Découvrez notre rubrique d'analyse du mois de la presse professionnelle sur le risque médical : risques pour les patients d'une pratique de chirurgie sur deux salles d'opération en parallèle, manque de médecins au Canada, explosion des nouveaux biomarqueurs...
Un sujet souvent abordé avec les anesthésistes, plus rare pour les chirurgiens, quoique que bien réel dans la pratique : quel est le risque pour les patients d’une pratique de chirurgie sur deux salles en parallèle ? La définition minimale du parallélisme est simple : une intervention d’une heure ou plus se termine alors que l’autre a déjà commencé dans l’autre salle avec le même chirurgien.
Etude rétrospective sur 66430 patients (18 à 90 ans) subissant des interventions variées (prothèses genou, hanche, dos, stents, craniotomies), dans 8 centres US où les chirurgiens travaillaient au bloc sur deux salles en parallèle (observations entre 2010 et 2018).
Résultats : globalement pas de différences statistiques significatives dans la mortalité globale de ces hôpitaux (1.9% avec parallélisme vs 1.6% sans parallélisme), ni dans le taux de complications post opératoire (données ajustées, 12.8% vs 11.8%, sepsis, phlébites, AVC, infarctus, etc.) mais un lien fort avec une durée augmentée de l’acte chirurgical (204 vs 173 minutes), [95% CI, 24 to 37 minutes]; P <.001).
Toutefois, on retrouve un sur-risque significatif de mortalité de ces chirurgies en parallèle pour des patients fragiles à haut risques pré opératoires (mortalité 5.8% vs 4.7% P = .03, complications: 29.2% vs 27.0%; P = .03)
Sun, E., Mello, M. M., Rishel, C. A., Vaughn, M. T., Kheterpal, S., Saager, L., ... & Jena, A. B. (2019). Association of overlapping surgery with perioperative outcomes. Jama, 321(8), 762-772.doi:10.1001/jama.2019.0711
Le manque de médecins a poussé le Canada à renforcer le nombre et l’autonomie des infirmières cliniciennes et des assistants médecins, en espérant que l’harmonie et la collaboration s’installent entre ces (nouvelles) professions et les généralistes.
Ce n’est pas encore le cas ; en Nouvelle Ecosse par exemple, les différents collèges des infirmières (DE, interventionnelles) envisagent de se fondre entre eux, mais avec un contournement de la règle qui veut que toute infirmière interventionnelle soit obligatoirement associée nominalement avec un médecin généraliste ou un groupe de médecins généralistes (avec un agrément écrit et validé) . Il s’agit selon ces collèges infirmiers de s’éviter des contraintes administratives excessives avec les dossiers d’agréments spécifiques à renouveler sans arrêt. Evidemment, la modification pourrait fortement augmenter l’autonomie des pratiques des infirmières, ce qui plait à la profession, et aux autorités, mais rend nerveux une partie des généralistes.
Aux USA le débat fait rage aussi. Les patients US sont plutôt contents d’avoir des infirmiers plus accessibles que les médecins et plus prescripteurs. Le conflit couve au Canada avec un nombre d’infirmières cliniciennes passé de 1300 à 5000 entre 2007 et 2016. Les assistants médecins (physicians assistants) sont une autre catégorie, pas encore très nombreuse au Canada, mais déjà bien présente chez les militaires, avec un background médical de 2 ans post licence qui donne des droits d’examen clinique et de prescription assez importants (proches du modèle anglais où cette catégorie de nouveaux auxiliaires de santé atteint déjà plusieurs milliers de pratiquants). Au Canada, ces assistants médecins’ tapent à la porte’ pour avoir un statut reconnu dans la santé, et des droits augmentés d’autonomie. Certains politiques y voient une opportunité de réduire le coût de la santé, et les médecins y sont finalement moins opposés qu’au début, pris dans l’excès chronique et croissant de leur propre charge de travail.
