Revue de presse - Janvier 2022

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Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical, réalisée par le Professeur Amalberti.

A la une ce mois-ci : les points clés d'une médecine centrée sur le patient, la certification des hôpitaux, les erreurs de diagnostics dans les cabinets médicaux anglais, étude américaine sur le lien entre temps partiel des médecins hospitaliers et mortalité de leurs patients, le coût des assurances de santé aux États-Unis, étude anglaise sur les indicateurs de la qualité des soins, l'effet du week-end sur la mortalité aux urgences en Espagne...

Auteur : Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 17/12/2021

Médecine centrée sur le patient, pourquoi ça patine ?

L’idée d’une médecine centrée sur le patient n’est pas nouvelle, mais n’a pas fait pour autant beaucoup de progrès sur le terrain. Cet article refait un point sur le pourquoi de ce résultat décevant.

Rappel des 5 points clés de la médecine centrée sur le patient :

  1. Il s’agit d’améliorer la santé du patient en le faisant participer, et en prenant en compte sa propre optimisation entre soins et enjeux de sa sphère privée, professionnelle et familiale.
  2. Le parcours du patient est l’ensemble des soins, dans le temps, et avec les différents professionnels qui contribuent à cette optimisation.
  3. Le parcours du patient comprend trois acteurs clés : le patient, le(s) professionnels de santé, et le payeur (des soins).
  4. Le payeur est un troisième acteur omniprésent, qui organise et balise le parcours de soins dans ce qu’il a de légal et national. On ne peut pas l’ignorer, ni comme patient, ni comme professionnel.
  5. La qualité du parcours de soins réclame plusieurs résultats :
  • établir les buts concrets de ce parcours en concertation étroite avec le patient, traduits à l’issue par une prise en charge réaliste, faisable et acceptable pour toutes les parties, éthique, et validée économiquement ;
  • coproduire (patients, professionnels) les plans de soins et l’alignement avec ce qui importe pour le patient, avec les éléments de surveillance de l’atteinte des objectifs visés dans l’approche personnalisée ;
  • chaque plan est personnel, et diffère d’un patient à l’autre ;
  • être proactif, Impliquer le patient dans le soin, l’auto-gestion du plan décidé ensemble, anticiper les crises et périodes difficiles ;
  • rester loyal au plan décidé ;
  • apprendre en faisant, ajuster autant que nécessaire en partenariat.

Pourquoi est-ce si difficile ?

Sans parler du temps qui manque souvent à la concertation dans la logique de pression de la médecine générale, on reste encore trop souvent dans une approche paternaliste de la médecine où on ne comprend pas les arbitrages du patient pour un schéma de soins différents de celui que l’on pense idéal, mais qui pour lui fait sens car il a aussi d’autres priorités (professionnelles et/ou familiales…). En quelque sorte, on veut le meilleur pour le patient mais c’est un meilleur théorique, dépersonnalisé, décrété de l’extérieur, sans l’écouter.

On n’écoute pas non plus assez l’insatisfaction du patient dans sa prise en charge, y compris dans le registre du coût social du traitement (qui est en concurrence avec d’autres priorités personnelles), et on ne mets en place ni écoute, ni indicateur à cet effet dans le plan de soin proposé au patient.

Bref, on doit changer de façon de travailler, et ce n’est pas simple, ni même vraiment enseigné.

Gro Rosvold Berntsen, Sara Yaron, Morgan Chetty, Carolyn Canfield, Louis Ako-Egbe, Phuk Phan, Caitriona Curran, Isabela Castro, Person-centered care (PCC): the people’s perspective, International Journal for Quality in Health Care, Volume 33, Issue Supplement_2, November 2021, Pages ii23–ii26

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La certification des hôpitaux en question : la vision de l’ISQUA sur plusieurs défis à relever

Un éditorial au nom de l’ISQUA (la Société Internationale de la Qualité en santé) sur son domaine de prédilection : la certification des hôpitaux.

L’éditorial répond à un article de Grenfield publié dans le journal de l’ISQUA (Greenfield et al.  An appraisal of healthcare accreditation agencies and programs : similarities, differences, challenges and opportunities, Int J Qual Health Care, 2021, 33 :1-7) qui souligne  :

  • le côté positif de l'activité économique induite par la certification dans de nombreux pays (nda : ou la certification est volontaire et repose sur des organismes privé-ce qui n’est pas le cas de la France) ;
  • tout en soulignant les enjeux qui divisent encore les acteurs sur le meilleur modèle à proposer, et ces résultats qui interrogent régulièrement sur l’efficacité réelle du processus. Mais cet article de Grenfield est finalement très optimiste et dit qu’il n’y a pas de doute, compte tenu de tout ce qui a été publié, que la certification est utile, et que le problème est finalement surtout de convaincre les acteurs médicaux de s’y soumettre et de s’y conformer.

