Méthode du patient-traceur

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Méthode du patient-traceur - Fiche méthode 503

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La méthode dite du patient-traceur repose sur le repérage collectif de risques dans le cadre de l'analyse de parcours d'un patient, suivi de propositions d'actions d'amélioration réalisables et constructives.

Périodiquement mise en œuvre sur différents parcours de patients au sein d'un établissement de santé, elle contribue au développement de la culture de sécurité et à la mise en place d’actions pragmatiques.

Auteur : Dr Patrice Roussel, Expert en Prévention des Risques & Dr Marie-Christine MOLL, gestionnaire de risques, Directeur Scientifique de la Prévention Médicale, Vice-Présidente de la SoFraSimS, chargée de mission HAS / MAJ : 25/09/2020

Un résumé de la méthode en 10 points

1

Une méthode d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins en équipe pluri-professionnelle et pluridisciplinaire qui permet :

  • d'analyser de manière rétrospective la qualité et la sécurité de la prise en charge d'un patient tout au long de son parcours dans l'établissement ainsi que les interfaces, la communication et la collaboration interprofessionnelle et interdisciplinaire ;
  • d'identifier et de mettre en œuvre des actions d'amélioration.

 

2

La méthode prend en compte l'expérience du patient et/ou de ses proches.

3

La mise en oeuvre de la méthode du patient-traceur s'inscrit dans la démarche qualité et gestion des risques de l'établissement. Elle nécessite une organisation au niveau de l'établissement et des secteurs d'activité, ainsi qu'un appui méthodologique de professionnels formés à la démarche.

4

Un animateur (ou un binôme d'animateur), formé à la méthode et aux méthodes d'évaluation, reconnu par ses pairs et ayant des compétences en animation de groupe, a la responsabilité de coordonner et d'animer la rencontre avec les professionnels. Il doit favoriser un climat de confiance, de façon à créer un dialogue le plus constructif possible. La méthode est conduite selon une démarche pédagogique, transparente, bienveillante et non culpabilisante, sans jugement sur le travail et recherche de responsabilité des professionnels.

5

La réunion avec l'équipe (2 h à 2 h 30 environ). Requiert la disponibilité des professionnels en charge du patient, tout au long de son parcours. Il conviendra donc d’avoir des représentants pluri professionnels des différents secteurs, notamment des médecins avec un temps dédié mais aussi des internes pour les établissements qui en accueillent. Ce temps permet l'analyse et la mise en exergue de nombreux points d'amélioration. L’organisation de cette réunion nécessitera obligatoirement une grande anticipation.

Ce temps ne comprend pas celui de la préparation et de l'organisation des rencontres.

6

Le parcours du patient, ses différentes étapes et les éléments du dossier du patient servent de fil conducteur de la méthode.

Différents profils de patients peuvent être croisés :

  • En premier lieu, le parcours doit être au minimum bi services ou secteurs, les parcours diversifiés sont à privilégier (ex AVC vu au urgences, en imagerie, puis en USINV, puis neurologie et rééducation).
  • Il faudra varier le type d’hospitalisation : conventionnelle, ambulatoire ou hospitalisation de semaines, en urgence ou programmée.
  • Il faudra aussi définir les parcours relevant des grandes thématiques de santé publique : AVC, diabète, cancer dont chimiothérapie…
  • Il faudra aussi identifier les secteurs chirurgicaux les plus fréquentés tels l’orthopédie ou la maternité.
  • Et dans les établissements de recours les pratiques innovantes : par exemple médecine nucléaire.

7

Quel que soit le type de prise en charge, la mise en oeuvre de la méthode repose sur :

  • Le choix d'un patient correspondant à un profil préalablement défini dont on souhaite analyser la prise en charge. Le patient doit être très proche de la sortie et donc en fin de parcours .
  • L'information préalable de ce patient (rassurer expliquer) et la recherche de son consentement pour analyser sa prise en charge et le rencontrer lui et/ou ses proches.
  • La rencontre du patient d'une durée d'environ 30 minutes s’effectue sur la base de son ressenti de prise en charge et non sur la teneur de sa maladie. Prévoir la préparation du questionnaire dans ce sens et, aux fins de neutralité, l’interviewer n’est pas forcément un professionnel de santé, ce peut être un enquêteur ou un ingénieur ou technicien qualité ou communication. L’interviewer sera accompagné auprès du patient par un professionnel du service.
  • L'analyse de la prise en charge avec les professionnels autour du dossier du patient intégrant les résultats de l'échange avec le patient et/ou ses proches, permet de confronter le vécu des soignants et la perception parfois très différente du patient. Toute la difficulté réside dans le fait de ne pas transformer la rencontre en interrogatoire avec réponses aux items de la HAS. La rencontre doit être fluide sous une forme conversationnelle tout en n’omettant aucun sujet et en explorant un même sujet dans les différentes étapes du parcours sans être redondant (exemple identito-vigilance à toutes les étapes).
  • Puis vient un temps d'échange avec les professionnels pour synthétiser, analyser les constats (points positifs et points à améliorer) et prioriser les actions d'amélioration à mettre en œuvre.
  • Le plan d’action est proposé et validé à chaud en fin de réunion.