L’auteur conclut qu’il est temps d’harmoniser et coordonner toutes ces pratiques, et de bien calculer le bénéfice pour les patients.
Owens B., Roles of nurse practitioners and physician assistants in medicine still under debate
CMAJ February 19, 2019 191 (7) E203-E204; DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.109-5708
L’usage en dépistage des biomarqueurs agressifs tend à envahir toute la médecine avec l’assentiment des patients ; l’évolution porte à la fois sur la qualité et le nombre. Les critiques emploient ironiquement le mot “biomarkup.” en place de ‘biomarqueurs’ pour mieux pointer leur logique commerciale de marge bénéficiaire (markup=marge bénéficiaire). Les risques à cette profusion sont le surcoût, sur-diagnostic et les traitements inutiles voire dangereux.
Ils pointent trois mécanismes à adopter pour limiter le phénomène : (1) limiter le seuil de pertinence du marker pour une recommandation de prescription (par exemple, les nouveaux biomarkers de cholestérol ont abaissé considérablement le seuil des patients éligibles aux statines et donc ouvert un marché considérable- +12,8 millions de nouveaux patients éligibles aux USA-, mais sans nécessaire bénéfice pour beaucoup de ces patients nouvellement inclus dans la recommandation) ; (2) lutter contre la complexité croissante des tests mis sur le marché, sans interprétation à la clé, particulièrement tests génétiques (30,000 patients testés par mois aux USA !). On sait aujourd’hui que ces tests sur-utilisés dans les populations à faibles risques ont bien plus de risques d’engendrer de graves perturbations psychologiques, faux diagnostics, et traitements inutiles que de servir la santé. (3) faire plus contrôler plus les autorités la mise sur le marché de nouveaux biomarkers et son accompagnement commercial, particulièrement des biomarkers non spécifiques (par exemple Merck, pour promouvoir son traitement contre l’ostéoporose (Fosamax) a développé aux USA un grand Institut bénévole de mesure de la densitométrie osseuse, invitant les patients à des tests gratuits… pour des traitements payants par la suite). Les big data et les logiciels pharmaceutiques utilisent ces nouvelles informations pour accélérer encore plus les ciblages, mais sans informations vraiment publiques et in fine les mises sur le marché, et le système s’emballe financièrement, sans grand bénéfice de santé publique.
Mandl, K. D., & Manrai, A. K. (2019) Potential Excessive Testing at Scale: Biomarkers, Genomics, and Machine Learning, JAMA. 2019;321(8):739-740.
doi:10.1001/jama.2019.0286
L’article propose une revue de littérature sur le rôle et les outils de progrès d’un leadership clinique efficace en soins primaires, et le lien à la pratique d’une meilleure médecine intégrée
3207 articles publiés jusqu’en 2018 inclus au départ, 56 sélectionnés, 30 finalement analysés comme pertinents. Même ces 30 papiers restent de qualité médiocre. 2 études suggèrent qu’une aide et un programme dédié est efficace pour les personnes endossant un rôle de direction clinique dans les soins primaires, mais dans l’ensemble il existe un faible lien prouvé entre leadership et développement d’une médecine intégrée plus efficace dans la structure où exerce le leader. Sans surprise les qualités retrouvées pour le leader sont les qualités relationnelles et organisationnelles, les leaders médecins apparaissent plus écoutés. Mais au total, la revue donne des résultats assez décevants en ce qui concerne le bénéfice pour le patient (médecine intégrée).
M. G., & Perry, M. (2019). Clinical leadership and integrated primary care: A systematic literature review. European Journal of General Practice, 25(1), 7-18.
Les auteurs s’intéressent aux réponses organisationnelles en matière de gouvernance sur la Qualité et la Sécurité de six comités de directions d’hôpitaux en Angleterre. L’étude a été conduite sur 30 mois avec des traces de décisions, des interviews de membres de comité de direction des hôpitaux, et des observations (24hoo au total).
