Gestion mal maîtrisée d'une urgence médicale par le médecin de garde et le régulateur du SAMU...
Plainte pénale pour homicide involontaire déposée par l’épouse du patient (2005). Classement de la plainte sans suite, après enquête de police, par le Procureur de la République.
Saisine de la CRCI par l’épouse du patient (2009).
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L’expert, anesthésie-réanimateur, directeur d’un SAMU départemental estimait que le médecin de garde en se rendant sur place sans sa valise professionnelle, n’avait pas respecté son obligation de moyens. Il en était résulté, pour le patient, une perte de chance, qui restait, toutefois, « théorique et pondérée dès lors qu’il n’existait aucune obligation contractuelle ou réglementaire précisant le contenu d’une valise d’urgence ».
Mais il reprochait au SAMU d’avoir laissé l’intégralité de la gestion de l’affaire au médecin de garde au motif qu’il ne disposait pas de moyens de transport médicalisé (SMUR terrestre ou héliporté) disponible au chef-lieu du département, sans effectuer aucun contre-appel afin de connaître l’évolution de la situation. Il avait attendu le second appel du médecin de garde avant d’engager le SMUR d’une sous-préfecture du département. Pour l’expert, cette attitude attentiste n’était pas conforme au décret du 16 décembre 1987 définissant les missions du SAMU. Elle avait également été à l’origine d’une perte de chance « non quantifiable » en raison du délai incompressible de l’intervention du SMUR (45 minutes) (délai d’arrivée du médecin de garde et du SMUR le plus proche) et de l’impossibilité de mesurer les chances de récupération de la victime au regard de la durée des convulsions.
Enfin, l’expert retenait un dysfonctionnement du SDIS en ce sens que le déplacement du VSAB pour rejoindre le cabinet du médecin de garde n’avait pas été signalé au SAMU ce qui, possiblement, aurait pu être à l’origine d’une perte de chance. En effet si le SAMU avait été informé des difficultés rencontrées par le médecin de garde, « il aurait peut-être eu la possibilité d’engager plus précocement des moyens SMUR ».
L’expert concluait à une perte de chance liée, d’une part au non-respect de l’obligation de moyens par le médecin de garde, d’autre part au non-respect des procédures opérationnelles liées au déplacement des VSAB et, enfin, à l’attitude attentiste du SAMU ;
Cette perte de chance n’était pas quantifiable et était à partager à parts égales entre les différents protagonistes.
La CRCI écartait la responsabilité du SAMU et du SDIS car « (…) elle ne pouvait confirmer les reproches de l’expert à leur encontre, en l’absence des enregistrements des conversations échangées qui avaient été détruits d’autant que les dysfonctionnements signalés ne lui apparaissaient pas avoir un rapport direct avec le décès du patient (..) ». En revanche, elle reprochait au médecin de garde : « de n’avoir pas satisfait à son obligation de moyens en ne prévoyant pas une relève de son remplaçant dans les conditions propres à lui permettre d’être normalement opérationnel dès la première minute, alors qu’il était de garde, et d’être intervenu sans disposer du minimum de moyens appropriés pour faire face à la situation qui lui avait été décrite, (crise d’épilepsie qui se prolongeait )». Qualifiant son attitude de « trop passive et attentiste », la CRCI retenait à l’encontre du médecin de garde, une perte de chance, à hauteur d’un tiers.
L’avis de la CRCI ayant été contesté par l’assureur du médecin de garde, les proches du patient entamèrent une double procédure pour obtenir une indemnisation de leur préjudice :
- Devant la juridiction administrative, à l’encontre du SAMU et du SDIS
- Devant la juridiction civile, à l’encontre du médecin de garde
Les magistrats rejetaient les demandes présentées estimant : « (…)
- qu’aucun dysfonctionnement imputable au SAMU ne pouvait être retenu puisqu’il ne pouvait être réglementairement fait grief au médecin régulateur du SAMU de ne pas avoir passé de contre-appel dès lors qu’il avait engagé un VSAB pour prendre en charge le patient ;
- que la destruction des bandes d’enregistrement des appels reçus au SAMU ce jour-là ne permettait pas de savoir si le SDIS s’était effectivement abstenu d’informer le SAMU du transport du patient au cabinet du médecin et qu’en tout état de cause, rien n’établissait qu’un tel appel aurait permis d’engager plus tôt des moyens de nature à apporter plus rapidement des soins adaptés à l’état du patient (…) »
Les magistrats retenaient la responsabilité du médecin de garde pour ne pas avoir mis en œuvre l’intégralité des moyens à sa disposition, pour donner au patient, conformément aux données acquises de la science, les soins qu’il nécessitait. Ils lui reprochaient notamment de ne pas avoir eu du Valium® dans son véhicule et de ne pas s’être rapproché des pharmacies de garde pour l’obtenir.
Le tribunal estimait à 90 % la perte de chance du préjudice effectivement subi, d’une part par la victime pour les souffrances endurées avant son décès, et d’autre part par son épouse et ses enfants, du fait de son décès.
Indemnisation de 46730 €.
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