La révolution "PREMS" : mesurer le vécu du patient sur ses soins

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  • Patient et soignants à l'hôpital

Les "PREMS" sont aujourd'hui en plein développement. Ces questionnaires demandés aux patients ont pour objectif d'évaluer les parcours et offreurs de soins et le paiement à la performance des professionnels. Tour d'horizon de ces nouveaux indicateurs : quel usage, quel bilan, quel avenir ?

Auteur : Pr. René AMALBERTI / MAJ : 21/11/2018

Mesurer le vécu du patient sur ses soins

L’opinion des patients compte de plus en plus dans l’évaluation des pratiques professionnelles, des essais cliniques, du service rendu et maintenant des évaluations de santé publique des systèmes de soins et les donneurs d’ordre.

La montée en charge des questionnaires disponibles est impressionnante, avec maintenant plus de 7000 articles déjà parus, un rythme de 1000 parutions par an et des applications officielles qui se multiplient dans tous les pays riches.

Petit rappel : on distingue dans les évaluations demandées aux patients les PROMS et les PREMS.

  • Les PROMS (patient reported outcomes measure -en français évaluation des résultats cliniques par le patient) évaluent les résultats des soins. Les PROMS génériques sont des questionnaires généraux qui explorent des questions importantes pour l’ensemble des patients, quel que soit leur problème de santé. Les questions portent sur l’impact sur la vie globale (quality of life, QoL), sur leur qualité de vie (Health related QoL – HRQoL) ou sur des dimensions plus spécifiques comme la capacité physique. Ces PROMS sont forcément moins sensibles à des variations modestes – mais cliniquement pertinentes- des résultats de certaines interventions médico-chirurgicales. Les PROMS spécifiques mesurent les résultats touchant à une pathologie (diabète) un groupe de pathologies (le cancer), un domaine (douleur), une population (enfants) ou une partie du corps (yeux).
  • Les PREMS s’intéressent à la manière dont le patient vit l’expérience de ses soins : satisfaction (information reçue), vécu subjectif (attention portée à la douleur) et objectif (délais d’attente), relations avec les prestataires de soins.  C’est l’objet plus particulier de cet article. Un prochain article traitera de l’évolution de l’utilisation des PROMS.

Parution d'un rapport de l'OCDE sur l'usage des PREMS

Un rapport détaillé de l’OCDE vient de paraître sur l’usage des PREMS dans 30 pays depuis 10 an.

Un peu d’histoire : on assiste depuis 2000 à une volonté de standardisation des PREMS ; Le PIcker institute (UK) et l’AHRQ (USA) ont été pionniers des initiatives. 2 organisations internationales ont aussi donné le temps de départ : le commonwealth ‘s funds dès 1998 et l’OMS dès 2000.  L’OCDE a commencé à travailler sur le sujet en 2006.

Presque toutes les nations de l’OCDE utilisent des PREMS (à l’exception de la Grèce, Hongrie, Léthonie, Slovénie et Turquie).

En comparaison, très peu de pays ont un organisme dédié ou une organisation dédiée au traitement de ces opinions des patients. Les Pays bas, le Royaume Uni, le Danemark et la Norvège font toutefois office de leaders dans le domaine d’une gouvernance claire et dédiée aux PREMS. Dans la plupart des autres pays, ce sont des institutions déjà existantes qui gèrent les PREMS (en France c’est l’HAS).

La plupart des pays utilisent les PREMS pour comparer les offreurs de soins et communiquer les résultats au public. Certains utilisent déjà PRMS pour le paiement à la performance (P4P) en matière de Qualité de soin (le Canada, la Corée, et la Norvège s’en servent pour le P4P hospitalier ; le Royaume uni et la Suède s’en servent pour le P4P en soins primaires.

Le Royaume Uni  (RU) a notamment développé en 2009 un cadre complet de P4P (Commissioning for Quality and Innovation payment framework, CQUIN) qui intègre depuis 2011 des PREMS basés sur 5 questions posées aux patients: 1) avez-vous été associé aux décisions vous concernant, 2) avez-vous trouvé des professionnels à l’hôpital à qui confier vos problèmes de soins,  3) avez-vous bénéficié de suffisamment de confidentialité, 4) est-ce qu’on vous a parlé des effets indésirables des médicaments qu’on vous a donnés, 5) avez-vous été recontacté par le staff après votre sortie de l’hôpital.