Deux hôpitaux ont pris des décisions cohérentes entre problèmes identifiés et solutions organisationnelles proposées. Un troisième comité de direction a agi en moindre spécificité avec les questions posées, mais tout de même avec une certaine efficacité. Les autres comités ont pris des décisions plus difficiles à justifier et peu cohérentes avec les problèmes identifiés, et a même un hôpital qui a surtout pris des décisions pour se mettre en conformité avec la tutelle, sans capacité aucune d’agir sur le problème posé. La pression temporelle, la difficulté à créer ‘un espace de réflexion et de discussion’, le manque d’initiative de parole venant au moins d’un membre du collège, le manque de ressources et parfois de données, expliquent pêle-mêle ces résultats sous optimaux.
Les auteurs proposent quelques règles de fonctionnement et de transparence dans ces boards pour mieux répondre au besoin, et préconisent aussi une plus grande vigilance des autorités sur le fonctionnement de ces gouvernances.
Jones L, Pomeroy L, Robert G, Burnett S., Anderson J., Morris S., Capelas E., Fulop N. Explaining organisational responses to a board-level quality improvement intervention: findings from an evaluation in six providers in the English National Health Service BMJ Qual Saf 2019;28:198-204.
En santé, les données sur les incidents de prise en charge (processus au sens large, équipe, temps, matériel), les évènements indésirables graves (EIG) et les plaintes des patients sont la plupart du temps utilisées dans des logiques séparées et des canaux de traitement séparés. Les auteurs essaient de réunir ces trois voies de retour d’expérience qui ont souvent des liens historiques l’un avec l’autre (incident, puis EIG et souvent plainte au final).
Données : Incidents, EIG et plaintes en chirurgie d’un CHU Néerlandais recueillies entre 2008 et 2014.
L’analyse dénombre 33 plaintes (0,1%) sur un total de 26383 admissions incluses dans l’étude. Sur ces 33 plaintes, 13 concernent des problèmes de qualité et de sécurité des soins, les autres étant plus centrés sur des problèmes humains.
Comparativement l’étude recense 730 incidents et EIG (2,8% des admissions), dont 34% en lien avec un problème de prise en charge médicale. Les auteurs notent un lien très fort entre incidents et survenue d’une déclaration d’EIG : 56.6% des incidents précédaient la survenue d’un EIG (OR 1.4; 95% CI 1.3 to 1.6); pire, un patient pour lequel on avait signalé un incident de prise en charge quel qu’il soit, avait plus de risque d’avoir un EIG, et ce même si les relations formelles entre la description de l’incident et la nature de l’EIG n’étaient pas évidents (aucun lien entre incident et EIG : OR 2.0 vs lien établi entre incident et EIG : OR 5.7).
Les auteurs plaident pour un lien à établir plus formel entre ces différents systèmes de signalement.
de Vos MS, Hamming JF, Chua-Hendriks JJC, et al Connecting perspectives on quality andsafety: patient-level linkage of incident, adverse event and complaint data BMJ Qual Saf 2019;28:180-189.
Une tribune critique offerte par le très influent New England Journal of Medicine au directeur médical de la MAYO clinic sur la montée en puissance des PREMS – Patient Experience Reported Measurement-
Cet auteur commence par rappeler que la prise en compte de l’évaluation de l’expérience des soins par les patients trouve son origine (aux USA) dans la volonté de mieux contrôler le système et ses coûts, en fournissant des éléments sur la qualité réelle du service perçue par le patient particulièrement sur l’accès, les temps d’attentes, et dans quelle mesure le patient recommanderait à un autre patient de venir à la même structure de soin.
