Le New England Journal of Medicine vient de publier (fin avril 2021) une intéressante analyse des motivations et des moyens d'infléchir les - encore - très nombreux citoyens américains réfractaires à la vaccination Covid (SteelFischer 2021). Plusieurs points de cette analyse sont à l'évidence pertinents pour le cas de la France.
Le potentiel des vaccins pour interrompre la transmission de la Covid-19 dépend non seulement de l'efficacité technique de la distribution des vaccins, mais aussi de la volonté d'une grande partie du public de se faire vacciner.
Bien qu'il y ait eu une forte demande pour la quantité relativement faible de vaccins disponibles au départ, maintenir l'intérêt pour la vaccination est devenu un défi à plus long terme avec la résistance des populations restants non vaccinés.
Pour comprendre les attitudes du public à l'égard de cette vaccination anti-Covid-19 et les facteurs susceptibles d'affecter la volonté de le faire à l'avenir, les auteurs de cette étude ont analysé 39 sondages randomisés réalisés entre août 2020 et février 2021 représentatifs de la population américaine.
Ces sondages suggèrent qu'une grande partie des citoyens américains reste actuellement indécise sur l'opportunité de se faire vacciner.
Ce point est souvent négligé car les interprètes de plusieurs de ces sondages récents simplifient les résultats en agrégeant les réponses et disent qu'une majorité d’entre eux se fera finalement vacciner. Les restitutions associent les personnes qui disent qu'elles vont "certainement" se faire vacciner (40 %) avec celles qui disent qu'elles le feront "probablement" (23 %).
Les sondages utilisant un autre libellé révèlent des tendances similaires, avec des proportions importantes de répondants indiquant qu'ils sont "assez susceptibles" de se faire vacciner, par exemple.
Mais les résultats des sondages politiques suggèrent au contraire que les gens qui disent qu'ils vont "probablement" ou sont "assez susceptibles" d'entreprendre une action ne le font pas toujours, loin s’en faut. De plus, de nombreuses personnes, lorsqu'on leur offre le choix, se disent "incertaines" ou qu'ils "attendront qu'il soit disponible pendant un certain temps pour voir comment cela fonctionne pour les autres".
Les informations que les Américains recevront dans les prochains mois pourraient déterminer leur décision. De fait, cet accès à l’information de l’État et à son contenu devient un point clé. L'information devrait rendre compte de trois caractéristiques centrales de l'opinion publique telles qu’elle ressort de ces sondages.
Au bilan, et même s’il existe probablement une large fraction du public enthousiaste à recevoir les vaccins Covid-19, une éducation et une sensibilisation efficaces des nombreux réfractaires sont encore nécessaires pour maximiser la proportion de la population qui le fera rapidement.
Les médecins cliniciens, plutôt que les sociétés pharmaceutiques, les dirigeants politiques ou même les scientifiques médicaux, doivent être au premier plan des stratégies d'éducation et de sensibilisation.
La présence de cliniciens dans les messages est particulièrement importante étant donné que de nombreuses personnes ne verront pas leur propre médecin lors de la prise de décisions en matière de vaccination : la politique actuelle en matière de vaccins et la logistique de la chaîne du froid signifient que les gens fréquenteront en grande partie uniquement les "vaccinodromes".
Les cliniciens peuvent également fournir des informations sur l'atténuation des risques pour les patients souffrant d'allergies ou de maladies chroniques, un point qui freine encore beaucoup de citoyens.
Dans le même temps, les médias, y compris les médias sociaux, peuvent nuire à la perception de la sécurité des vaccins en rapportant fréquemment et excessivement sur le petit nombre de personnes qui subissent des effets secondaires graves.
Il est donc important de demander encore et encore aux journalistes de ne pas tomber dans le scoop facile et le fait divers et de bien rappeler la rareté relative de ces effets secondaires.
Enfin, pour de nombreuses personnes qui vont se faire vacciner, la motivation de "revenir à la normale" est primordiale.
Bien que l’on doive expliquer que des précautions telles que le port d'un masque seront encore nécessaires dans de nombreuses circonstances jusqu'à ce que l'adoption du vaccin soit généralisée, les dirigeants qui souhaitent motiver l'adoption du vaccin peuvent équilibrer ces avertissements avec des messages positifs sur la manière dont la vaccination peut faciliter le retour à des activités telles que voir des amis et la famille ou travailler dans un bureau.
Ces messages sont particulièrement importants en ce qui concerne les vaccins qui nécessitent deux doses, afin d'éviter une chute avant la deuxième dose.
Ces orientations générales devront être adaptées aux contextes étatiques et locaux, étant donné la variation des contours culturels, même au sein de groupes démographiques particuliers. De plus, dans la mesure du possible, les approches devraient être adaptées au groupe indécis au sein d'une population particulière.
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