Migration tardive d’un stérilet suite à une perforation méconnue

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Migration tardive d’un stérilet suite à une perforation méconnue - Cas clinique

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page
  • migration sterilet, contraception, perforation

Un cas récurrent : mieux écouter la patiente aurait évité beaucoup de problèmes...

  • Médecin
Auteur : Dr Catherine Letouzey / MAJ : 09/03/2021

Cas clinique

  • En 1996, une femme âgée de 30 ans, mère de trois enfants, régulièrement suivie par son médecin généraliste depuis 5 ans, le consulte pour contraception. En concertation avec lui, elle souhaite arrêter sa contraception orale et opte pour un stérilet. Quatre mois plus tard, Il met en place difficilement (col « spasmé ») un stérilet NOVA T : lors de la visite de contrôle un mois et demi plus tard, le généraliste ne retrouve pas les fils. Une échographie faite par un radiologue confirme l’absence de DIU intra utérin. Le généraliste replace donc un nouveau stérilet au cuivre d’un modèle différent, bien supporté et remplacé en 2001.  
  • Le 25 mai 2004. La patiente consulte pour des saignements et des douleurs pelviennes depuis 48 heures. Le médecin devant cette symptomatologie lui faisant suspecter une expulsion, constate que le stérilet s’est déplacé, se trouve dans le col et le retire. Il prescrit une échographie de contrôle qui confirme une vacuité utérine. Evoquant une infection, il prescrit également une antibiothérapie (Oflocet) et un bilan sanguin.  
  • Le 31 mai 2004, avant de faire son bilan, elle consulte aux urgences d’un hôpital pour douleurs persistantes et de la fièvre et elle va être hospitalisée pour une suspicion d’infection génitale haute. Un bilan pratiqué à l’admission montre une hyperleucocytose à 20.000 GB et une CRP à 148 mg/l. Le dosage de béta HCG confirme l’absence de grossesse. Le prélèvement vaginal met en évidence la présence de staphylocoques dorés. - Le lendemain 1 juin 2004 La patiente décide de sortir (avec l’accord des médecins et selon son souhait) car elle est apyrétique et se sent mieux. Le médecin assistant du service rédige une ordonnance de sortie comportant : Erythromycine (3 cp/j pendant 21 jours), Oflocet (2cp/j pendant 15 j) et antalgiques de classe 2 si douleurs. Il conseille à la patiente d’être surveillée par son généraliste.  
  • Le 2 juin, elle fait le bilan prescrit au départ par le généraliste.  
  • Le 3 juin, le généraliste revoit sa patiente avec le bilan qu’il lui avait prescrit et qui montre une hyperleucocytose à 17 000 GB et une CRP à 87 mg/l.  
  • Le 4 juin de nouveaux bilans sont pratiqués : leucocytes à 15 700 et CRP à 106 mg), puis le 7 juin (leucocytes à 15 300 et CRP à 51 mg)et le 10 juin (leucocytes à 14 300 et CRP à 58 mg).  
  • Le 10 juin, elle retourne voir son généraliste qui lui conseille de consulter de nouveau à l’hôpital d’autant que les douleurs persistent malgré les antibiotiques.  
  • Le 11 juin, le gynécologue hospitalier (le même qu’à la première consultation) la rassure, l’examen lui semblant normal. D’après la patiente il aurait critiqué la répétition inutile des examens biologiques, accordé peu d’attention à la présence d’un train sub fébrile (37 °5 à 38°) et rejeté toute indication d’examen complémentaire. Il modifie le traitement antibiotique (Bactrim).
  • La patiente reprend le travail.  
  • Le 14 juin, elle fait un malaise.  
  • Le 16 juin elle se présente de nouveau aux urgences car elle est fébrile (38°4) et va être hospitalisée. L’examen gynécologique (par qui ?) montre une douleur provoquée de la fosse iliaque gauche, un utérus normal, une douleur du cul de sac avec perception d’une masse latéro utérine gauche. Une échographie (par un praticien hospitalier) montre une image hétérogène à gauche et souligne « un doute sur la présence d’un stérilet dans la cavité ». Un ASP (non retrouvé) aurait confirmé la présence d’un stérilet « du côté droit de l’abdomen ». Le bilan sanguin montre une hyperleucocytose à 11 000 et une CRP à 68 mg. - Le 17 juin, une cœlioscopie pratiquée (par un médecin que la patiente n’a pas rencontré) montre :«l’existence d’une masse annexielle gauche évoquant un abcès de l’ovaire chez une patiente de 38 ans sous bi antibiothérapie, apyrétique, sans défense abdominale ». Le compte rendu mentionne la présence d’adhérences difficiles à libérer sans risque et constate la présence de lésions évoquant une endométriose. Il n’est pas fait mention de la recherche d’un stérilet. Dans un deuxième temps opératoire, l’opérateur pratique sans succès une tentative d’ablation de stérilet à l’aide d’une curette de NOVACK….(La culture du prélèvement péritonéal mettra en évidence un streptocoque). - Le 18 juin, sur l’insistance de la patiente, un assistant du service demande au gynécologue du service que la patiente connait de faire une hystéroscopie : celle-ci, en salle de consultation ne retrouve pas le stérilet….. - Le 19 juin, n’ayant pas confiance dans l’équipe, les médecins ne retenant pas le même diagnostic selon ses dires, elle décide de quitter l’établissement. Elle reproche au chirurgien de lui avoir expliqué que tardivement, le lendemain de la cœlioscopie, de n’avoir pas pu retirer le stérilet « faute de matériel stérile » disponible et qui lui aurait seulement prescrit un traitement pour son endométriose… Elle téléphone à son généraliste qui parvient à joindre un des médecins hospitaliers qui lui aurait dit que le stérilet serait enlevé ultérieurement, que les craintes de la patiente vis-à-vis de son état de santé n’étaient pas fondées et amplifiées par son état anxieux.  
  • Le 19 juin, la patiente sort donc contre avis médical mais grâce à l’aide d’un gynécologue consulté en urgence, elle est de nouveau hospitalisée, le jour même dans un autre établissement où un chirurgien l’opère en urgence du fait d’un tableau de pelvi péritonite. - Dans son compte rendu opératoire, le chirurgien note « cette patiente était porteuse d’un DIU qui aurait été enlevé quelques jours auparavant mais l’ASP montre que le DIU est toujours présent sans préciser sa situation intra utérine ou intra abdominale ; à l’admission, défense hypogastrique et syndrome infectieux biologique majeur». Devant les difficultés rencontrées lors de la cœlioscopie (magma d’adhérences), il convertit, réalise une annexectomie gauche en raison d’un pyosalpinx franc et retrouve le stérilet dans la paroi sigmoïdienne. Son retrait laisse une perte de substance de la paroi sigmoïdienne avec ouverture de la lumière digestive. Une colectomie partielle avec colostomie transitoire est nécessaire. La patiente est transférée en réanimation pendant quelques jours, puis en chirurgie. Trois mois plus tard, un rétablissement de la continuité digestive est effectué.  
  • L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire confirme le pyosalpinx avec ovarite suppurée de voisinage et une péritonite étendue à la pièce de résection sigmoïdienne.  
  • En dehors de problèmes intercurrents liés à une décompensation d’un goitre basedowien (thyroïdectomie totale), une intervention pour hernie de la paroi abdominale avec réfection de la cicatrice aura lieu en 2005.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

