Retour d'expérience : traitement personnel d'un patient

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Retour d'expérience : traitement personnel d'un patient

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page

Madame Z., 78 ans, est hospitalisée en service de chirurgie orthopédique pour une cure d’hallux valgus.

  • Paramédical
Auteur : Anonyme Vendredi 24 Juillet 2015 / MAJ : 18/03/2016

Présentation du contexte

Madame Z., 78 ans, est hospitalisée en service de chirurgie orthopédique pour une cure d’hallux valgus. 

Madame Z. consulte un chirurgien du pied sur la recommandation de son médecin traitant pour un avis spécialisé : elle souffre depuis plusieurs années de ses pieds, déformés en hallux valgus.

Ces douleurs, de plus en plus intenses, provoquent une limitation du périmètre de marche et lui imposent le port de chaussures de sport.

Le traitement antalgique instauré par le médecin traitant ne suffit plus pour permettre une vie de tous les jours acceptable.

L’examen clinique et l’observation des radiographies prescrites par le médecin traitant confirment la possibilité d’une cure chirurgicale.

Le chirurgien propose de traiter les 2 pieds en même temps.

Madame Z. habitant à plus de 70 km de la structure de soins où exerce le praticien, une hospitalisation complète est proposée à la patiente qui l’accepte. Cette solution permettra également un apprentissage de déambulation avec béquilles et un contrôle optimal de l’analgésie post-opératoire.

La consultation d’anesthésie ne met en évidence aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale, technique retenue pour l’opération des 2 pieds. Le médecin anesthésiste réanimateur a seulement noté comme traitement habituel de l’Efferalgan Codéine 3g par jour, en 3 prises.

La malade entre dans l’établissement au jour prévu, et bénéficie de l’intervention chirurgicale convenue sans aucun problème.

Les suites opératoires sont simples pendant les premières heures ; la patiente présente seulement le lendemain de son intervention en fin de journée des nausées et vomissements, avec des douleurs abdominales. Le médecin anesthésiste prévenu passe voir la malade, et après un examen clinique lui explique que les troubles digestifs sont certainement en relation avec le traitement antalgique administré : le Néfopam* peut générer de tels effets secondaires. Il maintient donc les antalgiques de palier I, à savoir paracétamol et anti-inflammatoires non stéroïdiens, et remplace l’Acupan* par de la morphine à la demande.

Le surlendemain de l’intervention, soit J+2 de l’acte opératoire, l’infirmière de nuit qui réalise son tour de soins de début de nuit, voit, en entrant dans la chambre, la patiente préparer un médicament qu’elle sort de sa table de chevet ; la patiente questionnée précise qu’elle a continué à prendre son traitement antalgique pour son arthrose car on ne lui a pas dit qu’il fallait l’arrêter.

Le médecin anesthésiste de garde est immédiatement prévenu par l’infirmière qui, après un calcul rapide, a comptabilisé une prise de 7g de paracétamol quotidien depuis 2 jours.

L’examen clinique retrouve une douleur modérée de l’hypochondre droit et le médecin décide son transfert immédiat en secteur de soins intensifs. La situation est expliquée à la malade, en lui précisant qu’il était prudent de débuter une surveillance en secteur spécialisé pour anticiper toute problématique. La patiente ne s’oppose pas à cette décision.

A son arrivée en Unité de Surveillance Continue, elle bénéficie immédiatement d’un traitement parentéral par le N-acétylcystéine (NAC) et d’un bilan sanguin (dosage paracétamol, ASAT, ALAT, TP, INR, créatinine, urée, glycémie, ionogramme sanguin, gaz du sang), une hydratation par voie intraveineuse.

Les premiers résultats montrent une augmentation marquée des transaminases, une baisse du TP. Et le résultat de la paracétamolémie est supérieur à 150 mg/l et au dessus de la courbe thérapeutique de Prescott.

Le traitement par NAC est maintenu. La patiente bénéficie d’une surveillance de la fonction hépatique et d’une surveillance clinique ; les suites montreront une diminution des enzymes hépatiques dans les 24 heures suivantes.

