Erreur de prescription et de transmissions

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Madame D., 81 ans, est adressée aux Urgences par le praticien SOS Médecin de garde, pour difficultés respiratoires…

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 12/09/2018

Présentation du contexte

  • Le praticien de S.O.S. Médecin a été sollicité par le conjoint de cette patiente, car ce dernier était très inquiet par l’état de santé de son épouse. Elle est fébrile depuis 48 heures, avec une toux grasse, mais depuis quelques heures, elle est très fatiguée et a eu de grosses difficultés à se déplacer pour aller aux toilettes, même avec l’aide de son époux.
  • Le médecin examine la patiente, objective une fièvre à 39°5, une toux grasse, une dyspnée. La patiente confirme qu’elle se sent oppressée, et qu’elle a une douleur thoracique modérée, qu’elle explique par la répétition de quintes de toux. L’auscultation pulmonaire retrouve des crépitements à l’inspiration, localisés à la base Droite, confirmés par une matité à la percussion. Enfin, l’appareil de mesure de la saturation en O2 affiche une valeur à 88%. La Fréquence Cardiaque est comptée à 105 pulsations par minute, et la Tension Artérielle mesurée à 90 mm de HG de systolique et 55 mm de Hg de diastolique. Une Fréquence Respiratoire supérieure à 30 mouvements par minute est retrouvée.
  • Le médecin propose à la malade et à son mari un transfert dans le service d’Urgences du secteur, expliquant qu’il suspecte fortement une pneumopathie infectieuse au vu des éléments cliniques, et qu’il redoute une aggravation possible de l’état de santé. Une prise en charge hospitalière permettrait la réalisation d’autres examens, notamment une radiographie pulmonaire et de débuter des traitements par voie intraveineuse plus rapidement. Le couple accepte.
  • Les Pompiers sont sollicités pour réaliser le transfert, et le praticien rédige un courrier pour son confrère Urgentiste, précisant les éléments cliniques trouvés et lui demandant son concours pour confirmer le diagnostic évoqué.
  • Les Pompiers prennent en charge la patiente, et une oxygénothérapie est mise en œuvre immédiatement à 6 litres par minute au masque. La mesure de la saturation en oxygène remonte alors à 96%.
  • La patiente est donc admise aux Urgences, et une équipe pluridisciplinaire la prend en charge rapidement. Une voie veineuse est posée, un bilan sanguin prélevé (NFS, CRP, PCT, ECBC, Hémocultures, et des sérologies). Une radiographie pulmonaire Face/Profil est demandée, confirmant un foyer infectieux de la base pulmonaire Droite.
  • Le praticien prescrit une antibiothérapie probabiliste, avec 3g / 24 h d’amoxicilline clavulanique. Une dose est réalisée aux Urgences, à 17h00. L’oxygénothérapie est maintenue, avec un débit de 3 litres minutes. La position demi assise à 30° est préconisée. Les constantes paracliniques retrouvent une FC à 95 pulsations / mn, une TA à 100/60 mm de Hg, une FR à 25 cycles / mn, une SpO2 à 95%.
  • Le transfert en secteur Médecine est organisé. Mme D. est installée dans une chambre seule, et les transmissions entre équipes paramédicales sont réalisées. Il est 20h30.
  • La nuit se passe sans incident particulier. Lors de son tour de soins du matin, à 6h00, l’Infirmière retrouve Mme D. agitée, en sueur, avec des constantes qui se sont sensiblement dégradées : FC = 110 ; TA = 90/55 ; FR = 32 ; SpO2 = 91. L’Urgentiste est appelé. Son examen clinique ne retrouve pas d’élément nouveau. Il consulte la planification de soins, et s’aperçoit que la patiente n’a pas reçu de traitement antibiotique depuis son arrivée dans le service.
  • Il ne retrouve pas la prescription de son collègue.
  • Cette erreur est corrigée immédiatement.
  • Lors des transmissions entre équipe de Jour et de Nuit, cet incident est relayé.
  • L’équipe médicale du service est également alertée sur cette problématique. Le responsable du service déclare cet événement indésirable et demande, en accord avec le responsable du service des Urgences, une analyse de ce dysfonctionnement. Même si les impacts sont modérés, une autre situation de soins similaire peut être potentiellement dangereuse.

