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Fréquence des erreurs médicamenteuses

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2018 - Reconciliation médicamenteuse : que faire pour mieux réussir ?

14/01/2019

Schnipper, J. L., Mixon, A., Stein, J., Wetterneck, T. B., Kaboli, P. J., Mueller, S., .& Goldstein, J. (2018). Effects of a multifaceted medication reconciliation quality improvement intervention on patient safety: final results of the MARQUIS study. BMJ Qual Saf27(12), 954-964.doi:10.1136/bmjqs-2018-008233 

Résumé

L’agence américaine de la Qualité (AHRQ) a conduit en 2009 une vaste et importante étude sur les pratiques de réconciliation médicamenteuse aux USA appelée MARQUIS (Multi-Center Medication Reconciliation Quality Improvement Study) (Grenwald, 2009).

Cette étude montrait des résultats très inquiétants. Presque 2/3 des patients avaient au moins une erreur commise sur un médicament à l’admission ou à la sortie de l’hôpital (mauvais médicament, mauvaise dose, ou absence de re-prescription). Une série de recommandations avait été logiquement produite par cette étude MARQUIS. Ces recommandations ont été évaluées entre 2013 et 2017 dans six grands hôpitaux US.

L'intervention planifiée comprenait les éléments suivants :

  • Embauche ou réaffectation de personnels pour obtenir des antécédents de médication, connaître les médicaments à l’admission et à la sortie en améliorant l’accès aux sources de médicaments avant l’admission (dossier pharmaceutique commun avec la ville),
  • Formation de ces personnels à l’obtention des informations et au conseil des patients.
  • L'étude avait beaucoup d’autres atouts : elle utilisait un protocole de mesure 6 mois avant introduction des recommandations, et 25 mois après ; elle incluait des observateurs indépendants pour la vérification des résultats, une évaluation clinique des différences retrouvées, une bonne variété d’hôpitaux (2 ruraux, 3 universitaires, 1 hôpital des Veterans), et un grand échantillon de patients sélectionnés au hasard avec des contrôles méthodologiques stricts.

Pourtant le résultat principal est décevant ; les écarts de prescription potentiellement dangereux ne diminuent pas dans le temps et la pratique de la réconciliation reste limitée.

Un long commentaire récemment publié dans le BMJ Quality and Safety, (Etchells 2018) complété par une mini revue de littérature, permette de mieux comprendre et restituer ce résultat décevant et proposer des étapes incontournables au succès.

A la lecture des résultats de l’étude de Schnipper, on pourrait penser que ces interventions multiples facettes de réconciliation sont plutôt inefficaces. C'est peu probable. Bien que les plus récentes revues de littérature et les méta-analyses demeurent mitigées dans leurs conclusions (Mc Nab 2018), plusieurs études bien conçues démontrent que les programmes de réconciliation médicamenteuses peuvent réduire avec succès les écarts potentiellement dangereux entre médicaments.

Ces études soulignent que pour optimiser l'impact sur les patients, la réconciliation doit faire partie d’un ensemble d’interventions multidisciplinaires pour la gestion des médicaments, notamment une collaboration interprofessionnelle en matière de gestion des médicaments, une participation active des patients, des pharmaciens, et l’intégration du bilan comparatif des médicaments dans les comptes rendus de sortie et les ordonnances.

Une explication plus probable des résultats décevants observés dans l’étude MARQUIS est la mise en œuvre difficile. Un site a abandonné. Un deuxième site n’a mis en œuvre aucun des progiciels MARQUIS, principalement en raison de la distraction concomitante de la mise en place d’un nouveau dossier médical électronique. Aucun des quatre sites restants n'a mis en œuvre tous les éléments de l'intervention prévue. Malgré ces difficultés, des signaux encourageants ont été émis. Sur les quatre sites ayant mis en œuvre des interventions, trois ont observé une réduction des écarts potentiellement néfastes, ce qui concorde avec de nombreuses études antérieures sur le bilan comparatif des médicaments.

Une mise en œuvre réussie comporte de nombreux ingrédients actifs, bien que la recette du succès varie.

Le modèle de diffusion des innovations de Greenhalgh (2004) suggère quatre caractéristiques essentielles à prendre en compte pour le succès de la réconciliation : avantage relatif, complexité réduite, observabilité et support technique.