8

L'analyse de la prise en charge est réalisée à partir de guides d'entretien : pour la rencontre avec le patient (et/ou les proches) d'une part, pour l'analyse de la prise en charge avec l'équipe, d'autre part. Ces guides, qui doivent être adaptés au profil du patient, permettent de comparer la pratique réelle aux pratiques de référence.

Un travail préalable du guide d’entretien permet d’éliminer les thématiques non applicables à la rencontre (par exemple question sur le bloc alors qu’on est dans une problématique de médecine gériatrique).

9

La méthode doit garantir le secret professionnel (article L.1110-4 du Code de la santé publique), la confraternité (article 56 du Code de la déontologie médicale), étendue à tous les professionnels, ainsi que la confidentialité des échanges.

Un questionnaire de satisfaction est remis aux participants qu’on aura préalablement remerciés pour leur participation et la transparence de leurs propos.

Un courrier de remerciement sera envoyé au patient.

10

La méthode est reconnue comme méthode de développement professionnel continu (DPC) (HAS, 2012), et permet de travailler en équipe pluri-professionnelle et pluridisciplinaire.

Source : d'après HAS, 2014.

Les étapes de la mise en oeuvre de la démarche au sein d'un établissement

(Structuration selon le concept d'amélioration continue de la qualité exposé en fiche méthode 300)

Planifier

Établir une stratégie

  • Définir la politique institutionnelle et décider la réalisation de patients-traceurs.
  • Définir l'organisation à mettre en œuvre, les rôles et les responsabilités.
  • Proposer des profils de patients-traceurs à analyser

Mettre en œuvre la démarche

Planifier et accompagner la mise en œuvre de la démarche (via le comité en charge de la qualité et de la sécurité des soins en lien, avec la CME)

  • Organiser la formation et l'accompagnement des professionnels.
  • Veiller à l'identification du ou des animateurs en respectant certains critères.
  • Assurer la planification des profils de patients-traceurs sélectionnés.
  • Assurer la communication pour faire connaître et valoriser les actions.
  • Assurer le suivi de la réalisation des patients-traceurs.
  • Anticiper beaucoup et planifier : par exemple l’entretien avec l’équipe peut avoir lieu alors que le patient est déjà sorti et que son entretien a été réalisé plusieurs semaines avant la tenue de la réunion.

Evaluer

Effectuer le bilan et communiquer

  • Assurer le suivi des plans d'actions.
  • Faire le bilan périodique des patients-traceurs dans l'établissement.

Réagir et améliorer

Ajuster la stratégie

  • Intégrer dans le programme d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (PAQSS) les actions d'amélioration en lien avec les problématiques récurrentes ou graves en matière de qualité et de sécurité.
  • Ajuster la stratégie de déploiement de la méthode pour la période suivante.

Source : d'après HAS, 2014.

Les étapes d'une évaluation des pratiques et organisations selon la méthode du patient-traceur

Mobiliser les acteurs et planifier

  • Identifier les animateurs.
  • Identifier la ou les personnes rencontrant le patient.
  • Obtenir l'adhésion et la participation de l'équipe de soins concernées.
  • Prévoir un temps dédié.

Mettre en œuvre la méthode

  • Préparer la réunion : reconstituer le parcours du patient à partir du profil type, adapter la grille pour la réunion avec l'équipe (grille "équipe"), organiser la réunion.
  • Effectuer le choix du patient, informer le patient et recueillir son consentement, adapter la grille pour l'entretien avec le patient ("grille patient"), organiser une rencontre éventuelle avec les proches.
  • Rencontrer le patient et/ou ses proches.
  • Analyser en équipe le dossier et la prise en charge.
  • Effectuer une synthèse.
  • Identifier les actions d'améliorations et le plan d'actions.
  • Mettre en œuvre le plan d'actions et assurer son suivi.
  • Tracer l'ensemble des actions menées et archiver.