A la Mayo clinic, ces évaluations sont obtenues par des questionnaires électroniques. Leur interprétation est bien codifiée pour les éléments comme le temps d’attente, ou l’accès, mais plus difficile quand il s’agit de jugements sur les professionnels de santé, les médecins en particulier, car ils mêlent des éléments complexes de jugement de la qualité de la relation humaine dans le colloque singulier, mais aussi les difficultés locales dans l’hôpital, (par exemple la difficulté à s’orienter), le contexte spécifique de la pathologie, l’efficacité thérapeutique, les attentes du patient, et ses déceptions.
Des scores marginaux, ou pire mauvais, peuvent heurter fortement les médecins, et les rendre incompréhensibles d’autant plus si l’évolution clinique a finalement été favorable. Il en résulte une forte opposition dans ces cas-là à ce type de mesure. Aux USA, la couleur de peau est un autre facteur très influent sur ces jugements, car les patients d’une couleur de peau donnée préfèrent en général voir des médecins de même couleur de peau. L’auteur cite des différences moyennes de résultats de l’expérience patient pouvant atteindre près de 15 points dans ces cas-là : 78,3% d’opinion positive pour la clientèle blanche voyant un médecin noir, et 93,8% pour des noirs voyant ces mêmes médecins noirs. On voit bien toutes les corrections qu’il faudrait apporter à un jugement externe sur l’expérience patient pour qu’il garde du sens, sans pour autant renoncer à utiliser ces outils.
Poole K., Patient-Experience Data and Bias — What Ratings Don’t Tell Us, New England Journal Medicine, New Eng. J. Med. Feb 2018 : 801-02
Un article signé d’un grand nom de la sécurité des patients, qui nous rappelle l’importance capitale d’un sixième droit du patient (ne pas être victime du médicament) à ajouter aux 5 droits habituellement cités en matière de bon usage du médicament : le bon patient, le bon médicament, la bonne dose, la bonne voie, au bon moment.
L’article cite le chiffre de 1,5 millions d’erreurs médicamenteuses par an pour les seuls USA, avec un coût estimé mondial (de ces erreurs) supérieur à 40 milliards.
La première raison est sans doute l’immense nombre de médicaments prescrits (projection de 4,2 milliards de prescriptions aux USA en 2019).
Les directions de progrès sont connues : prescriptions validées informatiquement de la commande à la délivrance et évolution de la culture de sécurité (y compris le signalement) et sensibilisation de tous les personnels.
Mais les progrès restent lents même si les ambitions affichées restent fortes au niveau mondial : 50% de réduction des erreurs sur 5 ans à la dernière réunion internationale des ministres de la santé avec trois priorités : (1) les médicaments à haut risque, (2) les poly médications particulièrement chez les sujets âgés, et (3) les transitions dans le parcours de soins.
Wu A. The “sixth right” of medication use: Medication without harm , Journal of Patient Safety and Risk Management 2019, Vol. 24(1) 3–4
Depuis 2004, les EIG au Danemark sont signalés dans un système national - la base de données danoise sur la sécurité des patients. En 2011, une liste nationale des médicaments à haut risque a été publiée, sur la base des incidents médicamenteux rapportés dans la base de données. Les médicaments à haut risque sont définis comme des médicaments qui ont été impliqués dans des erreurs de médication et qui ont causé des dommages sérieux aux patients dans un contexte de risque particulier et évitable. La liste a été tenue à jour régulièrement.
Sur la base de cette liste, l'autorité danoise de sécurité des patients a identifié en 2015 sept groupes de médicaments nécessitant une attention particulière du personnel soignant : les antidiabétiques, les anticoagulants, le méthotrexate à faible dose, le potassium concentré, les opioïdes, la gentamicine et la digoxine.
Pendant de nombreuses années, l’Autorité danoise a multiplié les recommandations et les brochures sur ces médicaments à haut risque, avec des rappels et des « avertissements » chaque fois que nécessaire. Mais le résultat est plutôt décevant. Cela souligne combien la diffusion des messages du gouvernement à un personnel de santé de première ligne constitue un défi. Dans ce contexte, l’Autorité danoise pour la sécurité des patients explore de nouveaux moyens de diffuser des informations.
