En période hivernale, une femme de 45 ans est amenée dans un service d’urgences par les pompiers. Elle a été prise en charge sur la voie publique pour une chute sur sol glissant. Elle se plaint d’une douleur importante du poignet gauche.
Le chef d’équipage des pompiers présents sur place se fait préciser les circonstances de l’accident : chute de sa hauteur après avoir glissé sur de la neige tassée, elle a voulu amortir sa chute en plaçant sa main en arrière de son corps.
L’examen clinique, outre la douleur, montre un gonflement du poignet et une petite déformation.
Le poignet est immobilisé par une attelle, et la patiente est transférée dans l’hôpital de secteur.
Une radiographie face-profil du poignet confirme le diagnostic évoqué par l’urgentiste. Le chirurgien orthopédiste consulté indique une réduction et une immobilisation de la fracture par brochage au bloc opératoire.
La patiente est transférée dans le service de chirurgie orthopédique/traumatologique. L’état de santé de la malade n’appelle pas de commentaire particulier et l’examen clinique du médecin anesthésiste classe cette dame ASA1. Une anesthésie générale est proposée et acceptée par la patiente.
L’intervention est réalisée le jour même, en début d’après midi. Le chirurgien réduit la fracture et pose plusieurs broches (3) en percutané sous contrôle radioscopique pour maintenir la fracture. L’intervention se déroule sans difficulté technique. Seul événement à signaler : la nécessité d’ouvrir une seconde boîte de broches, car l’aide opératoire a fait tomber le lot de broches nécessaires à l’ostéosynthèse en préparant la table d’intervention.
La patiente regagne le service en milieu d’après midi ; le chirurgien et l’anesthésiste valident le soir même la demande de sortie formulée par la patiente.
Lors du traitement et du classement des feuilles d’écologie par le cadre de bloc, elle s’aperçoit alors que la seconde boîte de broches ouverte avait une péremption dépassant la date limite de 8 jours. Le signalement est fait immédiatement au chirurgien.
Lors de la visite de contrôle réalisée 48 heures plus tard, la patiente est prévenue de l’incident, et le chirurgien lui expose les risques potentiels en lien avec cet événement. La survenue d’une problématique infectieuse est évaluée très peu probable. Les 2 parties conviennent d’organiser une surveillance adaptée à cette situation : la malade sera revue dans 8 jours en consultation et les consignes d’usage sont formulées : évolution de la douleur, surveillance de la température, surveillance locale des points de pénétration des broches, pose d’une attelle thermoformée pendant 3 semaines jour et nuit, puis la nuit uniquement les 3 semaines suivantes.
Le suivi de cette patiente a permis d’écarter toutes complications : bonne consolidation du foyer de fracture sans déplacement secondaire, pas de signe d’infection du site opératoire, une mobilité du poignet satisfaisante retrouvée au bout de 3 mois, et ablation des broches au début du septième mois post-intervention.
Le cadre de bloc a signalé cet événement indésirable par le biais du système de déclaration de l’établissement.
L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille s’est traduite par la décision de rechercher les causes qui ont conduit à cet incident, sans conséquence majeure pour la patiente, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place.
Une faille dans le process de contrôle des péremptions pourrait générer des erreurs avec des conséquences plus graves dans ce secteur d’activité.
Une analyse de risque a posteriori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.
C’est la cadre du bloc opératoire qui a constaté l’erreur lors de l’exploitation de la feuille d’écologie (réapprovisionnement).
Barrière qui a détecté l’incident :
Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident :
Le partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM évoque des actions correctrices concernant l’organisation des soins et surtout la communication entre professionnels de santé.
Le contrôle des péremptions se fait en deux temps, dans l’organisation actuelle de cet établissement de santé :
Les pistes d’amélioration suivantes ont été évoquées :
Organisation des soins
Un benchmark avec d’autres établissements a montré qu’un troisième niveau de contrôle peut être mis en place :
La direction générale prend la décision d’acquérir un logiciel pour la stérilisation et d’upgrader le logiciel de pharmacie pour obtenir ce troisième niveau de contrôle.
De plus, la décision de remettre à jour la procédure de vérification des péremptions dans les réserves et arsenaux au bloc opératoire a été demandée au responsable du bloc opératoire, avec une mise en place rapide.
Ce partage d’expérience en équipe a été l’occasion de rappeler les fondamentaux du métier de soignant concernant le contrôle des dates de péremption.
Prise de conscience également de l’encadrement pour planifier une ressource humaine rapidement chaque fois qu’une tâche n’a pu être réalisée.
Communication entre professionnels de santé
- communication écrite par le biais du tableau installé à l’entrée de l’arsenal stérile,
- communication orale : décision d’un briefing 3 fois par semaine (lundi-mercredi-vendredi) à la prise de poste, temps d’échange d’un format 10 mn et d’échange sur les informations importantes ; animation assurée par la responsable de bloc et/ou sa seconde.
Au final, pas de grandes révolutions, mais des points à rappeler, et sur lesquels il convient de communiquer pour faire passer la culture de sécurité à travers la pédagogie de l’erreur.
Cette analyse montre une fois encore que le facteur humain reste au cœur de la gestion des risques. Il reste primordial à la politique de toute institution.
La mise en œuvre d’un troisième niveau de contrôle pour cette thématique spécifique engagée par la direction générale doit permettre d’améliorer l’organisation de la sécurité des soins.
Mais rajouter une barrière de sécurité supplémentaire ne doit pas exonérer les acteurs d’une vigilance accrue nécessaire à une prise en charge de patient sécure. C’est le travail au quotidien de chaque professionnel de santé auprès des patients, de chaque manager…