L’ISQUA soutient cette vision, défend l’idée d’un système de soins avec qualité d’abord basée sur une couverture totale de santé, et d’une standardisation des méthodes.

Mais quand elle parle standard, l’ISQUA pousse vers un modèle commun, des demandes et des modalités, qui soient d’abord pensées pour faire sens et être compatibles avec les pays émergents et les plus pauvres, y compris pour le modèle économique de l’offre les certificateurs . 

L’éditorial poursuit en soulignant combien certaines idées - pourtant au centre des certifications des pays occidentaux riches - n’ont pas de futur ni de sens dans les pays pauvres ou relevant d’autres cultures, par exemple le fait de considérer comme un point incontournable qu’il faut signaler à voix forte tout manquement à la qualité quelle que soit sa position dans le système (speak-up initiative). Il vaudrait bien mieux essayer une traduction culturelle, acceptable localement, et même avec cette précaution, on doit accepter que beaucoup de bonnes idées des uns (avec leurs cultures) ne sont pas des bonnes idées des autres (avec leurs cultures). 

L’approche questionne aussi le tourisme médical où des patients de pays riches vont se faire soigner dans des pays plus pauvres et de culture différente, et les bulles que cela peut créer dans les systèmes nationaux de santé de ces pays, avec des certifications à plusieurs vitesses, et des flux d’argent et économique souvent disproportionné sur la certification de ces bulles.

En bref, la certification ne peut pas être un concept "suspendu en l’air", désincarné de la culture, et de la richesse du pays. Pour autant, ce n’est une panacée pour installer de la qualité à pas cher, ou d’évaluer les soins avec cette vision low-cost. 

Il faut sûrement accepter des vitesses différentes entre pays mais il faut aussi que la direction générale soit la même et que tous s’inscrivent dans le même momentum d’amélioration. Pour le dire autrement, le modèle commun dont on parlait précédemment est une trajectoire d’amélioration commune, sur laquelle chacun peut être à un stade différent.

Reste d’autres évolutions de la certification pour certaines déjà là  :

  • notamment la révolution digitale qui permet sans doute de passer à un modèle de surveillance de paramètre plus constant que la simple visite tous les 4 ans, mais qui aussi impacter le modèle économique de ces certifications ; 
  • et pour d’autres toujours en devenir et souhaitables mais difficiles notamment pour une participation accrue des patients et des tiers non médicaux de la société dans la certification.
Hinchcliff, R. (2021). Advancing the Accreditation Economy: A Critical Reflection. International Journal for Quality in Health Care. Volume 33, Issue 4, December 2021

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Nature et fréquence des erreurs de diagnostic dans les cabinets de médecine générale anglaise

Analyse rétrospective de 2 057 consultations de médecine générale effectuées dans 21 cabinets de groupe anglais (2013) avec un zoom sur 100 consultations tirées au hasard sur ce nombre total.

89 erreurs de diagnostic (4,3 %) sont retrouvées dans ce panel de 2 057 consultations.

64 (68 %) révèlent une double origine parmi une anamnèse insuffisante, un examen physique absent ou excessivement simplifié, ou la non prescription d’examens complémentaires ad hoc., 35 % sont en lien avec une non considération pour le retour d’examens prescrits, et/ou 48 % en lien avec le non-mauvais suivi du patient. 

37 % de toutes ces erreurs ont eu des conséquences modérées ou sévères.

Cheraghi-Sohi S, Holland F, Singh H, et al, Incidence, origins and avoidable harm of missed opportunities in diagnosis: longitudinal patient record review in 21 English general practices, BMJ Quality & Safety 2021;30:977-985

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Quel effet entre temps partiel accordé à des médecins hospitaliers et la (sur)mortalité de leurs patients ?

Étude aux États-Unis sur le lien entre temps partiel médical hospitalier et la mortalité à 30 jours des patients dont ils ont la charge sur les années 2011-2016 avec un zoom particulier sur les patients de plus de 65 ans. Les données proviennent de la base Medicare.

Au total, 392 797 patients inclus, traités par 19 170 spécialistes (dont 39 % de femmes, moyenne d’âge 41,1 ans. Les données ajustées montrent un taux moyen de mortalité à 30 jours de 10,5 % de la cohorte. Les patients pris en charge par des spécialistes travaillant à temps complet ont un taux de mortalité moins élevé (9,5 %, P = .002)).

Les réadmissions à 30 jours sont également plus fréquentes chez ces médecins à temps partiel.