Knudsen, P., Graversen, L., & Larsen, T. (2018). High-risk medications identified from the Danish Patient Safety Database and the challenge of dissemination. Journal of Patient Safety and Risk Management, 2516043518815020.
La loi de 2009 aux USA sur l’usage des données médicales informatiques et particulièrement des dossiers électroniques en santé (Health Information Technology for Economic and Clinical Health (HITECH) Act) a conduit à l’adoption quasi généralisée par les établissements de santé US de ces outils informatiques. Le couplage digital de transmissions automatiques de résultats avec les laboratoires, services de radiologie et autres services de test est également assez avancé. Voilà pour la théorie et le marché (juteux). Reste un usage plus difficile, et une qualité de ces systèmes encore très discutable et décevant. Le mésusage de ces nouveaux systèmes peu ergonomiques a même entraîné énormément d’erreurs médicales et d’EIG, sans parler d’une perte de temps clinique énorme dédiée à gérer, utiliser et remplir les informations, au détriment de la présence médicale auprès des patients. Paradoxalement, alors que le déploiement est un marché énorme, la qualité ‘d’utilisabilité’ des systèmes d’informations médicaux a très peu évoluée dans le temps, et reste très modeste. Les recommandations des agences ne sont souvent pas respectées par les vendeurs. Les systèmes sont rigides, peu adaptables au spectre d’usage et à la variété des hôpitaux et quand c’est le cas, les modifications sont à des coûts rebutants pour l’acheteur. Ce résultat décevant contraste avec une industrie digitale très évolutive (téléphone par exemple) et très centrée sur la facilité d’usage. Un point clé récurrent reste qu’il faudrait améliorer un vrai co-design entre vendeurs, acheteurs et usagers cliniciens.
Les auteurs décrivent 5 leviers d’action pour améliorer la situation : (1) créer un retour d’expérience national public recensant tous les problèmes de sécurité associés à ces systèmes, recensant aussi les solutions qui ont été apportées par les différents vendeurs en proie à des bugs ou problèmes de leurs systèmes (2) établir des standards de base dans la conception et l’usage de ces systèmes, pas seulement sur la couleur des écrans… mais plutôt sur l’usage ‘user-friendly’ en contexte médical, (3) établir des standards sur la sécurité dans la conception (par exemple l’introduction que les formats électroniques tronquent des informations importantes sur le patient), (4) simplifier la documentation et l’apprentissage pour des personnels déjà très occupés, (5) développer des standards et scénarios de tests qui permettent la comparaison objective des systèmes proposés.
Ratwani, R. M., Reider, J., & Singh, H. (2019). A Decade of Health Information Technology Usability Challenges and the Path Forward. JAMA. 2019;321(8):743-744. doi:10.1001/jama.2019.0161
Naviguer entre un marché attirant pour l’industrie, quelques (vrais) effets de ruptures innovantes pour les diagnostics, et un nombre considérable de nouveaux problèmes à maîtriser.
Les recherches en Intelligence Artificielle se multiplient en médecine, avec une priorité sur la capacité d’apprentissage des machines (machine learning) pour les situations complexes. Ces machines se basent sur des milliers de données acquises sur les patients puis établissent leurs corrélations et proposent des prédictions difficiles à imaginer avec la connaissance actuelle.
Certaines prédictions économiques disent que l’IA contribuera à 14% du PIB des nations en 2030, dont la moitié par des gains de productivité.
En médecine, un secteur prioritaire dans la recherche IA, on note certains progrès spectaculaires, mais le résultat global reste modeste, avec à la clé un problème de méthode d’évaluation du gain pour le patient, sans parler des questions d’éthiques et médico-légales associées à ces nouvelles technologies.
Les systèmes IA d’aide au diagnostic fonctionnent sur la base de règles (extraite du savoir des professionnels, et des résultats observés). Certains sont déjà très efficaces comme les aides au diagnostic de malignité dans l’imagerie, ou même les analyses de photos de peaux (cancers), ou les conseils optimisés sur la radiothérapie.
