L’épisiotomie : des recommandations pour ne pas en abuser

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L’épisiotomie : des recommandations pour ne pas en abuser

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Les lésions périnéales responsables de douleurs, d’incontinence et de dyspareunie ont toujours été une source d’insatisfaction des usagers et une préoccupation pour les professionnels de l’accouchement, qui les ont amenés à réfléchir sur la pratique de l’épisiotomie.

  • Sage-femme
Auteur : Isabelle LE CREFF / MAJ : 29/03/2017

Cet acte, dont le but est de prévenir les ruptures périnéales sévères et de protéger les fœtus fragiles lors de l’accouchement, a fait l’objet de modifications, et d’ajustements basés à la fois sur la clinique, la littérature scientifique mais également sur les procédures institutionnelles.

Jusqu’en 1980, l’épisiotomie systématique est largement utilisée, mais l’absence de preuves de son efficacité en routine, attestée par bon nombre de publications, remet en question cette habitude. En 1995, un véritable réquisitoire contre une large utilisation de l’épisiotomie basé sur une revue de la littérature sur 15 ans, est publié.

A la lumière de ces résultats, l’organisation mondiale de la santé (OMS) émet un guide pratique, proposant un taux d’épisiotomie de 10%.
En 1995, le taux d’épisiotomie était en France de 55,56%, un accouchement sur 2 étant associé à une épisiotomie.
Entre la parution du guide de l’OMS et les années 2004/2005, on note une baisse de 17% du nombre d’épisiotomies, et on peut donc penser que la parution de ce guide a eu un impact avéré sur les pratiques obstétricales.

En 2005, dans le cadre d’une politique restrictive de l’épisiotomie, le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) émet des recommandations visant un taux inférieur à 30%.

Qu’en est-il  aujourd’hui ?

La baisse amorcée en 1995, s’est poursuivie de façon moins importante mais constante jusqu’en 2005, date de parution des recommandations pour la pratique clinique (RPC), pour se stabiliser à 30% en 2013. L’objectif du CNGOF semble bientôt atteint.
Pourtant il semble que les taux nationaux ne soient pas représentatifs d’une homogénéité territoriale, certaines maternités affichant des taux de 72% quand d’autres affichent des taux de 21%.
On constate aussi des variations de ce taux, entre les régions, chez les primipares et les multipares indépendamment des caractéristiques individuelles et obstétricales des femmes et des caractéristiques des maternités.
Des situations obstétricales telles que la présentation fœtale (siège, occipito-sacrée), l’extraction instrumentale, ou la macrosomie fœtale par exemple, font eux aussi varier le taux d’épisiotomies.
De plus, il existe une variation selon les professionnels pratiquant l’accouchement (sages-femmes, obstétriciens) avec un taux moindre pour les sages-femmes qui peut s’expliquer par le fait que, dans le cas d’extraction instrumentale, les médecins ont plus facilement recours à l’épisiotomie.
Toutes ces différences pourraient être attribuées aux politiques plus ou moins interventionnistes, aux expériences des praticiens mais également à l’adhésion de ceux-ci à une médecine fondée sur les preuves et aux recommandations pour la pratique clinique.
En effet, malgré les preuves scientifiques, la mise en place de ces recommandations, qui remet en cause des années de pratique obstétricale, est difficile pour certains praticiens qui restent convaincus que l’épisiotomie systématique réduit le risque de déchirure périnéale sévère.   
Il semble malgré tout, que les équipes soient de plus en plus réceptives à cette politique restrictive de l’épisiotomie, les audits et les retours d’expérience pouvant être utilisés comme de véritables outils d’amélioration des pratiques.

Conclusion    

Même si des questions font encore débat sur l’utilité de l’épisiotomie dans certaines situations obstétricales dystociques, les chiffres rapportés confirment la faisabilité de la mise en œuvre d’une politique restrictive sous le seuil de 30%.
Pourtant, malgré l’application d’une politique de réduction du taux d’épisiotomie par la mise en place d’un programme d’amélioration de la qualité des soins, il persiste toujours, dans les établissements de même niveau engagés dans cette démarche, des variations importantes de taux qui restent inexpliquées.
Une des pistes d’amélioration pourrait être la rétro-information personnalisée anonymisée.
En effet le simple fait de donner à chaque professionnel son taux d’épisiotomies, qu’il pourrait comparer de façon anonyme à celui de ses collègues, suffirait à réduire le taux global, comme le montre une étude danoise qui a retrouvé une diminution de 6,6% de ce taux parmi les sages-femmes, après mise en place de ce retour individuel.
D’autre part, la diffusion aux équipes du taux d’épisiotomies de leur maternité, comparé aux taux régionaux et nationaux pourrait, elle aussi, avoir un réel impact sur le taux global d’épisiotomies.

On peut en conclure que, dans le cadre de cette politique restrictive, l’évaluation des pratiques professionnelles permet non seulement de remettre en cause ces procédures routinières mais également d’amener les professionnels à adhérer aux évidences scientifiques, une attitude active et volontaire bien plus efficace.

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