Les auteurs plaident pour des aides spécifiques à ces situations de temps partiel pour accompagner la pratique de ces médecins.

Kato, H., Jena, A. B., Figueroa, J. F., & Tsugawa, Y. (2021). Association Between Physician Part-time Clinical Work and Patient Outcomes. JAMA internal medicine, 181(11), 1461-1469.

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Le coût des assurances de santé s’échappe aux États-Unis

Le coût des assurances de couverture de la santé aux États-Unis a fait un bon considérable depuis 2015.

Cette étude a calculé l’augmentation des cotisations d’assurance santé pour la frange de la population touchant entre 4 et 6 fois le salaire minimum (classe moyenne). En 2015, le coût moyen des assurances représentait 7,7 % de leurs entrées pour ce que les américains appellent un plan minimum de santé, c’est à dire une couverture minimale limitée en quantité et géographiquement (niveau "bronze").

En 2019, le même plan minimal coûte en moyenne 11,3 % des entrées salariales. Pour la catégorie des 55-64 ans, le coût monte même à 18,9 %.

Malgré les décisions politiques de Biden pour atténuer cette montée vertigineuse (American Rescue Plan), les spécialistes s’attendent au mieux à une stabilisation, et plus probablement encore une augmentation pour 2022. 

Jacobs, P. D., & Hill, S. C. (2021). ACA Marketplaces Became Less Affordable Over Time For Many Middle-Class Families, Especially The Near-Elderly: Study examines ACA marketplaces affordability. Health Affairs, 40(11), 1713-1721.

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Les indicateurs de la Qualité des soins : ambition justifiée, réalisation laissant à désirer

Cette étude combine revue de littérature et entretiens avec des experts sur l’utilisation concrète des indicateurs de la Qualité des soins dans les instances et sur le terrain.

Ces indicateurs ont d’abord été différenciés selon leur cible, micro, méso ou macro. Chaque indicateur est par la suite analysé sous trois angles : sa qualité méthodologique, son utilisation contextuelle (quand mesure-t-on, où…), et l’utilisation de ses résultats. 

Dans beaucoup de cas, l’étude révèle qu’un ou plusieurs des éléments précités ne sont pas correctement considérés et finissent par nuire au but recherché : standardisation et critères d’interprétation insuffisants, incomplet alignement avec l’objectif recherché et le modèle de soins préconisé, demande excessive de recueil sur des forces de travail déjà en difficulté, analyses sans nuances, absence de restitution des résultats aux professionnels, etc.

Les auteurs concluent que les indicateurs sur la Qualité sont sûrement désirables, mais qu’on ne met que rarement l’énergie, les ressources et l’organisation ad hoc pour bénéficier de leur utilisation.

Barbazza E, Klazinga NS, Kringos DS, Exploring the actionability of healthcare performance indicators for quality of care: a qualitative analysis of the literature, expert opinion and user experience, BMJ Quality & Safety 2021;30:1010-1020.

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Effet week-end sur la mortalité aux Urgences en Espagne

Une énième étude sur l’effet week-end (WE) sur la mortalité aux Urgences, cette fois conduite en Espagne (Catalogne).

Analyse des données de 2018 limitée à un groupe de pathologies critiques - comme il est souvent d’usage dans ces études sur l’effet WE -. Comparaison d’une cohorte de patients admis en semaine, versus admis en WE avec mortalité observée à 3, 7, 15 et 30 jours après admission. 

Au total, 72 427 admissions incluses dans l’étude.

On ne retrouve pas de différence entre les deux cohortes sur la mortalité à 15 et 30 jours. Par contre, il existe une différence significative sur la mortalité à 7 jours (p=0,025) et à 3 jours (P=0,002).

Les auteurs concluent à un effet WE mais seulement pour les pathologies au pronostic immédiat le plus sévère, sans doute en lien avec des dysfonctionnements de la qualité des soins en lien avec la moindre disponibilité des ressources humaines et techniques en WE, et des temps d’attente allongés.

Amigo F, Dalmau-Bueno A, García-Altés A, Do hospitals have a higher mortality rate on weekend admissions? An observational study to analyse weekend effect on urgent admissions to hospitals in Catalonia, BMJ Open 2021;11:e047836. doi: 10.1136/bmjopen-2020-047836.

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Quel suivi des recommandations selon qu’elles sont issues d’un simple consensus ou issues d’une preuve et évidence scientifique, même encore discutée

Le niveau de preuve des recommandations du Collège Américain de Cardiologie (ACC/AHA) et de la Société de Cancérologie (ASCO) varient, comme partout dans le monde, du simple consensus entre professionnels à des niveaux de preuve élevés appuyés sur des essais randomisés.