Mais en regardant à peine plus loin, on voit arriver la possibilité de systèmes IA qui iraient bien au-delà des recommandations cliniques, pourraient par exemple effectuer des tris de patients pour des priorités d’accès aux traitements, évidemment avec le cortège de problèmes éthiques associés. Les questions de Qualité et Sécurité de ces systèmes sont aussi matières à de nombreux débats, car on ne sait pas ce que ces systèmes apprennent vraiment, et ce qu’ils savent à l’issu de l’apprentissage, de sorte qu’on a bien du mal à les évaluer (boite noire, et évolutive dans le temps en plus). L’article pointe très pédagogiquement une série de défis sur la Qualité de ces systèmes (1) à court (faux positifs, mauvais apprentissage, réponse forcée même quand les données manquent – pas d’autocritique), (2) moyen (biais de confirmation, sur confiance et difficulté croissante à critiquer, renforcement des certitudes du passé et fixité fonctionnelle) et (3) long terme (effet local au détriment d’une vision globale, exploration et adoption de nouvelles stratégies dangereuses, effet d’échelle non maîtrisé dans le temps à passer à contrôler le système).
Challen R, Denny J, Pitt M, Gompels L., Edwards T., Tsaneva-Atanasova K. et al Artificial intelligence, bias and clinical safety BMJ Qual Saf 2019;28:231-237.
Lire l'article "Artificial intelligence, bias and clinical safety"
Les données générées par les prestataires de soins de santé ainsi que par la surveillance de l’incidence des maladies offrent des opportunités pour développer des recherches innovantes, efficaces et rentables pour éclairer les décisions cliniques en médecine, pour la planification des services de santé et en santé publique
Il reste à établir la meilleure façon de publier scientifiquement ces données. Une première initiative est venue de la déclaration STROBE (Strengthening the Reporting of Observatiional Studies in Epidemiology) qui a été largement adoptée et approuvée par la plupart des journaux scientifiques. Il a même été prouvé que la déclaration STROBE dans le processus éditorial améliore la qualité des études publiées.
La nouvelle initiative RECORD (Reporting of Studies Conducted Using Observational Routinely Collected Data) s’inscrit dans la suite. Elle a été établie sur la base d’un processus collaboratif international travaillant sur une extension de STROBE pour explorer et adresser les problèmes spécifiques à la communication des études réalisées à partir de données collectées en routine.
Conformément à l’approche STROBE, les directrices RECORD ne sont pas conçues pour recommander des méthodes de recherche, mais pour améliorer la présentation de la recherche afin d’assurer les lecteurs, les pairs évaluateurs, les rédacteurs de journaux et toutes autres personnes d’un moyen d’évaluation de la validité interne et externe des études utilisant des données de santé collectées en routine. En quelque sorte, il s’agit d’un standard de publication international.
L’article fournit des recommandations détaillées et des illustrations très pédagogiques sur le format souhaité pour écrire un article sur ces données : titre et résumé, introduction, méthodes (plan d’étude, contexte, variables, participants, sources des données, biais, variables quantitatives et statistiques), résultats (participants, données descriptives, données de résultat, résultats principaux), discussion (résultats clés, limites, interprétation et généralisation), autres informations (financement, accessibilité du protocole). Cerise sur le gâteau, il est publié en français dans le CMAJ.
Benchimol E., Smeeth L., Guttmann A., Harron K.,Moher D., Petersen I., Sørensen H., Januel, von Elm E. Langan S, pour le comité de travail RECORDLa déclaration RECORD (Reporting of Studies Conducted Using Observational Routinely Collected Health Data) : directives pour la communication des études réalisées à partir de données de santé collectées en routine
CMAJ February 25, 2019 191 (8) E216-E230; DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.181309
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