Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : une étude qualitative des accidents du travail chez les personnels de santé, l'expérience de la Corée sur le suivi psychiatrique ambulatoire après sortie d’hospitalisation, des "bilans Covid" au Royaume Uni et aux Etats-Unis...
Le pic de Covid-19 est dépassé en Europe.
Cet article fait le point sur la mortalité au Royaume-Uni (RU) lié à cette pandémie.
L’étude se fonde sur un panel représentatif de la population du Royaume-Uni de 4 413 734 citoyens.
Toutes les causes de mortalité sont analysées et comparées à celles de 2019.
L’analyse fait aussi un zoom particulier sur les décès imputés de façon certaine à la Covid par les tests (n = 56 628 - 1,3 % du panel) par rapport aux décès simplement suspectés d’être liés à la Covid.
Le pic de mortalité est intervenu en semaine 16. Les résidents de maison de retraite ont vu leur mortalité être plus de 9 fois supérieure à la mortalité habituellement observée à cette date de l’année toutes données corrigées (RHR = 5.1, 95 % - CI = 4.87 à 5.31 - P < 0.0001). Le taux de mortalité pour les patients confirmés Covid-19 par les tests s’élève à 18,6 % (95 % CI = 17.6 à 18.7).
Les hommes, les habitants de zones très densément peuplées, les personnes de couleur, et les personnes présentant des affections de longue durée, y compris ceux avec des capacités cognitives limitées, ont vu leur mortalité significativement plus élevée que le reste de la population (OR = 1.96, 95 % CI = 1.22 à 3.18, P = 0.0056).
Au bilan, sans doute des résultats similaires aux populations à risques des pays voisins, dont la France.
Les États-Unis ont le record de décès liés à la Covid-19, en nombre absolu, et en nombre relatif par habitant.
Une question récurrente reste d’expliquer pourquoi ?
Est-ce un problème de départ, avec une explosion de cas dépassant toute capacité de prévention et prise en charge ; ou est-ce un problème de réponse inadaptée sur le long terme ?
Pour essayer d’apporter des réponses à ces questions de fond, cette étude compare les décès Covid dans 18 pays de plus de 5 millions d’habitants et dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est supérieur à 25 000 $. La comparaison porte sur 2020 vs 2015-2019.
Pour chaque pays est calculé le taux de mortalité Covid par habitant en distinguant :
On calcule la différence de mortalité entre chaque pays et les États-Unis en rapport à 2019 et avec plusieurs scénarios :
Le 19 septembre 2020, les États-Unis avaient rapporté 198 589 morts Covid (soit un taux de 60,3/100 000 habitants), comparable aux pays présentant un fort taux de mortalité.
Par exemple, l’Australie n’avait un taux que de 3,3/100 000 (taux bas), le Canada 24,6/100 000 (taux moyen), mais l’Italie (fort taux) avait un taux à 59,1 et la Belgique 86,8.
Si les États-Unis avait eu un taux comparable à l’Australie, le bilan aurait été de seulement 10 928 morts, soit 94 % de décès en moins… (comparés au 198 529 vraiment observés). Le chiffre serait de 80 967 si les États-Unis s’étaient assimilés à une nation comme le Canada (- 59 %).
En allant plus loin dans l’analyse, la comparaison avec 6 nations du même groupe que les États-Unis (nations à fort taux), montre que ces nations ont plutôt des taux de mortalité inférieurs à celui des États-Unis au début (9,1/100 000 en Italie vs 36,9 aux États-Unis). Ce simple fait, s’il avait été le même aux États-Unis, aurait épargné de 44 210 à 104 177 décès !!
Pour conclure, et faire court, les États-Unis ont cumulé - en comparant leur performance au reste du monde - une gestion précoce dramatique de l’épidémie avec une gestion tardive catastrophique. Le pire qui pouvait se faire. Les causes sont sans doute multiples, le système de santé privatisé en premier, la politique, et la décentralisation excessive des décisions à des Etats qui ont pris des risques énormes contre toute logique scientifique.
Le recomptage des instruments - instruments, écarteurs, etc.- en fin opératoire est recommandé, tout comme celui des compresses.
Une étude a été conduite dans les hôpitaux des Veterans (États-Unis) sur une comparaison des cas d’instruments oubliés dans le corps des patients après chirurgie entre blocs pratiquant le recomptage et blocs ne le pratiquant pas.
