Peut-on (mieux) standardiser les briefings-débriefings à partager dans les services ?

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Peut-on (mieux) standardiser les briefings-débriefings à partager dans les services ?

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  • Une équipe de soignants en réunion à l'hôpital - La Prévention Médicale

Les briefings-débriefings sont maintenant considérés comme une bonne pratique reconnue par toutes les instances. Ces activités servent tout à la fois à la construction de l’équipe, à la sécurité du patient, et à l’efficacité globale du service. Une série d’articles et d’éditoriaux récents publiés dans le BMJ Quality and Safety (Paxino, 2023, Phillips, 2023, 2024) appelle à plus de standardisation dans les pratiques pour gagner de l’acceptabilité.

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 12/04/2024

Briefings et échanges : pour quoi faire ?

Le partage des situations courantes du service par des briefings et échanges (multilatéraux, la parole à tous) entre professionnels (médecins, infirmiers, autres métiers concernés) sur la situation de travail en cours peut porter sur : 

  • les cas problématiques,
  • l’actualité des choses à faire,
  • les nouvelles priorités qui s’imposent, 
  • les contraintes de chacun, etc. 

Une pratique qui reste difficile

La mise en œuvre concrète de ces temps d’échange est difficile, comme en témoignent les nombreuses revues de synthèse déjà publiées.

Les causes sont diverses : 

  • manque de temps
  • manque aussi de conviction de pas mal de professionnels - surtout des médecins - qui se disent gênés par ces moments imposés répétés, même brefs, et sont sceptiques sur le contenu à échanger. Certains considèrent que cette pratique est surtout demandée (à leurs yeux) par les infirmiers qui veulent partager l’information et parler de leurs besoins spécifiques, mais fait souvent perdre du temps au médecin (qui doit écouter poliment des choses qu’il sait déjà, ou des problèmes qui ne le concernent pas, en l’ empêchant de faire son travail). Dans ce type d’attitude, très souvent rapportée dans la littérature, on s’accordera facilement à reconnaître que les préjugés catégoriels et les faits culturels dépassent toute rationalité de l’analyse.

La solution : poser un cadre d’orientation

Une série d’articles et d’éditoriaux récents publiés dans le BMJ Quality and Safety (Paxino, 2023, Phillips, 2023, 2024) appelle à plus de standardisation dans les pratiques pour gagner de l’acceptabilité : 

  • non pas pour imposer une seule et même seule logique pour tous les briefings possibles, 
  • mais plutôt pour encadrer les différences justifiées par les contextes différents, les accompagner et en éviter les plus mauvais côtés. 

Ces récents articles reprennent les résultats de 46 autres études précédentes parlant du "avec qui, quand, quoi, où, et pourquoi des briefings".

Différencier les types de briefings 

Le "pourquoi" et le "quand" sont particulièrement différenciateurs des types de briefings rencontrés. 

Les auteurs en déduisent une nouvelle terminologie qui distingue :

  • les briefings suggérés/motivés contextuellement (qui se subdivisent eux -mêmes entre immédiats versus différés) ; 
  • les briefings de routine (à la fin d’une intervention ou d’une vacation, particulièrement dans le cadre des transmissions). 

Ils suggèrent de sortir de l’idée d’une façon unique de faire un briefing-débriefing. Ils voudraient proposer un cadre d’orientation à la fois mieux standardisé et mieux contextualisé aux différentes situations. 

L’idée est d’éviter par exemple :

  • les défauts de certaines pratiques à chaud, juste après un évènement, avec des personnels encore stressés ;
  • ou au contraire de pratiques si différées dans le temps qu’elles n’ont plus d’utilité de recalage de l’activité.

Des briefings proactifs 

De façon générale, les auteurs reconsidèrent aussi la notion de routine, en imaginant que les briefings-débriefings devraient être systématiques après un évènement particulier, mais avec une approche plus proactive (cherchant tout de suite les leçons à retenir) que réactive (rechercher les causes de l’évènement et chercher des "coupables" tout de suite). 

L’objectif central est de tirer les leçons sur ce qui n’a pas marché pour l’équipe, en échangeant sur ce que l’on pourrait faire autrement, ici et maintenant. 

Cette approche n’est pas contradictoire avec un second temps différé, pour revenir sur l’évènement à froid avec une analyse sur le fond. 

Cette idée de briefing proactif court prend sûrement encore plus de sens si on ne la réserve pas à aux seuls événements graves, mais qu’on instaure la pratique des briefings collectifs courts (î) pour des évènements moins graves, moins porteurs d’émotion, mais ouvrant tout autant la possibilité de tirer en groupe les leçons et améliorer les pratiques de sécurité de l’équipe.

Quels sont les obstacles à une pratique régulière ?

Plusieurs peuvent être évoqués, mais les freins culturels déjà cités les dominent tous : 

  • freins égo centrés et catégoriels quant aux bénéfices attendus d’une mesure à prendre, 
  • pouvoir de celui qui sait par rapport à ceux avec qui on doit partager, 
  • obligation d’écoute vécue comme une critique potentielle de ses actes, etc. 

On sait déjà que faire céder ces résistances sera long, avec un temps mesuré en mois plutôt qu’en jours, quelles que soient les incitations . Mais à ne pas s’y mettre et commencer, rien ne changera du tout…

Pour aller plus loin

Paxino J, Szabo RA, Marshall S, Story D, & Molloy E (2023). What and when to debrief : a scoping review examining interprofessional clinical debriefing. BMJ Quality & Safety-016730.
Phillips EC, Smith SE, Tallentire V, et al Systematic review of clinical debriefing tools : attributes and evidence for use BMJ Quality & Safety 2024 ; 33 : 187-198.
Phillips EC, Tallentire V., Routine versus prompted clinical debriefing: aligning aims, mechanisms and implementation BMJ Quality & Safety Published Online First : 02 February 2024.