Si les méthodes de recueils sont à peu près standardisées, les aspects cognitifs de l’interprétation des résultats (le sens à donner) ne sont –hélas- pas aussi détaillés dans les pays utilisant les PREMS. Norvège et Hollande sont leaders sur le sujet.

La restitution des résultats et leur réutilisation pour un objectif précis, nécessitent encore du travail dans tous les pays. Les états sont encore prudents sur l’utilisation par exemple dans le cadre des certifications/ accréditations.

En l’état, il subsiste un risque important de voir ces indicateurs péricliter car ils coûtent de l’argent et ne sont pas (suffisamment) utilisés dans les mécanismes généraux de surveillance de la santé. Ceci réclame tout autant une bonne maîtrise technique des outils, qu’un engagement politique (voir les articles de Coulter notamment sur le RU).

Le bon usage des PREMS repose sur 7 principes (HCQI 2010 ‘Improving Value in Health Care: Measuring Quality’).

  1. La mesure doit être basée sur les mots et demandes des patients (plutôt que leurs besoins), et comporter si possible une idée des priorités relatives. Les infos demandent à être recueillies par entretiens et focus groups réalisés par des institutions crédibles
  2. Les objectifs doivent être clairs (p.ex. informer le grand public sur un aspect comme l’amélioration de la qualité des soins par les prestataires). Certaines mesures peuvent être utilisées simultanément à plusieurs fins, mais il est important que celles-ci soient définies au préalable. Si le but est de faciliter les choix, le PREMS doit être suffisamment sensible pour distinguer les choix offerts.
  3. Les PREMS doivent satisfaire à des propriétés métrologiques connues (validité, fiabilité, faisabilité), y compris aux résultats des tests cognitifs relatifs à l’interprétation des résultats. Toute modification doit être documentée et éventuellement donner lieu à des tests.
  4. Les protocoles de mesure et d’analyse doivent être standardisées. Certains pays ont même introduit des accréditations de vendeurs de PREMS qui assurent passation et interprétation ‘clés en mains’.
  5. La façon de restituer les résultats doit être choisie avec soins, notamment en exprimant bien la limite de la mesure, mais aussi ses conclusions. Il existe une littérature assez profuse sur ce sujet
  6. La comparaison internationale des résultats devrait être renforcée. L’OCDE s’y emploie
  7. Les systèmes nationaux, autorités, qui soutiennent les PREMS dans leur pays doivent être suffisamment solides et robustes pour tenir dans le temps. Il faut une structure de gouvernance claire, avec une infrastructure organisationnelle, de recherche et de développement. Celle-ci peut s’inscrire dans le cadre d’une instance nouvelle ou existante (p.ex. le Ministère de la Santé ou le Bureau Central des Statistiques) ; d’après l’OCDE, la création d’une nouvelle structure permet toutefois plus souvent d’obtenir des résultats plus robustes. La ventilation des responsabilités sur plusieurs organisations, telle qu’elle existe dans certains pays, représente au contraire un défi (voire une menace) pour le développement de stratégies solides pour la mesure et le rapportage des PREM. Malheureusement, la durabilité financière des initiatives PREMS semble souvent mise à mal par les économies qui frappent le secteur de santé.

La France, à travers l’HAS s’est résolument inscrite dans ce mouvement mondial et développe des PREMS qui sont ou seront bientôt incluses dans les évaluations aussi bien en soins primaires qu’à l’hôpital.

Pour aller plus loin :

Klazinga, N. S., & Fujisawa, R. (2017). Measuring patient experiences (PREMS): Progress made by the OECD and its member countries between 2006 and 2016. OECD Health Working Papers, (102), 0_1-59.

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1 Commentaire
  • Florence G 16/04/2024

    Bonjour,
    Je vous remercie pour l'article concernant les PROMs et PREMs. En tant que CPTS, il nous est demandé, désormais de rajouter l'évaluation de la satisfaction patient (client?!) dans les protocoles à établir ou mettre à jour.
    Les conséquences sur une éventuelle obligation de résultat en terme de satisfaction du ''ressenti client'' (un patient n'est pas un sachant, comment le considérer systématiquement comme un pair?).
    Il s'agit d'une possible dérive terrifiante d'autant qu'à la lecture de votre article, il n'y a pas (en France, du moins) de comité d'éthique ou de groupe d'experts médicaux ou du moins de réflexion collégiale pour l'établissement d'un référentiel cadré, unique et d'accord parties, n'est ce pas?
    L'emprise de la HAS sur la pratique libérale me questionne. Bureaucratie dans un contexte d'attrition des moyens de soins vaut persécution...

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