L’analyse porte sur tous les cas d’oubli d’instruments dans les chirurgies effectuées entre 2009 et 2016. Au total, 2 964 472 interventions sont incluses dans l’analyse.
Sur ce total, on compte 124 cas d’instruments oubliés (1/23 908 interventions).
Paradoxalement, les blocs chirurgicaux qui recomptent (46) ont plus de cas oubliés que les blocs (96) qui ne recomptent pas !! (1/18 221 versus 1/30 593 - P = 0,0026). Les taux d’instruments oubliés ne varient d’ailleurs pas avant/après dans les blocs qui ont décidé d’imposer le recomptage (1/17 508 versus 1/18 673 - P = 0,8015).
Les chirurgies les plus concernées sont la chirurgie générale (26), l’urologie (5), la chirurgie cardiaque (5), la neurochirurgie (3), le vasculaire (2), le thoracique (1) et la gynécologie (1).
Les localisations d’instruments oubliés sont l’abdomen en premier (26), le thorax (7), le rétro-péritonéale (4), et le paraspinal (2).
Les facteurs humains (24), le non-respect des procédures (21) et les problèmes de communication (19) représentent 65 % des 98 causes racines retenues.
Les auteurs concluent naturellement à l’absence d’efficacité du recomptage.
A un moment où tout semble vouloir changer dans les soins, en prônant des approches patient - centrés, soins intégrés, avec des modèles de prise en charge innovants tant en technique qu’en organisation - cette revue de question australienne fait le bilan de "l’expérience" des médecins engagés dans ces nouvelles pratiques.
Cette approche fait le pendant côté médecins des questionnaires qui évaluent depuis déjà plusieurs années l’expérience des patients sur leur prise en charge, essentiellement leur satisfaction (appelés en anglais PREM pour Patient Reported Experience Measurement).
La revue de littérature porte sur 69 études publiées et 15 textes de littérature grise.
Le principal résultat est l’absence de consensus de définition de ce qui caractérisait "l’expérience" du médecin et encore plus l’existence d’un outil de mesure.
On retrouve pêle-mêle que les médecins interrogés sur leur "expérience"ou leur "satisfaction" :
Avec cette longue liste à la Prévert de ce qui fait "expérience", il est assez difficile d’imaginer un outil de mesure fiable de "expérience du médecin" ; des études sont à prévoir dans ce sens sur la définition, le contenu, et la mesure.
Les personnels de santé courent un risque élevé d’accident du travail, à mettre en rapport avec environ 10 à 15 % des patients affectés par un événement indésirable (EI) pendant leur séjour à l'hôpital.
La littérature parle beaucoup du risque côté patients, moins des accidents du travail du personnel.
Cette étude qualitative utilise la technique des incidents critiques pour mieux comprendre la réaction des personnels qui se blessent. Des entretiens semi-directifs ont été menés avec 34 agents de trois régions de Suède.
Au total, 71 incidents sur le lieu de travail ont été signalés.
L'entretien et l’analyse orientent vers deux dimensions :
Les principales conclusions montrent :
- Les travailleurs blessés ont souvent risqué leur propre sécurité et leur santé pour assurer la sécurité des patients ; ce qui compte en priorité dans ce cas est à la fois de protéger le patient et l’agent, et parfois de protéger collectivement l’agent contre un comportement de patient confus, agressif.
- La confiance dans l’équipe, et la réaction immédiate du management est essentielle dans les suites. Il faut certes soigner l’agent, et aussi poursuivre les soins. Il est important dans ces moments d’avoir un cadre ou un personnel expérimenté qui reprenne la direction des soins et de l’équipe dans les suites immédiates.
- Il faut signaler, mais le signalement doit d’abord être un partage d’équipe avant d’être un signalement par la voie des systèmes de déclaration. Ces signalements doivent bien refléter les conditions qui ont conduit à l’accident, en dépassant la description du geste immédiat qui a conduit à l’accident, et en incluant la charge de travail, le stress, et d’autres facteurs contextuels.