EXPERTISE (2007)

  • Dans le cadre d’une saisine de la CCI, une mission d’expertise est confiée à un gynécologue obstétricien libéral.
  • L’expert constate que le généraliste n’a pas diagnostiqué la perforation utérine (en 1996) « qui s’était produite pendant la pose » ;  il a replacé un autre stérilet (d’ailleurs bien supporté et changé 5 ans plus tard). Il lui reproche d’avoir conclu « hâtivement » à l’expulsion du premier stérilet sans prendre la précaution de prescrire une radiographie d’abdomen sans préparation. Or c’est la migration de ce stérilet, venu perforer le sigmoïde 8 ans plus tard, qui a entrainé la péritonite. En 2004, l’attitude du généraliste était « logique ».
  • L’expert critique la prise en charge lors de la cœlioscopie hospitalière : il mentionne que le chirurgien aurait dit d’ailleurs au couple « qu’on ne lui avait pas demandé de pratiquer une cœlioscopie ». Il reporte les propos de celui-ci : le chirurgien a expliqué qu’il n’avait pas éliminé une péritonite, avait pratiqué un prélèvement de liquide péritonéal  et que la surveillance devait être poursuivie sous antibiotiques. Il n’aurait pu retirer le stérilet faute d’hystéroscope stérile… L’expert regrette que l’opérateur n’ait pas eu connaissance de la radiographie montrant la présence d’un stérilet, car il aurait transformé la cœlioscopie en laparotomie pour le rechercher et l’extraire. Il évoque un dysfonctionnement du service.
  • Dans la mesure où la patiente a été opérée le lendemain par un autre opérateur de sa pelvi péritonite, la prise en charge dans ce premier hôpital n’a pas eu de conséquence sur l’évolution de son état de santé. «  Il n’en aurait sans doute pas été de même si elle n’avait pas été hospitalisée et avait regagné son domicile ».
  • Il confirme « qu’il ne fait pas de doute que la péritonite est la conséquence de la perforation intestinale provoquée par la migration du stérilet ». Cette infection n’était pas inévitable dans la mesure où elle s’est produite huit ans après la perforation qui a eu lieu lors de la pose. Si cette perforation avait été reconnue rapidement, le stérilet aurait pu être extrait par cœlioscopie et les conséquences de cette perforation ne se seraient pas produites.
  • La patiente assigne en judiciaire le seul généraliste.