La patiente rejoint le secteur d’hospitalisation d’Orthopédie après 48 heures passées en U.S.C. ; l’équipe médico-chirurgicale jugeant que la fonction hépatique ne présentait plus de problématique, Madame Z a pu regagner son domicile avec un courrier destiné à son médecin traitant précisant les éléments déjà donnés par voie téléphonique et la conduite à tenir des prochains jours, à savoir un dernier contrôle sanguin.

Conséquences

Cet incident a eu comme conséquences :

- un séjour en Unité de Surveillance Continue de 48 heures non programmé,

- le séjour de la patiente qui s’est prolongé de 4 journées, contrariant la sortie programmée et générant :

  • une modification de l’organisation des soins à domicile (infirmière à domicile),
  • une annulation du transport sanitaire organisé avec la société d’ambulance chargée du retour à domicile,
  • un surcoût pour l’établissement avec cette prolongation de séjour,
  • le report d’une intervention programmée par manque de lit.

- une patiente qui a avoué a postériori qu’elle ne comprenait pas toutes les conséquences potentielles, générant une vive inquiétude,

- une équipe soignante très atteinte par les suites délétères qui auraient pu survenir pour cette patiente.

Méthodologie et analyse

Le chef de service et la cadre de santé demandent au service Qualité – Gestion des Risques de réaliser une analyse de cet incident.

L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’événement et éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

- La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe :

 

Facteurs liés aux patients :

La patiente présente un terrain arthrosique et des pieds douloureux expliqués par des déformations importantes. Ce deuxième élément a conditionné son hospitalisation afin de bénéficier d’une cure chirurgicale. Le médecin traitant avait prescrit des antalgiques de palier II (Efferalgan Codéine*), pour soulager la patiente, traitement assez efficace et bien toléré par Madame Z.

Le relationnel entre patient et soignants n’a posé aucun problème : Madame Z. était en climat de confiance car l’intervention et les suites opératoires ont été dans la normalité, en tout cas conformes aux attendus et aux informations données.

La patiente posait peu de questions lors des soins, et plus précisément lors de la distribution des médicaments. Les échanges post-incident ont permis de comprendre que la malade n’avait pas fait la relation entre paracétamol* (générique dispensé dans la structure de soins) et l’Efferalgan Codéine* qu’elle prenait quotidiennement. Et surtout, elle n’avait pas la notion d’un surdosage possible, et des conséquences potentielles.

Enfin, son conjoint n’avait pas plus d’informations sur ce point.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

La procédure d’admission des patients est écrite et connue de tous dans le service. Le Dossier Patient bénéficie d’une check-list des questions à poser à l’arrivée des malades dans le secteur. Dans le cas présent, la question en lien avec le traitement personnel avait été posée, et la réponse tracée, à savoir qu’elle n’avait pas de médicaments personnels avec elle. Lorsque ce point a été abordé avec elle dans le cadre de l’analyse, elle précise qu’elle pensait qu’il s’agissait de traitement « plus important, comme pour le cœur ou la tension, mais pas des médicaments pour la douleur ».

Concernant la tâche d’accueil au sein du service, la professionnelle qui a réalisé le questionnaire d’admission ne se souvenait plus des termes exacts utilisés pour obtenir le bon niveau d’informations.

La procédure d’administration des médicaments est connue de toutes les infirmières. Elle est institutionnelle bien sûr, mais le process fait partie du cœur de métier de cette profession paramédicale.

La prescription pour ce patient était conforme aux attendus réglementaires.

Hormis l’infirmière de nuit, personne n’avait détecté la présence de ces médicaments dans les affaires personnels de la malade. Il faut préciser que cette dernière est une dame très autonome et ne souffrant d’aucun trouble cognitif. Aucun élément ne justifiait que l’on puisse être dans la suspicion d’une réponse erronée aux questions posées.