- Les émotions négatives de la victime ne doivent pas être gommées, surtout celles qui seraient liées à des peurs de revenir au travail, regrets, honte, peur de ne plus être en sécurité, qui peuvent facilement se transformer en tristesse et en phénomènes psychologiques durables. C’est particulièrement à risque lorsque le lieu de travail n'a pas pris les mesures attendues pour empêcher la répétition de l’incident ; la victime, et souvent l’équipe complète, ressentent alors colère et résignation, souvent transformées en détresse à long terme.
L'interaction en équipe peut faciliter des pratiques sûres et dynamiques et aider les agents de santé à surmonter les émotions négatives.
Le soutien organisationnel est impératif pour rendre la victime capable de faire une clôture psychologique réelle des suites de l’incident/accident.
On dit souvent que la mauvaise organisation des gardes en soins primaires et le manque de généralistes se répercutent sur les urgences et expliquent en grande partie la saturation de ces services d’accueil.
Cette étude rétrospective anglaise essaie de mesurer cet effet.
Elle porte sur toutes les admissions aux urgences, en Angleterre de 2015 à 2016, en utilisant trois définitions de ce que serait une venue évitable aux urgences :
Côté généraliste, le système anglais permet de compter toutes les consultations de ces patients, ainsi que les consultations totales réalisées.
On mesure aussi l’opinion des patients de médecine générale recueillie annuellement (leur expérience du système de soins primaires) ; on compte ainsi :
En bref, beaucoup d’indicateurs de la qualité perçue des soins primaires.
Les données ont aussi été ajustées :
Globalement, les volumes de patients aux urgences sont corrélés négativement à 3 des 7 mesures principales de qualité des soins primaires : le jugement de mauvaise qualité du service médical rendu en soins primaires, la difficulté à obtenir un rendez-vous avec le généraliste, et la difficulté à obtenir un contact téléphonique (avec le généraliste).
Au total, ce sont 341 000 passages aux urgences (2,4 %) du total des passages de 2015-2016 qui ont été associés de façon certaine à une mauvaise qualité des soins primaires. `
Les auteurs notent cependant que ces chiffres ne sont pas extrêmes et n’expliquent donc qu’une partie de la saturation des urgences.
L’étude utilise les bases de données nationales d’assurances américaines, pour caractériser les médecins qui se singularisent par une fréquence et un coût particulièrement élevé des sinistres (pourcentage, facteurs associés, suites juridiques et locales, pénalités de l’ordre, ou de leurs hôpitaux).
Environ 1,8 % des médecins américains sont responsables de la moitié des 83 368 588 200 $ payés aux victimes depuis 25 ans.
Dans ce groupe, 12,6 % ont reçu une suspension par l’ordre des médecins américains, et 6,3 % des sanctions dans leurs activités hospitalières (licenciements, restrictions d’activités, mutations, etc.).
Les médecins qui ont eu un sinistre grave et très coûteux ont 74,5 % de chance d’avoir un risque d’autre sinistre grave dans les suites, ce qui représente un taux plus que double de la moyenne des autres médecins (chi-2, P < 0.000).
Ce risque d’avoir de nouveaux sinistres après un premier sinistre grave et responsable est aussi de plus en plus grand à chaque nouveau sinistre.
Il existe une littérature croissante sur les prescriptions inutiles d’examens médicaux.
Cette étude propose une revue de questions de 1990-2019 sur le sujet pour la médecine générale des Pays-Bas.
Au bilan, 16 articles retenus, 11 rapportent une réduction significative dans le temps des prescriptions de tests inutiles (définis comme "à valeur ajoutée faible ou nulle pour le cas clinique").
Les interventions pour réduire ces prescriptions montrent en moyenne une réduction de 17 % (12-24 %) des prescriptions inutiles.
Les stratégies préconisées les plus efficaces sont celles basées sur des analyses et retours critiques sur les pratiques individuelles (22 %), et celles qui concernent des cibles de pathologies/patients particuliers (51 % pour des cibles particulières vs 17 % pour le cas général).
Presqu'aucune de ces études ne parle du maintien/durée dans le temps de ces réductions une fois obtenues au départ, du coût/efficacité associé, et du point de vue du patient sur ce type de résultat et de réduction de prescription.
