Retour d'expérience : un plexus brachial évitable chez un nouveau-né ?

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Retour d'expérience : un plexus brachial évitable chez un nouveau-né ?

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Après 4 accouchements en 6 ans dont 3 accouchements par voie basse notés « normaux », une patiente de 33 ans décide pour sa 5e grossesse d'être suivie par un autre obstétricien...

  • Sage-femme
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Cette patiente de 33 ans, étrangère ne comprenant pas parfaitement le français, est suivie très régulièrement par un obstétricien pour sa 5e grossesse. Dans ses antécédents obstétricaux, on note 4 accouchements en 6 ans dont 3 accouchements par voie basse notés « normaux » dans le dossier » : le premier et le troisième enfant pesaient plus de 4 kg (le forceps employé n’est pas signalé dans le dossier), et le deuxième enfant pesait 3,380 kg ; puis elle a eu une césarienne lors d’une grossesse gémellaire (présentation transverse d’un des jumeaux).  
  • Pour des raisons de proximité, elle a préféré pour cette nouvelle grossesse (cinq ans après la précédente) un suivi avec un autre obstétricien (du fait de sa bonne réputation) plutôt qu’à l’hôpital où elle avait accouché à plusieurs reprises et notamment de ses jumeaux.  
  • La surveillance est régulière. L’échographie morphologique normale.  
  • Du fait d’une prise de poids importante (+ 16 kg à terme), les examens éliminent un diabète gestationnel (test de O Sullivan positif mais HGPO normale). A 31SA, l’échographie montre une croissance normale. A 35 SA, la présentation du fœtus est en siège. Le mois suivant, à 15 jours du terme, le fœtus s'est retourné et l’estimation pondérale est celle d’un poids « habituel ».L’obstétricien est favorable à un accouchement par voie basse.
  • A quatre jours du terme, la patiente est hospitalisée pour des contractions depuis 3 jours : hauteur utérine à 33/34 cm, présentation céphalique, col centré mais long et perméable à un doigt, présentation encore haute. Le lendemain, la situation est identique et il lui est proposé de revenir à terme.  
  • Elle ne revient qu'à J + 1, dans la matinée : le col est à deux doigts effacé avec des contractions régulières. Pour des raisons qui seront ultérieurement discutées (incompréhension des propos de la sage-femme qui lui aurait proposé de rentrer chez elle alors que le médecin aurait conseillé une mise en observation, ou nécessité d’organisation personnelle avec ses autres enfants ?), elle quitte la clinique et revient trois heures plus tard vers 14h30. Elle est prise en charge par la même sage-femme qui n’était pas dédiée à la salle de naissance ce jour-là mais appelée en renfort compte tenu d’une sur activité : le col est à 3 cm, la présentation céphalique.
  • La sage-femme, sachant que l’obstétricien était en train de terminer une césarienne ne juge pas opportun de le prévenir d’emblée, fait des prélèvements biologiques en vue de la péridurale, pose un monitoring. Le travail se fait très rapidement (en une heure) ; la sage-femme est bipée par une auxiliaire à 15h20 ; à 15h30, à la rupture spontanée de la poche des eaux, le liquide est teinté. La présentation est en occipito iliaque gauche antérieure, en voie d’engagement. La sage-femme n’a pas le temps d’appeler l’obstétricien pour terminer l'accouchement : l’expulsion se fait quasi spontanément de façon très rapide, chez une femme très agitée (pas de péridurale), peu participante. Après expulsion de la tête, la sage-femme doit faire face à un blocage au niveau des épaules. Elle tente différentes manœuvres et l’enfant (4,430 kg, Apgar 8/9) naît à 15h50, dix minutes après l’appel de l’équipe, avec un plexus brachial important (peu de récupération).  
  • Il s’avère que la patiente n'a pas dit à l'obstétricien ni à la sage-femme que lors du premier accouchement, l'extraction (par forceps de Tarnier) s'était compliquée d'une dystocie des épaules et que son enfant présentait à la naissance un plexus brachial (régressif semble-t-il). Elle n'avait pas pensé que c'était une information importante. Le troisième accouchement avait également nécessité un forceps. Ces éléments seront connus après la naissance (notamment par le dossier hospitalier précédent consulté).  
  • Elle reproche à la sage-femme de lui avoir proposé de retourner chez elle ( ?), se plaint de l’absence de l’obstétricien (d’habitude dans cette clinique, chaque praticien accouche ses patientes), de l’absence de la péridurale qu’elle souhaitait, de l’absence de son mari (pas prévenu) et globalement reproche une mauvaise prise en charge de son accouchement.  
  • Selon la sage-femme, lorsque la patiente est revenue à la polyclinique en début de travail vers 14h30, la dilatation était à 2-3 cm, la présentation encore haute ; elle a reconstitué le déroulement de la grossesse à l'interrogatoire, fait un bilan de coagulation, mis en place une perfusion. Elle n’a pas prévenu de son arrivée l’obstétricien (qui avait suivi la grossesse) qu’elle savait en cours de césarienne. Lors du constat de la dystocie, il y avait une souffrance fœtale, pas d’analgésie péridurale. Elle a tenté des manœuvres Mac Roberts, Couderc mais elle n'arrivait pas à faire une manœuvre de Jacquemier, et conteste avoir pratiqué une traction sur l’épaule antérieure.

