Chute en cabinet de kinésithérapie

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  • Chute en cabinet de kinésithérapie

Une patiente de 72 ans est hospitalisée pour une intervention chirurgicale de l'épaule.

Une chute à la sortie du bassin au cours d'une séance de rééducation, entraîne une fracture du poignet. Une seconde intervention est rendue nécessaire et programmée dans un contexte d'urgence.

Auteur : Bruno Frattini, Cadre supérieur de santé IADE, Expert en prévention des risques / MAJ : 31/07/2020

Anamnèse

Mme Y, patiente de 72 ans, a bénéficié d’une intervention chirurgicale de l’épaule droite, et plus précisément une réparation de la coiffe des rotateurs sous arthroscopie (réparation des tendons de l’épaule qui se sont détachés de leur insertion osseuse). 

Le traitement chirurgical lui a été proposé après l’échec de plusieurs traitements médicaux (infiltrations et kinésithérapie) proposés dans les suites d’un bilan d’imagerie médicale complet (radiographie conventionnelle, échographie et IRM).

Cette opération s’est déroulée sous anesthésie générale après la réalisation d’un bloc interscalénique sous échographie. Aucune difficulté particulière n’a été signalée, la gestion de la douleur post-opératoire a été évaluée comme très satisfaisante par la patiente. Le membre opéré a été immobilisé dans une attelle pendant un mois jusqu’à la consultation post-opératoire de contrôle. La patiente débute sa rééducation passive avec le kinésithérapeute et réalise les exercices recommandés par le chirurgien et enseignés par le kinésithérapeute (le pendulaire, le serrage des omoplates et le travail du piston auto-décoaptation).

Au cours de la consultation post-opératoire, l’examen clinique ne retrouve aucune particularité, à savoir aucun hématome, aucun trouble de cicatrisation cutanée, aucun signe d’infection ni superficielle, ni profonde. La douleur à la mobilisation est modérée, et le chirurgien au vu de ce constat va proposer la poursuite de la rééducation en deux temps : 3 semaines pour accentuer la mobilisation passive déjà débutée au 15e jour avec le kinésithérapeute, puis débuter la récupération de la mobilité active en ambiance aquatique, puisque le cabinet de kinésithérapie propose une offre de rééducation en piscine.

Ce cabinet est installé dans les locaux de la clinique, loués à un groupe de 5 kinésithérapeutes qui travaillent dans le cadre d’un contrat d’association d’exercice en commun. Ces locaux proposent des cabinets de consultations avec une table d’examen, mais également une salle technique permettant par exemple les exercices de mécanothérapie, les exercices de pouliethérapie… et un bassin piscine de 10 x 6 m avec une profondeur de 90 cm.

Au cours de la 1re séance en milieu aquatique, le kinésithérapeute explique à la patiente les exercices à effectuer pour gagner de l’amplitude de mouvement, dos contre le mur du bassin, à genou, puis quelques exercices avec accessoires. La séance durera 20 mn, et le kinésithérapeute invite la patiente à sortir du bassin pour continuer la rééducation dans la salle technique, puis pour un passage en salle de massage.

En sortant du bassin, en se dirigeant vers la cabine de douche, la patiente glisse sur le sol, n’arrive pas à se rattraper et tombe lourdement sur le sol sur son bras gauche. Elle ressent immédiatement une vive douleur au poignet. Elle est prise en charge immédiatement par le kinésithérapeute qui constate une déformation du poignet. Elle est conduite en imagerie médicale qui confirme une fracture du poignet.

La patiente est hospitalisée, bénéficie d’une intervention chirurgicale avec la pose d’une plaque. Elle sortira le surlendemain, le temps d’organiser son hospitalisation en secteur de rééducation du fait des difficultés induites par le nouveau contexte : épaule droite opérée en cours de rééducation et poignet gauche immobilisé.

Conséquences

Cette chute a eu plusieurs conséquences :

  • Une hospitalisation non programmée en secteur court séjour.
  • Une intervention chirurgicale dans un contexte d’urgence.
  • Un séjour en secteur de moyen (séjour non programmé).
  • Une patiente mécontente du fait de son hospitalisation imprévue qui va l’empêcher de partir faire son voyage en Afrique du Sud, excursion programmée de longue date.
  • L’inquiétude de la patiente sur sa capacité à récupérer la mobilité de son poignet car le chirurgien lui a précisé qu’il s’agissait d’une fracture complexe et qu’il faudrait être patiente pour récupérer tout ou partie de sa fonctionnalité.

Analyse des causes

Le groupe de kinésithérapeutes décide de faire appel à un consultant externe pour analyser l’accident, pensant qu’un regard extérieur pourra les aider à reconnaître les situations à risques non identifiées à ce jour dans leur organisation.

En s’appuyant sur ce retour d’expérience, ils évalueront les actions de prévention à mettre en œuvre pour accueillir les patients dans un espace sécure.

Une visite des locaux et l’analyse de l’incident avec la méthode ALARM constituent le socle de la démarche de prévention des risques.

  • Cause immédiate

Chute de la patiente dans le local balnéothérapie.