L'avantage relatif fait référence à un avantage clair et non ambigu du point de vue de la personne en charge de la reconciliation (le pharmacien, le médecin, le personnel qualifié).  L’utilisateur jugera de l’efficacité en fonction de l’utilisation efficace de son temps, de la facilité perçue de la tâche ou du plaisir associé à ce travail. Le concept initial de reconcliation consistait à identifier et à résoudre les divergences inattendues entre les listes de médicaments lors de l'admission, du transfert et de la sortie et les laxatifs, sans avantage relatif perçu.

Une méthode pour améliorer l’avantage relatif consiste à résoudre un ‘vrai ’problème pour la personne en charge. C’est le cas par exemple des cliniciens en milieu hospitalier qui veulent comprendre pourquoi un patient est venu aux urgences.

Le diagnostic d'un problème lié aux médicaments repose sur des antécédents médicaux précis ; l’accès facilité à un dossier pharmaceutique partagé avec la ville est un élément clé pour passer cette barrière.

Une autre méthode pour améliorer l’avantage relatif consiste à redéfinir l’activité. « La reconciliation » évoque une tâche fastidieuse et solitaire consistant à cocher des cases à des fins de conformité aux critères d’accréditation. « Veiller à ce que nos patients prennent les meilleurs médicaments possibles aujourd’hui » est potentiellement plus séduisant, en particulier en tant qu’activité en équipe avec le pharmacien clinicien. Le bilan comparatif des médicaments ne doit pas être isolé, mais faire partie d'une approche globale de gestion des médicaments qui inclut des évaluations de la pertinence, de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments. Plutôt que de simplement réorganiser les laxatifs d’une liste, nous pouvons demander : « Ce patient a-t-il besoin de laxatifs? Si oui pourquoi? Que peut-on faire pour réduire le besoin de laxatifs? Si des laxatifs sont encore nécessaires, sont ils les meilleurs? » L’avantage relatif est renforcé par la redéfinition de l’activité, qui inclut la planification thérapeutique, la gestion responsable, la formation médicale et le travail d’équipe.

La Faible complexité : Un changement novateur ne devrait pas rendre le travail plus compliqué. Malheureusement, la réconciliation implique inévitablement un travail supplémentaire. L'intégration du rapprochement aux travaux existants, tels que la documentation clinique, la commande de médicaments, les résumés de sortie et les ordonnances de sortie, est essentielle.

L’Observabilité : L'observabilité signifie que les avantages deviennent rapidement visibles pour les personnes en charge. Les cliniciens sont plus susceptibles de déployer des efforts supplémentaires s’ils présentent un avantage observable en aval pour le patient ou le système. L'observabilité pourrait être améliorée en partageant des récits locaux de divergences non intentionnelles potentiellement dangereuses identifiées par le bilan comparatif des médicaments.

Le Support technique : La technologie n'est pas intrinsèquement innovante. Au contraire, la technologie peut soutenir ou contrecarrer la mise en œuvre d'un changement innovant. Schnipper (2018) signale deux sites présentant une augmentation des anomalies de reconciliation après la mise en place de nouveaux dossiers de santé électroniques. En revanche, Tamblyn (2018) montre qu’en entreprenant qu’une aide à la  personnalisation du logiciel pour  les conditions locales des utilisateurs en charge de réconciliation, associée à une formation en petits groupes donnée par des champions locaux de la reconciliation donne des résultats spectaculaires presque facteur 10 de réduction des erreurs et d’augmentation des pratiques), l'impact le plus marqué de l'intervention se situant dans les unités chirurgicales, avec des taux d'achèvement de 80,7% dans l'unité des interventions par rapport avec 0,7% dans les unités de contrôle.

En résumé, on retiendra que la méthode existe pour assurer une bonne réconciliation, que le consensus est fort, et le résultat efficace. Mais la mise en œuvre demande un vrai effort, et une vraie motivation au niveau de la gouvernance médicale de l’hôpital.

Sans surprise, on est encore loin de ce résultat dans beaucoup d’hôpitaux.

 

 

Mon avis

Mon avis : une analyse assez complète des modèles de réconciliation médicamenteuse et de leur efficacité.