Evaluer

  • Réaliser un bilan, puis valoriser et communiquer.

Réagir et améliorer

  • Ajuster l'organisation de la démarche sur la base du bilan et retour d'expérience associé.

Source : HAS, 2014.

Un exemple de synthèse de démarche de patient-traceur pour césarienne en urgence

1. Pourquoi cette patiente ?

  • Patiente correspondante au profil recherché
  • Patiente disponible pour être rencontrée
  • Prise en charge peu fréquente (8,5 % des accouchements)
  • Pas de programme ni de planification possibles
  • Mise en évidence plus aisée des dysfonctionnements lors d'une prise en charge en urgence

2. Son parcours

  • Salle d'accueil
  • Salle de pré-travail
  • Salle d'accouchement
  • Bloc obstétrical
  • Salle de surveillance post-interventionnelle
  • Suites de couches

4. Observations

Points forts

  • Accueil et écoute de la patiente
  • Information donnée (consentement, risques liés à l'accouchement, allaitement, médication)
  • Respect de la confidentialité
  • Délai de prise en charge
  • Traçabilité du dossier d'anesthésie
  • Traçabilité des administrations médicamenteuses sur le logiciel
  • Personne de confiance désignée la veille de son accouchement (document signé)
  • Transmission lors de la sortie : compte-rendu d'accouchement et d'hospitalisation remis à la patiente et transmis au médecin traitant
  • Questionnaire de sortie remis à la patiente
  • La procédure dite code rouge est fonctionnelle

Points à améliorer

  • Identitovigilance : pas de port de bracelet pour la patiente
  • Défaut de traçabilité de l'information donnée à la patiente
  • Défaut de traçabilité de l'évaluation de la douleur
  • Absence d'utilisation de la check-list Sécurité césarienne
  • Continuité de la prise en charge : absence d'utilisation du document dit DOC13
  • Absence de choix dans les repas

3. Professionnels rencontrés

  • Cadre de santé de Gynécologie-Obst.
  • Sage-femme en salle d'accouchement
  • Sages-femmes en maternité
  • Médecin anesthésiste
  • Pédiatre
  • Infirmières de bloc opératoire
  • Aides-soignantes
  • Auxiliaires de puériculture

5. Actions d'amélioration

Identitovigilance

  • Systématiser la mise du bracelet à l'entrée, vérifier l'identité à chaque moment de la prise en charge
  • Renforcer les formations/informations sur l'identitovigilance

Traçabilité et continuité des soins

  • Systématiser l'utilisation de la check-list césarienne
  • Améliorer l'utilisation du DOC13 conçu pour la continuité de prise en charge entre unités de soins
  • Améliorer la traçabilité de l'évaluation de la douleur

Prise en charge nutritionnelle

  • Proposer systématiquement le choix de menus aux patientes hospitalisées

Commentaires

Il est possible d’organiser des patients-traceurs sur des parcours de ville. La démarche s’adresse aux professionnels de ville ayant une volonté de travailler en équipe pluri-professionnelle pour analyser le parcours des patients.

ATTENTION

Lors de la visite de certification des variantes existent :

  • L’entretien avec le patient n’est effectué que si l’équipe d’experts comporte un médecin. Le patient est vu après l’équipe.
  • Seule la dernière équipe ayant pris en charge le patient est vue. L’objectif en visite est différent d’une méthode d’EPP/DPC, il vise juste à favoriser le recoupement des informations entre les constats des différents experts.
  • Plusieurs patients sont sélectionnés pour le même parcours, les experts en choisiront un. Il faut donc prévenir les patients qui ont donné leur accord que potentiellement ils ne seront pas rencontrés afin d’éviter toute frustration.

ATTENTION

Le patient-traceur n’est pas une méthode d’analyse statistique, il n’est qu’un révélateur. Souvent 7 à 10 patients traceurs permettent de se faire une bonne idée des pratiques collectives inadaptées et de la culture sécurité. Cette méthode n’étant pas reproductible il n’est pas forcément utile de reproduire plusieurs fois le même patient-traceur. Il ne sera pas possible d’obtenir une mesure significative d’un écart.

Des repères bibliographiques