 cc environ, n’ont pas suivi lors du transfert de la patiente à un autre étage.

Une surveillance est poursuivie à la recherche de signes infectieux, les sérologies de la mère « donneuse » étaient négatives.

Conséquence

Aucune conséquence lors de l’hospitalisation pour le nouveau-né.

Analyse

Barrières d’atténuation :

  • Risque de complication, notamment infectieuse en lien avec cette erreur très faible, moins de 1 %.
  • Sérologies de la donneuse négatives.

Barrières qui n’ont pas fonctionné :

  • respect de la procédure d’identitovigilance
  • observation des tétées : objectiver les difficultés rencontrées par la patiente lors de l’allaitement
  • questionnement sur la présence de matériel « étranger » dans la chambre de la patiente
  • respect des attitudes sécuritaires lors du stockage dans le réfrigérateur de supplément de lait maternel.

Actions correctives :

  • Élaboration d’une procédure sur le circuit des suppléments de lait maternel
  • Diffusion de la procédure à l’ensemble du personnel
  • Évaluation de la connaissance et de l’application du document lors des entretiens professionnels.

Conclusion

L’identitovigilance est au cœur de la sécurisation des soins. Cet exemple nous rappelle l’importance d’appliquer les procédures de sécurisation et de vérification de l’identité à chaque soin, à chaque patient, à chaque moment. Le patient peut également être un acteur efficace dans le processus à condition que celui-ci soit impliqué dans la démarche.

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