  • Causes profondes

 

Barrière qui a détecté l'incident

Atténuation : prise en charge de la patiente après sa chute.

Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident 

Prévention :

  • Évaluation insuffisante du risque de glissade, puis de chute par l’équipe de professionnels.
  • Les antécédents de chute de la patiente n’étaient pas connus du kinésithérapeute en charge de la patiente.
  • Pas ou peu de partage d’informations sur la malade entre le chirurgien et le kinésithérapeute en charge de la patiente ce jour-là.
  • Pas d’évaluation pour détecter les facteurs de risque pour prévenir d’autres chutes.
  • Pas de démarche de gestion de risques opérationnelle pour le groupe de professionnels.

Les pistes de réflexion et/ou d’amélioration

La thématique des chutes de malades reste malheureusement une des constantes de la personne âgée, puisque l’on estime qu’un tiers des personnes de plus de 65 ans chute chaque année.

Ces chutes entraînent quelque 12 000 décès en France et elles peuvent avoir de lourdes conséquences tant physiques que psychologiques.

Les actions de prévention ont fait la preuve de leur efficacité, et il convient chaque fois que cela est possible de définir des stratégies de réduction de ces risques.

A commencer par les soins de rééducation qui peuvent avoir une vertu de prévention pour les personnes diminuées physiquement, puisque l’on participe à l’amélioration de la fonction d’équilibre.

Sur la détection des personnes potentiellement à risques 

Le groupe de professionnels décide d’apporter une attention toute particulière à la détection des sujets à risques.

Pour ce faire, il conviendra :

  • De rechercher les antécédents de chutes, une personne qui a chuté une fois rechutera,
  • De procéder à des tests simples qui peuvent être prédictifs comme le "Timed up and go" (TUG) ou "Test de la chaise chronométré". Ce test se pratique à domicile et s’il est positif, doit inciter l’équipe soignante à proposer une évaluation approfondie (cf. point 1 "Pour aller plus loin").

Sur l'évaluation des risques liés au patient

Plusieurs facteurs peuvent influer sur le risque de chutes. Il conviendra de les prendre en compte et de les rechercher, car l’évolution de l’état de santé du malade peut augmenter encore ce risque. On peut citer par exemple :

  • La prise de certains médicaments (dont les neuroleptiques),
  • La diminution récente et/ou transitoire de la mobilité,
  • L’apparition brutale de perte d’équilibre,
  • La verbalisation du malade de sa peur de chuter,
  • La perte de poids avec perte d’appétit associés à une diminution des apports hydriques.

Chaque patient repéré à risque devra bénéficier d’une vigilance accrue dans tous ces déplacements, et surtout ne pas hésiter à les accompagner pour tous déplacements dans les locaux du plateau technique.

Sur le partage d’informations 

Le concept de dossier papier ne semble plus correspondre aux enjeux actuels. En tout cas, le partage d’informations semble plus difficile. La piste du Dossier Patient Informatisé (DPI) consultable à distance, et pouvant être renseigné sans être auprès du patient sera explorée.

L’objectif est de permettre aux kinésithérapeutes du cabinet de consulter le dossier en amont du soin par exemple, et de permettre au praticien prescripteur de transmettre des données médicales nécessaires à une prise en charge efficiente.

Le principe du dossier accessible à distance permettra également de consulter ou de renseigner ce dernier lors de soins réalisés à domicile, même si ces derniers restent une partie très modeste de leur activité (maximum une ½ journée par semaine pour chaque kinésithérapeute).

Sur l’évaluation des risques liés à l’environnement

  • Déshabillage - habillage : les lieux le permettant doivent être aménagés avec une attention particulière ; l’utilisation de claquettes piscine sera de mise, ainsi que le port des lunettes.

  • Éclairage : adapter la luminosité artificielle pour une meilleure détection des obstacles.

  • Sols : pas d’obstacle sur les lieux de passage, pose de caillebotis caoutchouc épais sur les circulations autour du bassin et jusqu’aux cabines de douches avec une réflexion rapide sur leur entretien (conseils de l’Equipe Opérationnel d’Hygiène…).

  • Douches équipées "handicapé" : actuellement, une seule sur les 2 est équipée partiellement. 

Chaque cabine devra proposée une porte étanche pour éviter les projetions d’eau :

-  Receveur de douche antidérapant,

-  Poignées de soutien horizontales et verticales,

-  Chaise pliable-rabattable fixée au mur,

-  Robinet thermostatique permettant une température d’eau constante et évitant les variations de température pouvant surprendre les utilisateurs.

  • Installation d’une seconde sortie de bain : pour permettre aux patients d’assurer leur sortie du bassin avec les 2 membres inférieurs ou avec au moins l’un d’eux.

En conclusion

Le contexte de soins en cabinet présente parfois des risques différents d’un établissement de santé. Il convient d’évaluer chaque situation en recensant les situations à risques. Cette évaluation doit permettre d’identifier les barrières de prévention à mettre en œuvre pour prévenir tout incident.

Il convient de préciser qu’une chute est souvent un Événement Indésirable évitable, et qu’il est indispensable de déployer une dynamique de prévention des risques pour les empêcher chaque fois que possible.