Analyse

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Jugement

EXPERTISE

L'expert estime que si la patiente avait informé de l’antécédent de dystocie avec plexus brachial, devant cet utérus cicatriciel, la césarienne à titre prophylactique devenait impérative. « Un bon interrogatoire aurait dû amener à préciser ce fait ». L’avocat adverse fera remarquer que chez cette femme étrangère qui a quelques difficultés avec le français, l’obstétricien aurait dû demander son ancien dossier.

L’expert reproche l’absence d’estimation pondérale au 9ème mois et en début de travail, qualifie la discontinuité dans la prise en charge du travail d’« élément préjudiciable ». La suspicion clinique d’un « gros bébé », les antécédents connus (macrosomie, césarienne) devaient faire considérer cet accouchement « à risque » par principe. Il s'étonne que l'obstétricien n'ait pas précisé sur l'observation, la présence d'un accoucheur au chevet de la patiente voire d’un pédiatre et d’un anesthésiste avant l’expulsion. Le laps de temps aurait dû, si les consignes étaient strictes, inciter la sage-femme à appeler auprès d'elle un obstétricien bien avant que l'expulsion ne débute, (d’autant plus que le liquide amniotique était teinté), compte tenu du nombre d’obstétriciens qui exercent dans cette clinique. Il relève un défaut d'organisation, une carence d’anticipation. La présence d'un obstétricien, même chevronné, n'implique pas cependant que le risque d'élongation du plexus brachial eut été évité. Aucun praticien ne peut affirmer qu'il aurait résolu cette dystocie quelle que soit la manœuvre sans entraîner de risque de séquelles pour l'enfant. Il n'empêche que toute situation dystocique justifie d'être prise en charge par un praticien spécialisé confirmé.

La sage-femme a, par nécessité, terminé l’accouchement dans des conditions difficiles, écartant le risque cérébral au prix d'un risque neurologique important. L’expert conclut qu’elle a effectué « une hyper flexion de la tête, manœuvre probablement responsable de l'élongation du plexus brachial ».

JUGEMENT

Le tribunal (2008) retient la responsabilité de l’obstétricien (75%) du fait de l’absence d’organisation de l’accouchement et de la césarienne et la sage-femme (25%) pour manœuvres excessives responsables du préjudice.

Aux avis critiques déposés avant le jugement se joindront d’autres avis d’experts sur pièces à la demande des parties avant l’arrêt de cour d’appel (2010) réformant le jugement. Seule la responsabilité de l’obstétricien à hauteur d’une perte de chance de 80% est retenue, les magistrats insistant sur le défaut d’interrogatoire de la patiente ce qui aurait permis de décider d’une césarienne: « il ne peut être reproché à la patiente de ne pas avoir fourni spontanément l’information alors que profane en la matière, elle ne pouvait pas en apprécier l’importance ».

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