 

JUGEMENT (2010)

  • Les magistrats concluent que la perforation relève d’un aléa thérapeutique et non d’une faute commise dans le cadre d’un acte de soins. La faute reprochée n’est pas cette perforation aléatoire mais la faute commise lors de la visite de contrôle. Lors de ce contrôle, le généraliste a conclu à l’expulsion du stérilet sans autre vérification qu’une échographie abdominale alors que la migration aurait dû être écartée par une simple radiographie avant la pose d’un deuxième stérilet. En raison de « ses formations spécialisées lui permettant de pratiquer des actes courant de gynécologie et en particulier la pose de stérilets », le généraliste ne peut soutenir qu’il pouvait se contenter « de l’hypothèse de la plus plausible » sans envisager comme tout gynécologue normalement consciencieux  l’aléa rare et connu qu’est la migration du stérilet. Sa faute est une faute d’abstention, ayant conclu « hâtivement » selon l’expert à un diagnostic erroné. Cette faute a fait perdre la possibilité d’enlever le stérilet et d’éviter ainsi l’infection. Il ne s’agit pas d’une perte de chance mais d’une faute directement à l’origine d’une infection inévitable après huit ans de présence du stérilet dans l’abdomen.
  • Indemnisation : 44 109 €

Commentaires

  • Certes en médecine générale, les médecins qui savent poser un stérilet sont moins nombreux que les gynécologues : mais, ils sont aussi amenés à conseiller, surveiller une contraception à défaut de réaliser eux même la pose.  
  • Les incidents liés à ce mode de contraception sont rares (le risque de perforation est de l’ordre de 1 pour 1000) mais ils concernent une population de femmes « jeunes » entre 20 et 45 ans, et peuvent être source de problèmes à juste titre mal ressentis qu’il s’agisse d’une grossesse non désirée ou de la nécessité d’une intervention pour récupérer un stérilet migré avec l’angoisse que cette perforation utérine ne complique une future grossesse.  
  • En cas de suspicion de perforation utérine (habituellement asymptomatique, parfois douleur aigue lors de la pose) lors de l'insertion du DIU, l’échographie et la radiographie permettent de faire le diagnostic. Si l’échographie est non concluante, devant une suspicion d’expulsion ou de migration, elle doit être couplée à l’ASP.
  • L’analyse de nombreux dossiers de plaintes témoigne de la bonne voire très bonne tolérance d’une migration par perforation utérine, au point que parfois les douleurs « abdominales » ressenties pendant plusieurs années ne sont pas souvent à l’évidence, pour des experts, en rapport avec cette migration.  
  • Dans notre expérience d’assureur, environ 2 dossiers par an concernent la pose de DIU par des généralistes mais quelques rares dossiers impliquent aussi leur prise en charge d’infections déclenchées à l’occasion de cette insertion. En gynécologie, c’est une quinzaine de dossiers environ par an qui mettent en cause ce mode de contraception. 

Bibliographie

1HAS : actualités pratiques, contraception : focus sur les méthodes efficaces. Prescriptions et conseils aux femmes, Contraception chez la femme adulte en âge de procréer (hors post-partum et post-IVG)(juillet 2013), www.has-sante.fr

2/ La pose du stérilet et la responsabilité professionnelle du médecin, 26 nov. 2012, Emmanuelle PETRUS, www.macsf.fr 

  • En savoir plus 

- Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé : www.ansm.sante.fr 
- Association fil-santé jeunes : www.filsantejeunes.com 
- Association française pour la contraception : www.contraceptions.org 
- Choisir sa contraception : www.choisirsacontraception.fr 
- Haute Autorité de Santé : www.has-sante.fr 
- Institut National de prévention et d’éducation pour la santé : www.inpes.fr

0 Commentaire

Publier un commentaire