L’étude essaie de caractériser le suivi de ces recommandations par les professionnels entre le plus bas niveau (consensus) et le niveau immédiatement accolé constitué d’expérimentations et d’évidences scientifiques mais avec des contradictions qui subsistent.

Au total, 1 434 recommandations de cardiologie et 1 094 en oncologie sont incluses dans l’étude. 

Les 505 recommandations de cardiologie de bas niveau de preuve, se répartissent en 200 de simple consensus et 305 avec un niveau d’évidence modéré expérimental et/ou avec des contradictions entre études qui subsistent. 

Les 404 recommandations d’oncologie de bas niveau de preuve se répartissent en 72 % de simple consensus, et 38 % de niveau modéré d’évidence expérimentale.

Dans les deux cas, les consensus donnent lieu à (beaucoup) plus de variation dans la pratique et de risque de violations majeures que les bas niveaux de preuve expérimentale (OR 2,1, 95 %).

Les auteurs concluent sur la grande prudence à multiplier des recommandations basées sur des consensus dans les sociétés savantes.

Yao, L., Ahmed, M. M., Guyatt, G. H., Yan, P., Hui, X., Wang, Q., ... & Djulbegovic, B. (2021). Discordant and inappropriate discordant recommendations in consensus and evidence based guidelines: empirical analysis. BMJ 2021;375:e066045.

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Plus de la moitié des généralistes anglais veulent quitter leur profession

Plus de la moitié des 5 144 cabinets de généralistes anglais veulent quitter leur profession en réponse à une initiative récente du gouvernement anglais appelée "rescue package" qui propose aux patients un accès plus direct et plus rapide aux cabinets de médecine générale en exigeant plus de la disponibilité des médecins contre un budget de la santé augmenté (£250m).

Les médecins déjà surchargés s’insurgent contre cette mesure qui ne résout pas le problème central du manque de professionnels, et crée au contraire des conditions pour avoir encore plus de difficulté d’accès en face-à-face et construit une médecine encore plus à distance (téléconsultation) et encore plus appauvrie par les nouveaux départs qui ne manqueront pas de se produire.

Lacobucci G. Over half of general practices in England would quit primary care networks, indicative ballot shows BMJ 2021; 375 (Published 26 November 2021).

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Quelle réelle participation aux soins chroniques apportée par les généralistes, l’expérience du Danemark ?

Les soins chroniques et les services qu’ils exigent aux patients, particulièrement à domicile et pour les personnes âgées, sont un souci pour tous les pays. 

Le Danemark a lancé une étude nationale pour évaluer l’engagement de ses médecins généralistes dans ces services ; la mesure porte sur la fréquence des visites à domicile, le fonctionnement et le remplissage des registres médicaux, les bilans annuels, et tout ce qui appartient à l’accompagnement, notamment le temps passé à l’écoute du patient, le tout mis en corrélation avec les données du patient (CSP, âge, pathologies).

Les résultats portent sur 1 885 généralistes ayant en patientèle 4,23 millions de patients. Ils montrent des variations de pratiques considérables selon les généralistes.

Ce sont les patients âgés, multi morbides, et pauvres qui sont les plus défavorisés pour ces services et les plus sujets à d’immense variation de comportement et d’investissement des généralistes danois.

Prior, A., Vestergaard C., Riisgaard Ribe A., Sandbæk A., Bro F. ,Vedsted P, et al Chronic care services and variation between Danish general practices: A nationwide cohort study British Journal of General Practice 29 November 2021; BJGP.2021.0419. DOI: 10.3399/BJGP.2021.0419.

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Sur mortalité en lien avec le degré d’isolement social chez les sujets âgés

Étude observationnelle nationale conduite entre 2011 et 2018 aux États-Unis sur le niveau d’isolement social de sujets âgés (évalué en 6 niveaux) dans l’année ayant précédé une hospitalisation en soins aigus et leur décès.

Au total, 648 réanimations incluses, représentant 3 821 611 hospitalisations de sujets âgés.

Les résultats montrent que pour chaque incrément de 1 dans les 6 niveaux d’isolement social, on note un plus grand handicap (limitation mobilité, autre de 7 % dans l’année précédant l’hospitalisation pour ces patients, et une mortalité supérieure de 14 % à terme d’un an.

Falvey, J. R., Cohen, A. B., O’Leary, J. R., Leo-Summers, L., Murphy, T. E., & Ferrante, L. E. (2021). Association of social isolation with disability burden and 1-year mortality among older adults with critical illness. JAMA Internal Medicine, 181(11), 1433-1439.

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