Erreur médicamenteuse chez un patient admis en urgence

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Erreur médicamenteuse chez un patient admis en urgence

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Un homme accueilli au service d'Urgences pour une douleur abdominale aiguë se voit prescrire un traitement antalgique précisant la mise en place d'une PCA. L'urgentiste sera rappelé quelques heures plus tard pour un surdosage en morphine.

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 23/01/2018

Le contexte

Mr Z. est accueilli au service d’Urgences, pour une douleur abdominale aiguë, évaluée à 8/10 sur l’échelle numérique, et pour laquelle un traitement antalgique a été prescrit. Le tableau clinique et paraclinique n’indique aucune prise en charge chirurgicale immédiate, et une surveillance est retenue pour évaluer son évolution.

Le traitement antalgique précise les éléments suivants :

  • Titration usuelle de morphine, selon protocole, jusqu’à une cotation douleur à 4.
  • Mise en place à l’issue d’une PCA, avec les paramètres suivants : concentration 2 mg/ml, bolus 1 mg, période réfractaire 8 mn, dose maximale 4 heures 20 mg.

Dans le déroulé de la prise en charge de ce patient, la titration et la mise en place de la PCA sont réalisées aux Urgences, puis le patient est transféré dans un secteur d’hospitalisation vers 21h00.

L’urgentiste est rappelé plusieurs heures après par l’infirmière des étages pour ce patient, pour un surdosage en morphine.

A son arrivée dans le service, l’urgentiste constate, après examen du patient, une somnolence cotée 2+, avec un patient difficilement réveillable (échelle de sédation OMS), une douleur cotée à 4 (échelle numérique), et l’administration en 4 heures de près de 80 mg de morphine.

Cette erreur d’administration n’a pas eu de conséquence pour le patient.

Analyse des causes

L’urgentiste signale cet incident sur le logiciel de déclaration des événements indésirables institutionnels.

Le Gestionnaire de Risques procède à une analyse de la situation pour comprendre la genèse de cet événement.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Cause immédiate

Erreur de dose

  • Causes profondes

Facteurs de la grille ALARM

Eléments de contexte - Causes identifiées

Facteurs liés au patient

  • Le patient s’est toujours montré très acteur de sa prise en charge.
  • Il était très exigeant envers les équipes soignantes.

Facteurs liés aux tâches à accomplir

  • Protocole de soin connu des personnes impactées par l’événement.
  • Un nouveau matériel (pompe PCA) venait d’être mis en place depuis environ 6 mois, en parallèle avec la génération de matériel antérieure.
  • La revue de programme de la pompe PCA a permis de mettre en évidence une erreur de programmation : la dose max 4 heures n’était pas activée.
  • La fiche de protocole, après analyse avec les experts du domaine, s’est révélée incomplète et sujette à interprétation. La feuille de suivi était mal remplie.

Facteurs liés à l'individu (personnel de la structure)

  • L’IDE des urgences était nouvellement affectée dans le service, avec un diplôme récemment obtenu.
  • Elle connaissait néanmoins ce process de soins, et l’avait déjà réalisé à plusieurs reprises ; ce mode d’analgésie est utilisé de manière régulière au sein de ce secteur.

Facteurs liés à l'équipe

  • Une seule infirmière sur ce secteur des urgences au lieu de 2 (absentéisme non remplacé). Il est important de préciser que la journée était un dimanche.
  • Le transfert du patient a été effectué peu après 21 heures, en début de nuit (début du roulement de nuit = 20h00) pendant le tour de soins de prise du service. Le patient a bénéficié d’un accueil non conventionnel (installation rapide, patient qui devait être revu après le tour de soins, la soignante rassurée des consignes reçues = traitement préparé et initié, surveillance simple en attente d’un avis spécialisé le lendemain).

Facteurs liés à l'environnement de travail

  • 2 patients particulièrement lourds à gérer en même temps aux urgences : l’infirmière a travaillé jusqu’à 21h00 (au lieu de 20h00) pour absorber cette charge de travail.
  • Le flux de patients aux Urgences était plus dense qu’à l’habitude : 153 patients ce jour pour une moyenne habituelle de 120 patients.
  • La charge de travail était également très importante dans le secteur d’hospitalisation où a été admis le patient (plusieurs patients lourds et 33 patients au total pour une seule infirmière).