Une étude rétrospective sur le compte des événements indésirables évitables (EIA) survenus à 13 généralistes anglais (sur la base de leurs notes personnelles), appartenant à 12 groupements de généralistes de trois régions différentes en charge de 92 255 patients (l’Angleterre utilise un système par capitation qui impose un nombre de patients à chaque praticien).
Ces 13 généralistes totalisent 14 400 patients enregistrés dans leur patientèle.
Le taux d’EIA est estimé à 35,6/100000 patients an. Au total ce sont 74 EIA qui ont été rapportés, concernant 72 patients.
Trois types de causes représentent 90 % des cas examinés :
Dans 59 cas, le problème aurait pu être vu avant, ou carrément évité si le médecin avait pris des décisions en ligne avec les recommandations de bonne pratique.
Une étude nationale Sud-Coréenne fait le lien entre qualité du suivi psychiatrique ambulatoire pendant l’année suivant la sortie hospitalière, et risques de suicide et de mortalité.
L’étude porte sur 18 702 patients inclus, suivis à la sortie de leur hospitalisation pendant 1 an.
Dans cette période d’un an, 8 022 ont été ré-hospitalisés (42,9 %), 355 sont décédés (1 %) et 108 (0,6 %) morts par suicide.
On retrouve un lien très significatif avec un sur-risque suicidaire et de mortalité quand on compare les patients qui ont eu moins de suivi, avec des trous temporels, interruptions, et/ou une qualité moindre des soins aux patients ayant eu le meilleur suivi continu en ambulatoire.
Les États-Unis proposent la médecine la plus chère du monde.
Mais on a aussi l’impression que la (meilleure) stratégie de contrôle des prix par les gouvernements des autres pays riches joue beaucoup sur la réduction des remboursements aux patients, et pas seulement sur l’économie réelle des services.
Pour vérifier cette idée, les auteurs comparent les stratégies de contrôle des prix de la France, de l’Allemagne et du Japon ; trois pays où le remboursement des actes médicaux est une norme.
L’analyse se centre particulièrement sur le contenu des négociations entre payeurs (Etat) et offreurs de soins (médecins, et industriels de santé).
La fréquence de ces (re)négociations et leur périmètre d’inclusion varient certes beaucoup dans les trois pays, mais tout les trois essaient de maintenir un équilibre entre le coût pour l’Etat et donc les assurés, et celui des intérêts particuliers des associations de médecins.
Cette négociation permanente reste un modèle à regarder de près aux États-Unis où elle est quasi absente (les lobbys médicaux et industriels étant beaucoup plus puissants que l’Etat pour préserver leurs intérêts).
Les auteurs pensent que ce type de négociation dépasserait sans doute en efficacité les grandes réformes souvent débattues aux États-Unis sur la question des inégalités en santé.
Cet article s’inscrit dans un mouvement qui s’intensifie dans le monde sur les inégalités hommes-femmes, et qui a fait récemment l’objet d’un développement sur le site de la Prévention médicale.
On notera cette fois, qu’il s’agit d’un article du New England journal of Medicine qui vient compléter et confirmer pleinement l’analyse déjà publiée.
L’étude porte sur la comparaison des promotions hospitalières des médecins hommes et femmes sorties d’école entre 1979 et 1997, et suivis professionnellement jusqu’en 2018, toutes données corrigées sur leurs âges, spécialités, etc.
Au total, le panel considéré porte sur 559 098 médecins.
Les médecins femmes sont bien moins promues au rang d’assistant professeur que leurs collègues masculins (hazard ratio, 0.76 ; 95 % 0.74-0.78) ; cette différence persiste au rang de professeur (hazard ratio, 0.77 ; 95 % 0.74-0.81) et à celui de chef de département médical (hazard ratio, 0.46 ; 95 %, 0.39-0.54).
Pire, on ne note aucune amélioration dans le temps de cette différence homme/femme, et même une tendance à l’augmentation des différences pour les nominations au rang de professeur.
Une étude réalisée dans 34 facultés dentaires du Mexique et de pays hispanisants sur les erreurs médicales et événements indésirables (EI) évitables commis par les étudiants en chirurgie dentaire.
Au total, un panel de 207 étudiants inclus dans l’étude.
80 % de ces étudiants étaient en fin de formation et ont été très récemment diplômés.
Pendant leurs études :
Il n’a pas d’effet genre dans les résultats, ni de poids particulier associé aux facultés.