Erreur médicamenteuse au bloc

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Erreur médicamenteuse au bloc : utiliser la REMED

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  • erreur médicament

Afin de mieux prévenir les incidents liés aux erreurs médicamenteuses, il est important d’être minutieux à chaque étape d’une opération et de vérifier attentivement toute action ou produit administré sous peine de graves conséquences. Le retour d'expérience suivant relate une erreur médicamenteuse dans le cadre d'une opération ophtalmologique sur un patient jeune (27 ans)...

  • Chirurgien
  • Médecin
Auteur : Bruno FRATTINI, cadre supérieur de santé IADE, expert en prévention des risque / MAJ : 30/09/2019

Rappel des faits

Un patient de 23 ans, qui présente un strabisme de l’œil G. consulte un chirurgien ophtalmologiste qui propose un traitement chirurgical dans l’objectif d’améliorer son champ visuel. Ce sujet jeune ne présente aucun antécédent médical et chirurgical. Il présente un bon état général. La consultation d’anesthésie ne relève aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale (AG) proposée et acceptée par le patient.

Le jour de l’intervention, le patient est installé sur la table d’intervention. L’induction anesthésique est réalisée sans aucune difficulté. Le patient est ensuite installé en position chirurgicale. Pose des champs opératoires.

En début d’intervention : le patient présente une bradycardie lorsque le chirurgien fixe un des muscles oculaires. Cette bradycardie ne récupérant pas spontanément, l’IADE injecte 0,75 mg d’Atropine* en IV.

Dans la minute qui suit, on constate chez le patient une tachycardie à 150 battements par minute et un accès hypertensif à 230/110 mm de Hg. Le MAR est aussitôt appelé en salle.

Aucune explication immédiate n’est retenue devant ce tableau clinique. Décision d’arrêter la chirurgie, et un traitement correctif est administré : Nicardipine* en bolus de 1 mg jusqu’à retour à des chiffres tensionnels physiologiques, puis au pousse seringue électrique.

Une fois la situation clinique équilibrée, le patient est transféré en USC pour l’extubation et pour réaliser un bilan de la fonction cardio-vasculaire.

L’IADE examine la boîte OPCT : elle y retrouve une ampoule de Noradrénaline* vide non justifiée (boîte changée le matin même) : pas de justification à l’utilisation de ce médicament.

Le constat d’une erreur principe actif médicamenteux est retenu.

Les suites : séjour en USC de 5 jours. Hospitalisation totale en secteur hospitalier de 10 jours au lieu des 2 prévus initialement.
Patient ne présente aucune séquelle cardiaque de cet accident. Il n’a pas été opéré de son strabisme.

Conséquences

Cette erreur médicamenteuse a eu comme conséquences :

  • Une prise en charge non attendue du malade en début d’intervention pour l’équipe d’anesthésie avec la part de stress en rapport avec l’incompréhension de la situation.
  • Un séjour en Unité de Surveillance Continue non programmé.
  • L’inquiétude du patient et de sa famille à l’annonce de cette complication.
  • Une hospitalisation de 10 jours qui a perturbé l’organisation de sa vie personnelle et professionnelle.
  • L’expression du jeune patient et de sa famille sur leur incertitude à revenir se faire opérer dans cette structure de soins.
  • Un impact certain sur l’image de cette équipe aux dires du patient.

Analyse des causes

L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention : cette erreur médicamenteuse (EM) et ses conséquences interpellent les professionnels de santé du COVIRIS qui souhaitent connaitre les raisons qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement et le pharmacien selon la méthode REMED.

La méthode REMED, proposée par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Cette méthode est décrite dans le classeur REMED mis à disposition sur le site de la SFPC.

Pour cette analyse, les outils suivants ont été choisis :

  • La liste des questions proposées pour faciliter le recueil des informations concernant l’incident/accident.
  • Les éléments signifiants pour caractériser l’EM.
  • La liste des 250 causes ou facteurs contributifs à la survenue de l’EM.
  • Le plan d’actions d’améliorations, document qui doit permettre de structurer l’action, mais également de jalonner son suivi.
  • Le compte rendu synthétique pour chaque analyse d’EM qui, une fois rédigé, permettra d’alimenter la longue liste des éléments de preuve en vue de la future certification.

La liste des questions a permis de résumer les faits relatés ci-dessus.

Caractérisation de l’EM

  • Catégorie du produit de santé : catécholamine
  • Libellé du produit 1 : Noradrénaline*
  • Libellé du produit 2 : Atropine*
  • Nature de l’erreur : erreur médicament
  • Niveau de réalisation : erreur avérée / identifiée
  • Gravité constatée de l’EM : majeure
  • EM porteuse de risque : oui
  • Étape initiale de survenue : administration du principe actif

Diagnostic des causes

(8 domaines de facteurs contributifs : M = produits de santé – P = patient – S = professionnel de santé – PP = pratiques et procédures opérationnelles – E = équipe – CT = environnement de travail – O = organisation et management – I = institution)
Les facteurs contributifs retenus et leurs justifications :

  • M : Similitude de conditionnement avec un produit différent : concernant les contenants Atropine* et Noradrénaline*.
  • M : Défaut de présentation, du conditionnement ou de l’étiquetage : écriture noire sur petite ampoule en verre, sans étiquette.
  • M : Lisibilité insuffisante des mentions de l’étiquetage : petite écriture sur petit contenant.
  • P : Situation clinique faussement rassurante : patient jeune sans antécédent médico-chirurgical.
  • P : Exposition au risque de « never event » : utilisation systématique de médicaments identifiés à risque -> anesthésie et cardio-vasculaire.
  • S : Erreur de lecture : nom du médicament sur le contenant.
  • S : Défaut d’attention, distraction (oubli, gestuelle erronée) : sur une problématique connue du professionnel de santé = lecture difficile.
  • PP : Défaillance dans le respect des bonnes pratiques : lecture systématique du nom du médicament sur le contenant.
  • PP : Erreur de rangement / détention dans la dotation : mauvais rangement du médicament dans le chariot d’anesthésie = erreur non récupérée.
  • I : Retour d’expérience non partagé : sujet non abordé en réunion de service, ni par voie d’affichage.

Enseignements et actions retenues

Sensibilisation sur la nécessité d’une lecture attentive des noms des médicaments sur les contenants : il est décidé de relater cet événement indésirable considéré comme grave à l’ensemble du service (équipe médicale et paramédicale) lors de la prochaine réunion de service.

Revue de la dotation des chariots d’anesthésie : repérer les médicaments qui ne sont pas utilisés, déterminer les médicaments à risques et leur attribuer un système de rangement pour éviter toute confusion

Uniformisation des rangements des chariots d’anesthésie pour toutes les salles d’intervention

En conclusion

Cette inversion d’ampoules de médicaments fait partie des incidents rencontrés parfois en secteur d’anesthésie, mais qui peut l’être tout autant pour tous les secteurs de soins.

La prise de conscience par les soignants que ce type d’événements peut survenir doit générer plus de vigilance pour diminuer leur fréquence.

Annexe : exemple de compte rendu REMED

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