Souhait de grossesse

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Souhait de grossesse malgré une indication d’hystérectomie sur fibromyome utérin : complications et infertilité définitive suite à la chirurgie

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Le cas clinique suivant décrit les complications opératoires survenues après une myomectomie ayant entraîné une infertilité définitive de la patiente.

Auteur : Dr Caroline QUELEN / MAJ : 14/10/2019

Cas clinique

Mme F, 38 ans, consulte le 20/03/2018 pour un second avis concernant la prise en charge d’un utérus poly-fibromateux et désir de grossesse. Elle a d’abord consulté dans un autre établissement où la myomectomie a été récusée. Lors de cette consultation, une hystérectomie lui a été proposée devant une réserve ovarienne altérée. Cette proposition a été refusée par la patiente.

Elle consulte donc dans un second établissement. On ne note pas d’ATCD notable hormis 2 IVG. Lors de la consultation, la myomectomie par laparotomie est envisagée. Les risques hémorragiques sont expliqués à la patiente et le risque d’hystérectomie en cours d’intervention est clairement évoqué. Il est également expliqué que devant une réserve ovarienne altérée, la chance de grossesse consécutive à la chirurgie reste faible et que la chirurgie ne garantit pas une grossesse.

Un avis est demandé auprès des FIVistes du service (intérêt d’une stimulation avec prélèvement d’ovocytes en pré-opératoire devant une réserve ovarienne altérée).

Le retour du FIViste sera fait oralement au chirurgien : pas d’indication de stimulation.

L’intervention est programmée au 20 juin 2018. Une consultation d’anesthésie est réalisée le 7 juin, un bilan est prescrit et montre une anémie à 8.3 g/dL. Une cure de fer est programmée dans le but de corriger l’anémie. Le contrôle de l’hémoglobine du 19 juin montre une Hb à 9.0 g/dL.

L’intervention est maintenue au 20 juin.

L’intervention est hémorragique dès l’incision. Un myome est arraché lors de l’extériorisation de l’utérus. Un second chirurgien est appelé rapidement en renfort devant l’hémorragie. 5 myomes sont énucléés. Devant une instabilité hémodynamique, la patiente est polytransfusée, décision de ligatures des artères hypogastriques. Les saignements sont estimés à 4 litres.

Le lendemain, devant une déglobulisation persistante, une embolisation est programmée : ligature complète de l’artère iliaque gauche et incomplète à droite. Embolisation de l’artère utérine et du tronc antérieur de l’artère iliaque interne.

Le 22 juin (J2 de l’intervention), apparition d’une fièvre à 38.5 °C. Déglobulisation persistante nécessitant une transfusion à J2 et J3.

Le 24 juin : apparition de vomissements puis diarrhées et douleurs abdominales.

Mise en évidence le 27 juin (J7) par TDM d’un syndrome occlusif : pose de sonde naso-gastrique.

Le 28 juin (J8): antibiothérapie par Vancomycine® pour infection clostridium difficile avérée.

A J10 : infection urinaire à E Coli : antibiothérapie additionnelle : Ceftriaxone (C3G).

A J13 : hyperthermie persistante, le bilan est complété par : doppler des membres inférieurs, Radio du Thorax. Les hémocultures du KT central reviennent positives à un staphylocoque. Un avis d’infectiologue est demandé : poursuivre la Vancomycine® et arrêt de C3G.

J14 : introduction d’Orbénine (infection à Staphylocoque méthi-S) sur le KT central.

J 16 : persistance de la fièvre, nouveau TDM : pas de perforation digestive, péritonite réactionnelle à la nécrose utérine, épanchement pleural bilatéral. Avis digestif : abdomen non chirurgical.

Entre J18 et J25, hyperthermie persistante, CRP entre 110 et 120.

J27 : le TDM montre une rupture utérine, péritonite, abcès utérin, collection latérale droite avec fistule cicatrice sous ombilicale. Epanchement pleural droit, atélectasie du lobe inférieur droit.

Décision de reprise chirurgicale : drainage avec hystérectomie possible. La patiente est informée de la possibilité de résection digestive, de plaie de vessie et de colostomie.

L’intervention est prévue le lendemain, la patiente est transfusée durant l’intervention, apparition de frissons et d’une hyperthermie à 40° dès le 1er CG évoquant un accident transfusionnel.

J28/J0 (deuxième intervention) : Au total : Abcès sous cutané, nécrose utérine et péritonite nécessitant une hystérectomie totale avec salpingectomie bilatérale. Adhésiolyse : plaie du grêle et plaie de vessie suturées. Pertes sanguines estimées à 1300 ml.

J28/J1 : Hémodynamique stable, poursuite antibiothérapie sur avis des médecins de réa chir : tazocilline®, amiklin®, zyvoxid® et mycanine®.

J 32/J5 : patiente apyrétique. Poursuite antibiothérapie jusqu’à J 43/ J16 et soins locaux. Sortie à J 45/J19.

Consultation de suivi à 3 mois : pas de doléance particulière de la part de la patiente.

Consultation à 6 mois : cicatrice chéloïde péri-ombilicale gênant esthétiquement la patiente.

Conséquence

Complications opératoires suite à une myomectomie ayant nécessité une hospitalisation de 6 semaines dans le service entrainant une infertilité définitive.

Analyse approfondie des causes selon la méthode ALARM

Barrières d’atténuation

Renfort rapide d’un second chirurgien lors de la première intervention.

Barrières qui n’ont pas fonctionné

Réunion pluridisciplinaire en pré opératoire.

Personnalisation des soins et optimisation des prises de décisions.

Information bénéfice / risque de la patiente.

Actions correctives

Formaliser l’avis des staffs pré opératoires dans les dossiers médicaux.

Organiser des visites pluridisciplinaires dans le service le mardi matin.

Diffusion large du compte rendu RMM.

Conclusion

L’élaboration de parcours de soins, de procédures, de protocoles sécurisent le parcours du patient. Cette approche homogène de pratique permet de standardiser les parcours de soins afin de les rendre maîtrisables.

En revanche, la personnalisation des soins devient nécessaire lorsque des écarts apparaissent dans la prise en charge, notamment en cas de complications graves inattendues.

Dans ce cas, il est indispensable d’organiser des réunions pluridisciplinaires afin d’identifier rapidement les écarts et de proposer une démarche thérapeutique adaptée.

La démarche qualité peut s’inscrire à postériori dans l’analyse d’événements indésirables mais il serait également intéressant d’intégrer tous les acteurs à la démarche qualité, en organisant par exemple des cellules de crise en cas de complications sévères ou inattendues durant le séjour du patient.