Rupture utérine après un déclenchement non-justifié médicalement

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Rupture utérine après un déclenchement non-justifié médicalement - Cas clinique

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages1
  • Imprimer la page

Une rupture utérine qui résulte de plusieurs facteurs : la décision de déclenchement de l’accouchement, la mauvaise surveillance et les décisions prises au cours du travail.

  • Sage-femme
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

• Femme de 34 ans. Deux grossesses 10 et 11 ans avant l’épisode médical actuel. Une IVG 12 mois avant l’épisode actuel. Troisième grossesse en octobre suivie par l’obstétricien ayant pratiqué l’IVG.

• Admission en clinique le 17 juillet (39,5 SA) pour un déclenchement proposé par l’obstétricien et accepté par la patiente. L’obstétricien confirmera aux experts qu’il n’y avait pas d’indication médicale proprement dite mais une indication psychologique. Il pensait rendre service à la patiente et réduire son angoisse (qui avait justifié une hospitalisation à trois mois et demi, un avis psychiatrique sans prescription médicamenteuse, 24 consultations et de nombreux appels téléphoniques). Il reconnaissait ne pas avoir informé la patiente d’un danger éventuel dû au déclenchement de l’accouchement.

• Dans le dossier d’admission, était noté : « col 50%, longueur perméable à 1 doigt ». Une série d’injections de Spartéine est pratiquée. Ces injections n’ayant rien donné, le déclenchement est remis au lendemain.

• Le 18 juillet, une perfusion de Syntocinon® ne donne aucun résultat.

• Le 19 juillet à 6 h, on lit dans le dossier : « Appelle car ressent des contractions utérines, TV col postérieur diminué de longueur, 2 doigts juste, céphalique haute ». Nouveau déclenchement à 9h00 sous péridurale, avec pose d’une perfusion de Syntocinon®.

• A 11h, l’obstétricien rompt la poche des eaux, le liquide amniotique est clair. A ce moment-là, la patiente lui signale une vive douleur de la fosse iliaque droite malgré l’anesthésie péridurale. L’obstétricien informe la sage-femme et la patiente que, si l’accouchement ne se produit pas avant 14h30, il faudra pratiquer une césarienne puis il quitte le bloc obstétrical.

• A 12h05, l’analyse du partogramme fait apparaître une dilatation de 3 cm. Une hypertonie utérine accompagnée d’un épisode de bradycardie fœtale ayant duré plusieurs minutes survient à ce moment-là.

• Le tracé montre ensuite 30 min d’oscillations diminuées puis, à 12h50 un nouveau ralentissement.

• A 13h00, le col était toujours à 3 cm. Il existe une bosse séro-sanguine. Dans le dossier, la sage-femme note : « tracé plat et dip ». Elle signale également que la patiente est « agitée » du fait, lui semble-t-il, de douleurs abdominales. Pensant alors que la péridurale s’est « latéralisée », en d’autres termes, qu’elle n’était plus efficace, elle appelle l’anesthésiste. Celui-ci, au bloc opératoire, lui prescrit par téléphone d’injecter du Fentanyl® dans le cathéter de péridurale.
• A 13h40, survient une bradycardie profonde et permanente pour laquelle la sage-femme appelle l’obstétricien présent à la clinique dans son bureau. Ce dernier réalise une césarienne et découvre un enfant en état de mort apparente ainsi qu’une rupture de l’utérus, à gauche, sur le segment inférieur.

L’enfant nait avec un Apgar à 0 à la naissance et de 1 à 5 min. Sa réanimation est assurée par l’obstétricien et l’anesthésiste (Apgar à 6 à 30 min).

Quatre ans plus tard, l’enfant, âgé de 4 ans, est quadriplégique sans aucune autonomie de vie. Il existe un retard majeur des acquisitions. Seul persiste un contact affectif avec son entourage.

Assignation en référé déposée par les parents de l’enfant pour indemnisation de son préjudice.
 

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

Expertise

 

Les deux experts, professeurs des universités, l’un chef de service de gynéco-obstétrique et l’autre de pédiatrie, confirmaient  que l’état de l’enfant résultait des circonstances de l’accouchement, entraînant une anoxie  cérébrale  contemporaine et secondaire à la rupture utérine aiguë. La gravité de l’anoxie était attestée par l’état de mort apparente (Apgar à 0) et une mauvaise récupération à 30 min (Apgar à 6) malgré la réanimation entreprise. Cette  anoxie s’était  révélée, vers 13h,  par la survenue d’un aplatissement du tracé du RCF et de plusieurs ralentissements, profonds et prolongés. Ces anomalies du RCF étaient contemporaines des anomalies des contractions utérines révélés par le tologramme à partir de 13h.

La rupture utérine résultait de deux séries de décisions : la décision de déclenchement de l’accouchement et la modalité de la conduite du travail.

