Un vétérinaire prescrit un médicament à base d'amoxicilline pour un troupeau de chèvres malades sans se déplacer. Quelques jours plus tard, un deuxième praticien, étonné du traitement et des nouveaux symptômes décrits par l'éleveuse, refuse de renouveler la prescription. Après la mort de trois chèvres, ce second vétérinaire fait arrêter le traitement initial et en institue un nouveau. Toutes les chèvres ayant été traitées avec de l'amoxicilline meurent tout de même dans les deux semaines suivantes.
Les faits se déroulent en 2011.
Madame P. élève des chèvres depuis 25 ans. L’élevage comporte un peu plus de 200 chèvres.
Elle fait intervenir chez elle les vétérinaires de plusieurs établissements, sans lien contractuel préférentiel avec un vétérinaire habituel. En tout état de cause, quatre ans après la mise en place du « dispositif réglementaire prescription-délivrance »*, il n’y a pas de suivi sanitaire permanent de cet élevage. Ici vont intervenir successivement deux vétérinaires, le Dr Vre A puis le Dr Vre B.
Madame P. observe de la toux sur une quinzaine de chèvres prêtes à mettre bas. Elle passe alors chez le Dr Vre A, à sa clinique, et sollicite sur place la prescription et la délivrance d’un médicament pour combattre cette toux.
Ce vétérinaire mixte à forte prédominance canine n’intervient que très épisodiquement dans cet élevage.
Il est occupé en intervention et l’échange se fait par l’intermédiaire de l’auxiliaire vétérinaire.
Un début de pneumopathie infectieuse est supposé. Sur cette seule base, une prescription d’une poudre orale antibiotique à base d’amoxicilline est réalisée et une ordonnance rédigée pour quinze animaux.
Le médicament est distribué en réalité à 17 chèvres, en une fois par jour au lieu de deux fois comme la prescription le prévoyait, et de surcroît à une dose supérieure à celle prescrite.
Après une brève amélioration des symptômes ayant motivé le traitement, des ballonnements sont assez rapidement apparus sur les chèvres ainsi traitées (météorisme ruminal), d’abord sur trois chèvres.
Madame P. veut toutefois poursuivre le traitement et, ne disposant pas du médicament en quantité suffisante, elle passe, trois jours après la première administration du traitement, dans un autre établissement vétérinaire, chez le Dr Vre B, dont l’activité sur les animaux de production est prédominante, pour obtenir la délivrance d’une quantité complémentaire.
Le Dr Vre B, étonné de la prescription, refuse de la renouveler et de la délivrer. Cela d’autant plus que Madame P. décrit le ballonnement dont sont atteintes trois chèvres traitées.
Ces trois chèvres meurent deux jours plus tard et le Dr Vre B est appelé pour les autopsier.
Le Dr Vre B procède sur place à l’autopsie des chèvres et examine l’ensemble des animaux du troupeau. Il constate sur les cadavres quelques lésions pulmonaires discrètes qui ne sauraient expliquer la mort des animaux. Il diagnostique surtout une toxémie de gestation (cétose) sur un grand nombre de chèvres en fin de gestation, dont toutes les chèvres traitées. Il fait arrêter le traitement antibiotique par voie orale et institue un traitement de la cétose sur les animaux atteints, complété par des mesures prophylactiques sur l’ensemble du troupeau, comportant notamment des corrections alimentaires.
En définitive, toutes les chèvres qui avaient été traitées avec de l’amoxicilline par voie orale sont mortes dans les deux semaines qui ont suivi, de cétose (toxémie de gestation), accompagnée accessoirement de très discrètes lésions pulmonaires révélées lors d’autopsies, cela malgré l’arrêt du traitement antibiotique oral et la mise en place (trop tardive) du traitement contre la cétose.
La quasi-totalité des chèvres non traitées avec la spécialité orale à base d’amoxicilline et traitées essentiellement pour cétose ont été guéries.
Madame P. a mis en cause la responsabilité civile du Dr Vre A, dont l’assurance a indemnisé l’éleveur puisque le traitement, qui avait été prescrit puis délivré sans diagnostic vétérinaire préalable et notamment sans examen clinique des animaux, a été reconnu comme inapproprié et générateur de troubles digestifs (tympanisme du rumen) ayant aggravé la cétose qui, elle, faute d’examen clinique et donc de diagnostic vétérinaire, n’avait pas été initialement diagnostiquée ni traitée.
En d’autres termes, la mort des chèvres a été reconnue comme résultant essentiellement de la prescription fautive du praticien qui n’aurait pas dû accepter le principe d’une telle prescription sans se rendre à l’élevage pour y examiner les animaux.
*Dispositif réglementaire prescription-délivrance : décret n° 2007-596 du 24 avril 2007 relatif aux conditions et modalités de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires et modifiant le code de la santé publique et arrêté du 24 avril 2007. Institue le suivi sanitaire permanent des élevages comportant la désignation d’un vétérinaire donnant des soins réguliers aux animaux de l’élevage, réalisant des bilans sanitaires d’élevage, instituant des protocoles de soins et des visites de suivi et pouvant, dans un cadre prédéfini, prescrire sans réaliser systématiquement un examen clinique des animaux concernés. |
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Bibliographie essentielle :