Mauvaises informations données au patient et échangées entre professionnels

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Mauvaises informations données au patient et échangées entre professionnels - Retour d'expérience

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Mme P., arrive aux urgences en soirée, accompagnée par les pompiers qui l’ont prise en charge dans la rue, dans les suites d’une chute de sa hauteur. Elle se plaint de vives douleurs au poignet droit, qui induisent la pose d’une attelle pour immobiliser l’avant-bras.

  • Paramédical
Auteur : B. FRATTINI / MAJ : 13/09/2018

Le contexte

  • Mme P., 55 ans, est prise en charge par l’Infirmière d’Accueil et d’Orientation (IAO), qui relève la notion d’un cancer du sein traité (chimiothérapie). La patiente précise également qu’elle est tombée sur le trottoir en trébuchant sur une aspérité sortant du sol qu’elle n’avait pas vu.
  • L’IAO pose une voie veineuse, prélève un bilan sanguin et administre des antalgiques avant de la faire accompagner vers le service d’Imagerie Médicale, pour des radiographies du poignet douloureux.
  • Dès son retour, l’urgentiste la prend en charge et dans les suites de son examen clinique (poignet déformé) et de l’interprétation des clichés radiologiques diagnostique une fracture instable. Les clichés sont transmis par voie électronique au chirurgien orthopédiste d’astreinte qui confirme après échanges téléphoniques, la nécessité d’une ostéosynthèse par plaque vissée.
  • La patiente est hospitalisée en chirurgie orthopédique pour une intervention chirurgicale planifiée le lendemain, dans la journée …
  • Le lendemain matin, le chirurgien passe voir la patiente pour lui expliquer la nécessité de réaliser cette intervention, son déroulement et les suites attendues. Le praticien prévient le Médecin Anesthésiste Réanimateur (MAR) que la patiente sera prise en charge au Bloc Opératoire en début d’après midi, et lui demande de bien vouloir réaliser la consultation d’anesthésie.
  • Le MAR voit la malade dans le cadre de l’évaluation pré anesthésique, et note dans son dossier que la patiente a bénéficié de la pose d’une chambre implantable sous anesthésie locale pour sa chimiothérapie il y a 4 jours, et une cure de chimiothérapie 2 jours auparavant. Le médecin contacte donc l’oncologue (coordonnées transmises par la patiente) afin de l’informer de la situation et convenir avec le spécialiste que cette intervention ne risquerait pas de retarder la prise en charge médicale de la pathologie cancéreuse. Le protocole anesthésique retenu est une Anesthésie Loco-Régionale (ALR).
  • L’infirmière du service vérifie que le traitement antalgique est efficace (EN = 2) avec des antalgiques de palier II, et demande à l’aide soignante en charge de la patiente de la préparer pour le Bloc Opératoire : douche pré-opératoire notamment. La professionnelle de santé explique à Mme P. les conseils d’usage concernant la douche, lui donne le trousseau de linge nécessaire, tenue pour le Bloc comprise.
  • La patiente est transférée vers le plateau technique, à l’heure dite. Elle est prise en charge par un MAR qui l’installe en salle d’accueil du Bloc, pour réaliser l’ALR et constate alors que le pansement de la chambre implantable est mouillé en dénudant le membre supérieur Droit. Il demande à l’infirmière en charge de la zone d’accueil de refaire le pansement, et réalise l’anesthésie.
  • L’intervention se déroulera sans problème particulier, et Mme P. regagnera son domicile le soir même, accompagnée de son conjoint qui est venu la prendre en charge pour un retour au domicile. Le rendez vous de contrôle avec le chirurgien est prévu sous huitaine, et le couple part avec tous les renseignements ad’hoc en cas de survenue d’événements non attendus.
  • Mme P. se présente aux Urgences 3 jours plus tard, pour fièvre et frissons, amenée par son conjoint qui s’inquiétait de son état. L’examen clinique confirme l’hyperthermie, montre une cicatrice de chambre implantable inflammatoire et le bilan sanguin montre un syndrome infectieux (CRP élevée, hyperleucocytose, hémocultures positives). La recherche de germes mettra en évidence un Pseudomonas aeruginosa.
  • La patiente sera hospitalisée pour mettre en œuvre le traitement antibiotique. L’équipe médicale au vu des résultats biologiques prendra la décision, en accord avec l’oncologue de retirer la chambre implantable et d’en reposer une autre à distance pour reprendre le protocole de chimiothérapie au plus tôt.
  • Parallèlement à la prise en charge de Mme P., l’interrogatoire de la patiente conduira l’Equipe Opérationnelle d’Hygiène a analysé toute la chaîne des soins, et les prélèvements bactériologiques de l’eau dans la douche retrouvera le même agent pathogène.