Conséquences

Cette erreur d’administration a eu comme conséquences :

  • une prise en charge thérapeutique retardée, sur un élément primordial du traitement, puisque le traitement antibiotique pressenti n’a pas été administré à l’heure attendue, ou avec un retard de plus de 5 heures,
  • le séjour du patient qui s’est prolongé d’une journée supplémentaire (selon l’évaluation de l’équipe médicale), élément à prendre en compte dans le contexte hivernal,
  • un surcoût pour l’établissement,
  • deux équipes (Urgences et Médecine) dans le questionnement, voire la culpabilisation pour cet oubli qui aurait pu avoir des retentissements importants pour le pronostic vital de la patiente (car deux autres situations similaires ont déjà été rencontrées).

Méthodologie et analyse

L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’évènement et éviter que cela ne puisse se reproduire dans l’avenir.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

 

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe :

 

Facteurs liés aux patients :

La patiente ne présente pas d’antécédent particulier. Son âge et la pathologie (dans la forme décrite) sont les deux éléments qui ont conduit les professionnels de santé à proposer une prise en charge en secteur hospitalier.

La patiente venant d’arriver à l’Hôpital, elle n’avait pas une connaissance suffisante des éléments de son traitement, pour être actrice et poser des questions concernant le déroulement des soins.

Que ce soit la patiente ou les soignants, personne ne signale le moindre problème concernant d’éventuels soucis de communication : pas de problème d’expression, pas de manifestation de stress, et en tout cas rien à signaler ayant un lien avec la survenue de l’incident.

La patiente avait compris et accepté les éléments de sa prise en charge.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

La procédure de transfert d’un malade d’un service vers un autre est connue dans l’Institution, et plus précisément du service des Urgences vers un service de Médecine, puisque ce mode d’entrée concerne près de 25% des patients dans cette structure.

La patiente est arrivée dans le service de Médecine en fin de soirée, vers 20h30, avec tous les examens complémentaires de première intention réalisés, le traitement initié. Les résultats des premiers bilans ont été reçus par les Urgences et exploités par le médecin en charge de cette patiente.

Les prescriptions médicales ont été faites sur le dossier patient (qui est informatisé). Pour ce qui concerne la prescription d’antibiotiques, c’est en sélectionnant le traitement retenu sur un menu déroulant que l’erreur est intervenue : la posologie retenue n’était pas celle envisagée par le praticien (amoxicilline clavulanique 1g, au lieu d’amoxicilline clavulanique 1g x 3 / 24h). Cette erreur de saisie a été objectivée par le médecin et l’infirmier en charge de la patiente, puisque l’IDE se souvenait parfaitement des explications données par le praticien lors des transmissions orales.

D’ailleurs, l’infirmier avait reprécisé ces éléments dans ses transmissions orales à sa collègue du service de Médecine. Cette dernière confirme ces propos, mais lorsqu’elle n’a pas vu ces éléments sur la planification de soins, elle a pensé que c’était une erreur de transmissions, pensant que le médecin ne pouvait pas se tromper.

Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :

L’infirmière en poste est une vacataire qui connaissait bien le service.

Les patients pris en charge dans ce service ont des pathologies habituelles, sans particularité de prise en charge.

Interrogée sur sa charge de travail, l’infirmière explique qu’elle était importante, mais qu’elle avait réussi à faire l’intégralité de ses tâches.

Facteurs liés à l’équipe  

Les transmissions entre l’équipe des Urgences et l’équipe de Médecine ont bien été réalisées, précisant le contenu du bilan réalisé et le traitement initié.

Le service des Urgences était très lourd en charge de soins, puisque les données d’activité donnaient un temps moyen de prise en charge de 7 heures (la moyenne du secteur est de 2h30).

Les effectifs, pour chaque secteur concerné par cette problématique, étaient conformes au schéma d’organisation validé par la Direction Générale.

L’IDE des Urgences, en charge de la patiente (traitement et transfert) n’a fait aucun contrôle concernant les éléments figurant dans le dossier. Ce contrôle de cohérence entre la situation clinique de la malade et les données du dossier aurait pu permettre un réajustement.

L’IDE du service de Médecine n’a pas demandé de confirmation concernant la prescription des soins, et notamment le traitement antibiotique, lorsqu’elle a identifié l’écart entre la planification de soins du Dossier Patient et les transmissions orales faites par son collègue des Urgences. Pourtant, l’observation médicale dans le Dossier précise bien le choix de l’antibiothérapie et son mode d’administration.