Aucun emballage primaire ou secondaire de ce médicament n’a été retrouvé dans les poubelles. Les Agents de Service Hospitalier interrogés n’ont aucun souvenir sur ce point.

Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :

Les professionnels impliqués dans cette problématique sont tous des personnels fixes de la structure, fidélisés qui connaissent très bien les habitudes du service, les procédures institutionnelles. Cette typologie de prise en charge ne pose aucune difficulté aux différentes équipes, puisque accueillie de manière régulière dans le secteur.

Facteurs liés à l’équipe :

Aucune problématique de communication entre professionnels n’a été relevée dans l’analyse de cet incident.

Les données concernant la charge de travail du jour de l’admission de Madame Z. montrent un nombre important d’entrées (9 pour la journée, en arrivées échelonnées) mais également un nombre de sorties non moins important (7 pour la fin de matinée, car les lits devaient être réutilisés immédiatement).

Cette donnée est prise en compte par la gestionnaire de risques.

Facteurs liés à l’environnement de travail :

L’analyse des facteurs liés à l’équipe montre une charge de travail élevée, mais avec des effectifs complets, et du personnel du service habitués aux procédures du secteur, rompus aux habitudes de travail de l’équipe médico-chirurgical.

Cette charge de travail n’est pas exceptionnelle, et d’après les équipes interrogées, rencontrées plus fréquemment ces derniers mois.

Les équipements mis en place dans le secteur d’hospitalisation pour prendre en charge toutes complications et/ou urgences vitales ont été évalués en adéquation avec la prise en charge de cette urgence.

Le Dossier Patient Informatisé a permis de tracer de façon exhaustive les actes de soins réalisés dans le cadre de cette prise en charge, et notamment le questionnaire correspondant à la procédure d’admission.

Facteurs liés à l’organisation et au management :

Aucune défaillance organisationnelle n’est mise en évidence.

Les compétences soignantes étaient celles attendues par les typologies de patients accueillis dans le secteur.

Les procédures et protocoles de soins nécessaires pour prendre en charge les malades sont présents et opérationnels.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

L’examen des autres déclarations d’événements indésirables n’a pas relevé d’incident similaire dans l’établissement.

  • En résumé : ce qu’il faut retenir

 

- une procédure d’admission connue et appliquée dans cet établissement pour toutes les équipes soignantes,

- une patiente admise dans un secteur de soins qui n’a pas remis son traitement personnel à l’équipe soignante pour être mis sous séquestre alors qu’elle avait été sollicitée sur ce point,

- une charge de travail lourde pour le service, élément retenu par les personnes chargées de l’analyse comme facteur pouvant influencer l’incident,

- une prise en charge de cet incident qui n’appelle aucun commentaire, bien au contraire puisque les mesures conservatoires ont été très efficaces,

- un format de Dossier Patient Informatisé qui a permis de reconstruire les différentes étapes de la procédure d’admission.

Les pistes de réflexion et/ou d'amélioration

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

- un incident qui aurait pu être dramatique pour cette patiente,
- une procédure de soins appliquée, mais qui génère néanmoins un incident grave,
- une équipe soignante dans le questionnement et qui cherche des solutions pour ne pas reproduire cette situation.

Les 2 axes d’amélioration préconisés par le groupe de travail ont également été retenus par les équipes du service, à savoir :

- faire un focus particulier mis sur la problématique du traitement personnel du patient :

  • lors de l’admission du malade en insistant sur la mise sous séquestre,
  • en expliquant à tous les patients les risques encourus de se soustraire à la règle.

- sensibiliser tous les soignants (Aide Soignant et Agent de Service Hospitalier) à être particulièrement attentifs à cette problématique

En conclusion

La mise sous séquestre des traitements personnels des patients est une préoccupation de tous les soignants, et pourtant ce cas concret montre que l’erreur est malgré tout possible.

Il convient de s’interroger pour trouver les solutions adaptées pour éviter ces événements indésirables graves.

Rendre le malade acteur de sa prise en charge est une autre piste à explorer …

0 Commentaire

Publier un commentaire