Conséquences

Cet incident a des conséquences graves pour la patiente et même si son pronostic vital n’a pas été engagé, les répercussions sur sa prise en charge ont été très importantes :

  • une réhospitalisation nécessaire pour traiter la septicémie,
  • une première intervention pour enlever la chambre implantable,
  • une seconde intervention pour remettre un autre dispositif,
  • un traitement antibiotique lourd,
  • un retard dans la planification de sa prise en charge médicale oncologique.

Cet Evénement Indésirable Grave (EIG) a questionné l’ensemble des acteurs de santé impliqués dans la prise en charge de Mme P., et la décision de confier l’enquête sur cette situation conjointement à la Gestionnaire de Risques et à l’Infirmière Hygiéniste a permis de rendre les conclusions suivantes.

Analyse des causes

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Causes immédiates

Syndrome infectieux : nécessitant un traitement médico-chirurgical lourd et retardant une prise en charge oncologique.

  • Causes profondes

Facteurs de la

grille ALARM

Causes identifiées

Facteurs liés au patient

Patiente a pris sa douche, dans l’ignorance des risques qu’elle prenait : cicatrice mal protégée après une intervention récente, immunodépression en lien avec sa pathologie et son traitement.

Facteurs liés aux tâches à accomplir

Procédure de préparation pré-opératoire appliquée sans tenir compte du contexte particulier de la patiente.

Pas de mise en place de pansement étanche sur la cicatrice par défaut de transmissions dans l’équipe : élément ignoré et/ou non détecté par l’équipe paramédicale.

Facteurs liés à l’individu (personnel de la structure)

Recueil de données incomplet par l’équipe paramédicale à l’admission de la patiente.

Autonomie donnée à la patiente sans une évaluation exhaustive de la situation.

Facteurs liés à l’équipe

Une communication entre professionnels incomplète : pas de prescription spécifique en lien avec la problématique de la chambre implantable : ni du chirurgien, ni du MAR qui l’avait détectée, ni de l’IDE qui n’avait pas l’information (appropriation incomplète du dossier anesthésique).

Facteurs liés à l’environnement de travail

Charge de travail lourde ce jour avec 5 urgences traumatologiques et un programme conséquent.

Filtres de protection mis sur les douches non changés suivant la planification : 3 semaines de retard pour un changement mensuel habituel.

Robinetterie vétuste et entartrée.

Facteurs liés à l’organisation et au management

Charge de travail lourde, sans renfort mobilisable par l’encadrement.

Facteurs liés au contexte institutionnel

Etablissement de santé dans un contexte financier difficile, certains investissements d’entretien des équipements mobiliers n’ont pu être réalisés.

Analyse des barrières

Barrière qui a arrêté l’incident : barrière de récupération et d’atténuation

  • La seconde prise en charge aux Urgences a permis de mettre en œuvre le traitement adapté dans un premier temps, et de mobiliser les équipes médico-chirurgicales nécessaires dans un second temps.

 

Barrières qui n’ont pas fonctionné

  • Barrière de prévention : pas de vérification de la bonne compréhension des informations données à la patiente.
  • Barrière de prévention : absence de communication adaptée pour transmettre des informations primordiales entre professionnels de santé, expliquée en grande partie par la charge de travail importante.
  • Barrière de prévention : pas de pansement étanche sur la cicatrice de la patiente pour prendre la douche pré-opératoire.
  • Barrière de prévention : non respect du planning de changement des filtres antibactériens sur les points d’eau.
  • Barrière de prévention : maintenance des équipements mobiliers reportée dans un contexte financier difficile.
  • Personnel d’encadrement n’a pas adapté les effectifs à la charge de travail par défaut de ressources mobilisables.

Les pistes de réflexion et/ ou d’amélioration identifiées

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels administratifs, médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

  •  revoir les informations données au patient lors de TOUTES les phases de prise en charge : consultation d’annonce, accueil dans les services, réalisation d’une prescription, réalisation d’un traitement, et surtout les méthodes de vérifications de l’appropriation de ces infos par le patient.
  • revoir les délégations, la manière de réaliser le contrôle de ces tâches confiées.
  • revoir la priorisation et/ou la planification des maintenances mobilières et immobilières.
  • revoir les modalités de renfort en ressources humaines, par une optimisation entre secteurs de soins encore plus efficace.
  • travailler sur les modalités de communication entre professionnels de santé.
  • diffuser ce retour d’expérience à l’ensemble de la communauté hospitalière pour sensibiliser chaque acteur à cette problématique.

Conclusion

Un retour d’expérience qui a permis à l’Etablissement de Santé de se mobiliser collectivement pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Car, de nombreux acteurs sont impactés par cet EIG : les soignants, la Direction Générale, les services supports.

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