Points forts et points faibles de la sécurité du patient : les meilleurs experts mondiaux donnent leur avis

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Points forts et points faibles de la sécurité du patient : les meilleurs experts mondiaux donnent leur avis

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page
  • Une femme médecin ausculte le cou d'une jeune femme - La Prévention Médicale

Où en est-on, 25 ans après la publication du rapport historique de l’Académie de médecine américaine, "To err is human", connu comme le déclencheur du mouvement mondial en faveur de la sécurité du patient ? Un article, publié dans le Journal of Patient Safety and Risk Management sous la co-signature d’une brochette d’experts de la sécurité du patient, tente de faire le point des "trous" récurrents de cette approche de sécurité (Wu et al 2003).

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 07/03/2024

Tout est loin d'être négatif

  • Les infections ont été fortement réduites en fréquence et en gravité, particulièrement celles évitables (pose de voies veineuses, ventilation assistée, sonde urinaire). L’hygiène des mains, même si elle est encore insuffisante, a progressé en parallèle.
  • La mortalité chirurgicale, cardiaque et générale, a aussi été réduite.
  • La culture de la sécurité du patient, son vocabulaire, son univers, ses principes sont devenus des connaissances largement enseignées et partagées.
  • Les dossiers électroniques de patient sont devenus le standard de la majorité des pays riches, avec une réduction de fait des erreurs de transitions et prescriptions illisibles, particulièrement pour les médicaments.
  • Les priorités ont massivement porté sur ce que l’on considérait comme des problèmes (très) fréquents et /ou ayant une grande sévérité.
  • L’OMS a été très active, en promouvant le mouvement, en organisant son enseignement et en soutenant la recherche sur de nombreux domaines de sécurité du patient (notamment médicaments, chirurgie, hygiène).
  • Le modèle de "fromage suisse" de James Reason sur la causalité des accidents est maintenant connu et utilisé par tous. L’idée de mettre des barrières pour détecter et freiner la propagation des erreurs est devenue un standard.

Mais tout est loin d'être parfait...

  • Le taux d’évènements indésirables (EIG) reste ce qu’il est, touchant près de 1 patient sur 10 entrant à l’hôpital.
  • Autant la connaissance sur le risque à l’hôpital a progressé, autant la connaissance sur beaucoup d’autres secteurs demeure aveugle (soins de longue durée, maisons de retraite, très petits hôpitaux et dispensaires, soins primaires, soins dentaires, et encore pire, les soins à domicile).
  • Le privé reste souvent plus exposé que le public, en tout cas moins soumis à des obligations légales de signalement (c’était le cas jusqu’à peu au Japon par exemple).
  • L’engagement et l’écoute des préférences des familles et des patients dans leurs soins restent souvent au stade de concept, alors que la médecine demeure très pyramidale, top down.
  • Beaucoup de communautés de patients, de par leur condition sociale (défavorisés ou au pire SDF), leur ethnicité, leurs pratiques sexuelles, leur handicap, et/ou d’autres caractéristiques politiques, restent à l’écart des progrès, sans parler des conditions de conflits ou de grande pauvreté prévalant dans certains pays. La question de la sécurité des patients quant aux patients psychiatriques est également un sujet récurrent et encore très mal traité.
  • Au total, il apparaît évident que les populations sont très inégalitaires devant le risque d’ EIG et que les progrès ont été faits (et mesurés) presque uniquement sur la frange la plus aisée des populations.

Les progrès ne sont pas aisés sur ces "trous"

  • Une plus grande participation des patients et des familles à leur soin demandera une éducation des malades et des soignants et va les exposer à plus de responsabilités. 
  • Les questions d’effectifs suffisants et de défiance envers les stigmatisations des populations défavorisés par les soignants, restent des obstacles quasi culturels dans la majorité des pays. Et ces questions s’aggravent plus qu’elles ne se réduisent dans le temps. Dans beaucoup de lieux, il y a souvent plus de laissés pour compte parmi les patients que de patients privilégiés et bien traités. C’est une action profonde sur la société qui doit être produite, et qui va demander temps et efforts d’éducation de masse, en même temps qu’une conjoncture politique favorable. On est loin d’être dans de telles conditions dans la plupart des pays. 

Pour aller plus loin

Wu A.W., Vincent C., Øvretveit J., Mair A., Buckle P., Garcia Elorrio E., ... & Koizumi S. (2023). Gaps in patient safety : areas that need our attention. Journal of Patient Safety and Risk Management, 28(6), 246-252.

Crédit photo : Science Photo Library SPL / BSIP