Facteurs liés à l’environnement de travail :

Les modalités de transfert des patients dans la structure sont déterminés sur une procédure essentiellement administrative : transfert du dossier lors du mouvement du malade avec le progiciel gérant les données administratives.

Ce process ne prévoit pas de contrôle ou de vérification des données médicales avant la mutation du patient.

L’analyse de cette situation n’a pas relevé de manque en ce qui concerne le système d’information en lui-même. Les process, tels qu’ils sont construits, ne sont pas à l’origine de ce dysfonctionnement.

La charge de travail, bien qu’elle soit appréciée comme très dense dans les 2 secteurs concernés par cet événement indésirable, n’est pas un facteur contributif marquant, car chaque acteur interrogé estime qu’une charge de travail moindre n’aurait pas forcément modifié leur comportement ou leur appréciation du dossier.

Enfin, le contrôle pharmaceutique du traitement prescrit n’a pu être effectif du fait de la période de travail, en dehors des heures ouvrées.

Facteurs liés à l’organisation et au management :

Les professionnels de santé concernés par cette problématique sont des personnes qui connaissaient bien les environnements de travail (le médecin et les IDE).

Il n’est pas prévu, dans les process de transfert patient entre secteurs de soins, un double contrôle des éléments transmis. Dans ce cas précis, c’est le sénior des Urgences qui a organisé la prise en charge. Le double contrôle n’est pas une pratique habituelle.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

 Cet établissement de santé est organisé pour prendre en charge ce type de pathologie.

 

  • En résumé : ce qu’il faut retenir

-          une patiente qui n’a pas reçu son traitement antibiotique, tel qu’il était envisagé dans le déroulement de sa prise en charge. Cette erreur de saisie du traitement dans le Dossier Patient n’a eu  aucune conséquence sur son état de santé et sur son pronostic vital,

-          un recours à la compétence médicale présente dans la structure qui a bien fonctionné, puisque le médecin sollicité a pu se déplacer rapidement, a rapidement identifié l’écart entre l’observation médicale et la planification de soins,

-          des transmissions orales entre professionnels qui sont effectives,

-          une absence de regard critique entre éléments transmis oralement et le constat fait à partir des données transcrites dans le Dossier Patient,

-          une absence de double contrôle des éléments transmis, et notamment pour ce qui concerne la cohérence de la planification de soins.

Les pistes de réflexion et/ ou d’amélioration

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur la procédure de transfert des malades entre secteurs de soins, et plus particulièrement entre les Urgences et les autres services pour ce qui concerne les données médicales transmises.

Les axes d’amélioration préconisés par le groupe de travail :

  • une relecture systématique du dossier du patient transféré doit être la règle,
  • un double contrôle doit être développé et devenir culturel comme pratique dans le secteur des Urgences.
  • encourager les paramédicaux à être plus critiques lorsqu’ils constatent un écart entre les informations orales données et les éléments trouvés dans le dossier,
  • encourager les acteurs de santé à réagir lorsque l’on constate un manque de cohérence dans la démarche de prise en charge.

La communication de ce cas concret où les conséquences sont minimes pour la patiente, doit permettre à chacun d’apprécier le rôle proactif qu’il peut avoir dans une démarche de gestion de risques globalisée.

Le cadre du service des Urgences est chargé d’évaluer les impacts de ces mesures, et de mettre en oeuvre une veille des EI déclarés afin de détecter le caractère reproductif de cette typologie d’incident.

Conclusion

Une fois encore, à partir de ce retour d’expérience, on constate que l’erreur peut être source d’enseignement pour tous.

La culture du double contrôle doit être plus largement développée, pour éviter un certain nombre d’erreurs.

Il ne s’agit pas, dans cette démarche, de stigmatiser telle ou telle personne, telle ou telle catégorie professionnelle, mais de mettre en avant la dynamique positive d’une démarche collective et pluridisciplinaire. En d’autres termes, montrer les bénéfices d’un travail en équipe.

Ce mode de fonctionnement, au sein de certains groupes de professionnels, a montré son efficacité. Il convient de mettre en avant l’apport positif de cette disposition.

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