Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical, réalisée par le Professeur Amalberti.
A la une ce mois-ci : l'histoire de la sécurité du patient, sous-effectifs infirmiers et surmortalité patients, l'utilisation des PROMS et PREMS par les médecins généralistes, le redéploiement des personnels soignants pendant la pandémie de Covid...
Un livre quasi autobiographique sur l’histoire de la sécurité du patient - écrit par l’un des fondateurs mondiaux du mouvement, Lucian Leape, professeur à Harvard, membre de l’académie de médecine américaine -, directement lié au rapport fondateur de 1999 de cette académie sur les erreurs médicales (To err is human).
A réserver à celles et ceux qui cherchent à comprendre ce qui a fait basculer les États-Unis, puis le monde entier, dans ce mouvement à l’aube des années 2000, et ce que furent les premières étapes jusqu’aux années 2005, avec les difficultés de la montée en puissance du mouvement.
C’est bien écrit, parfois poignant ; on y retrouve toutes les figures du mouvement. Et pour ne rien gâcher, le livre est en téléchargement gratuit. A lire sans réserve !
La pression financière sur les hôpitaux est de plus en plus forte, partout dans le monde, amenant souvent les directions à faire des coupes dans leurs effectifs, où tout du moins à fonctionner avec plus de personnels intérimaires, CDD, et/ou des personnels moins qualifiés, particulièrement infirmiers.
Cette étude longitudinale regarde les conséquences possibles sur la mortalité patient de ces stratégies RH. Elle a été conduite de 2014 à 2017 dans 55 services d’un hôpital suisse, sur un total de 79 893 patients inclus et 3 646 infirmières qualifiées (IDE) à différents niveaux de séniorité et de spécialité.
Les patients pris en charge par des services avec des effectifs importants d’IDE seniors ont les plus bas taux de mortalité (- 8,7 % par rapport aux patients pris en charge par des juniors) [odds ratio 0.91 95 % CI 0.89–0.93].
Inversement, ceux pris en charge dans des services souffrant de sous-effectifs IDE seniors ont une surmortalité de 10 % [odds ratio 1.10 95 % CI 1.07–1.13].
Le lien à la surmortalité est moins significatif avec des variations d’effectifs - en plus ou en moins- pour les autres catégories d’IDE plus juniors, d’aide-soignants et IDE dans des positions administratives.
Les cadres infirmiers jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des services, le climat de travail et la sécurité du patient.
Les difficultés ne manquent pas au quotidien (sous-effectifs, planning, tâches administratives, flux patients, etc.) et peuvent décourager ces personnels de plus en plus difficiles à trouver, et à garder dans leur position. Il est donc essentiel de leur procurer des conditions de travail les plus satisfaisantes possibles.
La revue de question se centre sur les études ayant décrit les déterminants de satisfaction au travail des cadres infirmiers.
Au total 5 608 articles présélectionnés, 38 finalement retenus pointant 101 déterminants ou facteurs de satisfaction.
Ces facteurs se répartissent en trois catégories :
L’influence de ces facteurs a été souvent testée isolément. Mais, globalement, il ressort que le mariage réussi de l’autonomie, de réelles marges de pouvoir et d’une solidarité réciproque dans l’équipe sont des facteurs les plus positivement associés à la satisfaction.
Inversement, toutes les formes de stress chez le cadre, dans l’organisation hiérarchique et dans l’équipe sont des facteurs très négativement associés à la satisfaction.
Les opinions des patients sur leur expérience de soins, leur satisfaction, et sur l’évolution des symptômes et maladie, ont donné lieu à une nouvelle catégorie d’indicateurs appelés par leur acronymes anglais PROMS et PREMS (patient-reported outcomes measurement, et patient-reported experience measurement).
Ces opinions sont recueillies par des questionnaires standardisés, à distance de la sortie de l’hôpital, et en médecine générale, et sont supposés être utilisés à la fois dans le colloque singulier en aidant à mieux comprendre le vécu réel du patient, et dans l’évaluation comparative par les autorités des systèmes de santé et des prestations effectuées par les professionnels.
L’utilisation de ces PROMS/PREMS est maintenant fortement recommandée - sinon parfois imposée - par tous les pays Occidentaux, avec en tête historique les États-Unis et le Royaume-Uni, puis les pays du nord de l’Europe. La France est inscrite dans ce mouvement comme tous les autres pays.
Pour autant, les médecins ne sont pas encore tous convaincus et utilisateurs dans le colloque singulier.