Facteur humain

  • L’infirmière a été interrompue dans sa tâche (préparation et programmation de la pompe à morphine).
  • Pour le nouveau matériel, formation récente, avec un retour d’expérience insuffisant pour l’ensemble des professionnels en poste : la plupart des infirmières utilisaient préférentiellement l’ancien matériel, car plus à l’aise avec les modes opératoires.

Facteurs liés à l'organisation et au management

  • Un mode dégradé était prévu, avec extension des moyens d’hospitalisation des lits de l’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée des urgences vers les secteurs d’hospitalisation dans le cas d’une saturation des moyens d’aval. Cette procédure a été appliquée dans ce contexte.
  • La PCA a été préparée pendant la période de transition jour/nuit.
  • Les transmissions : peu ou pas assez de temps de transmissions entre les urgences et le secteur d’hospitalisation, en lien avec les charges de travail du moment.

Facteurs liés au contexte institutionnel

  • L’équilibre financier de l’établissement est précaire.
  • Dans le cadre du bilan annuel des EI déclarés, cette typologie d’EI a été retrouvée 2 fois.
  • Barrière qui a détecté l’incident :
    • Constat réalisé lors du tour de soins de 1h00 du matin.
  • Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident :
    • Défaut de contrôle de l’IDE des Urgences qui a mis en route la PCA.
    • Défaut de contrôle de l’IDE du secteur d’hospitalisation à l’arrivée du patient dans le service.
    • Transmissions écourtées, donc non exhaustives lors du transfert du patient.
    • Pas d’évaluation de la formation sur les nouvelles PCA mis en place dans la structure de soins.
    • Equipe soignante des Urgences non dimensionnée pour la charge de travail : pas de remplacement d’une absence.

Pistes de réflexion ou d'amélioration

  • Réflexions et/ou améliorations sur les organisations :

Le remplacement des acteurs de santé absents reste une vraie problématique, surtout les dimanches. De plus, pour ce service (urgences), l’expérience pour ce secteur est indispensable, ce qui complique considérablement la gestion des ressources humaines. Un effort devra être fait sur un recrutement de personnel vacataire et/ou intérimaire avec le bon retour d’expérience.

Au niveau des secteurs d’hospitalisation, la composition retenue d’une équipe la nuit, pour 30 patient(e)s et plus, est de 1 infirmière et 2 aides soignantes. Suite à cet incident, et au vu de la charge de travail plus importante que d’autres services, la composition a été revue à 2 infirmières et une aide soignante. La mutualisation semble plus aisée dans cette configuration. Une analyse à 6 mois a démontré que cette adéquation était meilleure.

Une réflexion d’équipe s’est également engagée sur les incidents potentiels générés par une interruption de tâche lors la réalisation d’un soin. Une sensibilisation de tous les acteurs est réalisée : chaque fois que possible, ne pas interrompre son collègue. En cas d’interruption utiliser la « minute d’arrêt ».

Le temps des transmissions et de prise de service doit être respecté chaque fois que possible. Il s’agit souvent de respect et bon sens dans un exercice professionnel souvent difficile.

  • Réflexions et/ou améliorations sur les procédures et protocoles de soins :

Sur la réalisation et rédaction des procédures : la procédure doit être testée avant toute validation. De plus, dans la phase test qui doit toucher un échantillonnage conséquent d’acteurs, il faudra s’assurer que chaque terme ne suscite pas l’interprétation. A la lumière de cet incident, on peut réaffirmer les difficultés pour ce qui concerne la rédaction d’une procédure.

Un temps de formation lors de l’installation d’un nouveau matériel et/ou équipement est obligatoire au vu des règles s’appliquant à la matériovigilance. Après un temps d’utilisation, il est apparu nécessaire de faire une évaluation sur les points de compréhension acquis et les points qui nécessitent une clarification. Une formation par simulation de type « procédure training » pourrait être envisagée

Enfin, la décision a été prise d’accélérer le remplacement du matériel ancien par un parc de matériel homogène, pour ne pas multiplier les modes opératoires, source d’erreurs.

En conclusion

Après l’analyse de cet incident, qui est resté sans conséquence pour le patient, il apparaît que c’est l’addition d’un nombre important de dysfonctionnements qui a généré ce presqu’accident (cf. diagramme de REASON).

Le non respect de certaines règles de bonnes pratiques a une répercussion sur l’ensemble d’un système. Toute modification d’organisation doit faire l’objet d’une mesure impacts potentiels connus. Car tous les risques ne sont pas prévisibles. Il convient donc d’être rigoureux pour ne pas additionner les vulnérabilités.

L’approche systémique dans la construction d’une organisation est primordiale.

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