 En cas de déclenchement de l’accouchement, le risque de rupture utérine est élevé quand le col n’a pas été suffisamment modifié, ramolli, ouvert par son  évolution naturelle et qu’il résiste à l’action des contractions du corps de l’utérus, jusqu’au risque de rupture. D’après l’expert obstétricien,  le col n’était pas « mûr » (col à 50%, longueur perméable à un doigt). Il a résisté à la Spartéine (médicament dont l’usage avait été abandonné, il y a plus de 10 ans pour les risques élevés de rupture utérine qu’il entraînait), puis de l’ocytocine. Les rares annotations  sur l’état du col ne permettaient pas de conclure qu’il était suffisamment  favorable à un déclenchement. Les deux échecs successifs  auraient dû faire renoncer à une troisième tentative, après démonstration que le col ne s’était pas modifié. La décision de déclenchement de l’accouchement devait, en outre, prendre en compte le risque de rupture utérine qui est plus élevé quand existe un antécédent d’interruption médicale de grossesse. Il ne semble pas cependant, dans ce cas, que la rupture soit médiane comme celles vues après plaie utérine par IVG ou curetage. L’imprudence de poursuivre le déclenchement  le 19 juillet, après les échecs des deux  précédents jours, était aggravée par le fait qu’il n’y avait pas d’indication médicale à ce déclenchement et qu’il aurait suffi d’attendre quelques jours pour que la maturité naturelle du col survienne et que ce troisième accouchement puisse se dérouler de façon physiologique. 

La mauvaise surveillance  et les décisions prises au cours du travail  avaient également contribué à la rupture utérine. Le travail avait bien débuté mais, entre 12h et 13h, des anomalies survenaient. La dilatation  du col n’avait pas progressé et restait la même, à 3 cm, comme à 12h, ce qui est très anormal au cours d’un troisième accouchement. Il apparaissait une bosse séro-sanguine ce qui traduit habituellement une anomalie d’adaptation de la tête au bassin et une difficulté mécanique de l’évolution de cet accouchement. Des ralentissements profonds du RCF avec une diminution des oscillations avaient  été notés par la sage-femme (« tracé plat et dip »). Lorsque la  patiente s’était plainte d’une vive douleur abdominale, il n’appartenait pas à la sage-femme de faire la distinction entre la diminution de l’efficacité de l’analgésie ou un signe de pré-rupture utérine. Elle avait  outrepassé son rôle et  sa fonction de sage-femme, responsable  de la surveillance d’un accouchement quand il reste normal.  Méconnaissant les signes d’alarme, elle  avait commis une imprudence en n’appelant pas l’obstétricien. En effet, il était alors possible de décider d’arrêter la perfusion d’Ocytocine devant les phases d’hypertonie utérine, d’arrêter le déclenchement ou, mieux, de réaliser une césarienne sur les signes de souffrance fœtale apparus entre 13h00 et 13h40 avant la bradycardie terminale. La sage- femme  a commis une imprudence en acceptant  de faire  une injection de Fentanyl®  dans le cathéter de péridurale  alors qu’elle n’est pas médecin anesthésiste, ni qualifiée en anesthésie (°). L’anesthésiste a également  fait  une faute en prescrivant par téléphone sans venir examiner la patiente

Au total, les experts attribuaient 40 % de la responsabilité du préjudice subi par l’enfant à l’obstétricien, 40 % à la sage-femme et  20 % à l’anesthésiste. Ils fixaient l’IPP qui ne sera pas inférieure à 100 % et évaluaient, dès à présent le pretium doloris à 7 / 7, le préjudice esthétique  comme important et le préjudice d’agrément comme important.

(°) NDA--Depuis le 14 août 1991 et selon la nouvelle rédaction de l'article R. 4127-318 CSP, « la sage-femme est autorisée, au cours du travail, à effectuer la demande d’anesthésie loco-régionale auprès du médecin anesthésiste-réanimateur. Elle en informe le médecin gynécologue-obstétricien.
Sous réserve qu'un médecin puisse intervenir à tout moment, la sage-femme peut participer à la technique d'analgésie loco-régionale pratiquée lors de l'accouchement, à l'exclusion de la période d'expulsion. La première injection doit être réalisée par un médecin. La sage-femme ne peut pratiquer les injections suivantes que par la voie du dispositif mis en place par le médecin. Elle peut procéder au retrait de ce dispositif ».

 

 

 Tribunal de Grande Instance (mars  2009)

 

Le tribunal, se fondant sur le rapport d’expertise, retenait la responsabilité de l’obstétricien pour 50 %, de la clinique pour 30 %  du fait de la sage-femme salariée qui, pour les magistrats,  n’avait pas agi hors de ses  fonctions et de l’anesthésiste pour  20 %.

 

Indemnité provisionnelle de 350 000 €  et d’une rente mensuelle indexée de 1 200 €

1 Commentaire
  • khady k 23/10/2018

    C'est trés interessant parfois on aurait besoins de ces exercices mais trés difficile à obtenir si possible beaucoups d'autres cas cliniques svp

Publier un commentaire