Cette étude américaine teste par questionnaire et entretien semi-directif les opinions sur ce sujet de 171 généralistes appartenant à 19 cabinets de groupe/maisons de santé.
Sur les 171 généralistes inclus, 117 (68 %) ont répondu au questionnaire, et 28 ont accepté des entretiens en plus. La plupart des généralistes (77 %) disent regarder et discuter avec leurs patients les résultats dont ils sont destinataires sur les PROMS/PREMS.
Pour autant, les opinions sont très hétérogènes sur l’intérêt de ces PROMS/PREMS.
Les informations sur le niveau d’anxiété et de dépression du patient sont reconnues assez utiles, en tout cas plus que d’autres sur la satisfaction notamment. Ils regrettent la partie administrative qui leur demande à remplir, compléter des parties de ces PROMS pour un objectif de santé publique, et ils déplorent des interfaces peu ergonomiques, consommateurs de temps (pour eux et pour le patient), sans parler de l’absence de formation à mieux utiliser ces indicateurs.
La surutilisation des tests de diagnostic contribue considérablement aux dépenses de santé et expose potentiellement les patients à des préjudices inutiles.
Cette revue de littérature (arrêtée en février 2020) explore la nature et la fréquence de ces mauvais usages.
Résultats :
35 articles inclus montrant 118 preuves de surutilisation de tests diagnostic inutiles.
67 montrent des mauvaises prescriptions à l’échelle du colloque individuel (n = 67, 57 %), suivie de mauvaises pratiques à l’échelle des Services (n = 27, 23 %) et de mauvaises pratiques à l’échelle de la population globale (n = 24, 20 %).
Les estimations de la prévalence de la surutilisation des tests de diagnostic variaient de 0,09 % à 97,5 %.
La majorité des études (n = 85) montrent que la surutilisation des tests de diagnostic reste inférieure à 25 %.
La surutilisation des tests d'imagerie diagnostique reste le plus fréquent de ces mauvais usages (n = 96).
Parmi les 33 évaluations rapportant des niveaux élevés de surutilisation (≥ 25 %), on note les tests préopératoires (n = 7) et l'indication (inutile) d’imagerie dans l’exploration des lombalgies non compliquées (n = 6).
L'impact de la pandémie sur la fréquentation des hôpitaux par les patients non-Covid n'a pas fait l'objet d'un examen vraiment approfondi. L'objectif de cette étude est de rapporter les conséquences à l'échelle nationale du Danemark de la pandémie Covid-19 sur les reports de soins, particulièrement les consultations et admissions hospitalières imprévues pendant les 7 semaines ayant suivi l’obligation de "confinement".
Méthode :
Le taux d'incidence des visites hospitalières non planifiées par semaine en 2020 a été comparé aux semaines correspondantes en 2017-2019. Les données reflètent la fréquentation des hôpitaux par semaine sous forme de ratios et de taux d'incidence. On note aussi la mortalité générale et le risque de décès à l'hôpital, rapportés sous forme de ratios de taux de mortalité hebdomadaires.
Résultats :
2 438 286 fréquentations au cours de la période d'étude, avec un volume de consultations et admissions imprévues à l’hôpital diminuées jusqu'à 21 % ; les fréquentations hors Covid-19 ont été réduites de 31 % (non psychiatrique 31 % - psychiatrique 30 %).
Sur les 5 diagnostics les plus courants censés rester stables en période de pandémie, seules les venues et admissions hospitalières pour schizophrénie et infarctus du myocarde sont restées stables, tandis que les admissions pour aggravations d’affections pulmonaires chroniques, pour fractures de hanche et pour infections des voies urinaires ont diminué fortement.
La mortalité de la population à l'échelle nationale a augmenté au cours de six des semaines enregistrées, tandis que la mortalité à l'exclusion des patients positifs au Covid-19 n'a augmenté que pendant 2 semaines.
Les rendez-vous manqués chez le médecin généraliste ont des implications considérables en termes de temps et de coûts pour tout le monde.
Cette revue de littérature anglaise explore les taux relevés de rendez-vous manqués en soins primaires, les raisons rapportées, et quels patients sont plus susceptibles de manquer des rendez-vous.
Au total, 26 études répondaient aux critères d'inclusion de la revue de littérature.
Parmi elles, 19 indiquent un taux de rendez-vous manqués moyen de 15,2 %, avec une médiane à 12,9 %.
Douze études indiquent une ou plusieurs raisons/excuses à ces rendez-vous manqués, au premier rang desquelles on note :
Au total, 20 études parlent des caractéristiques des personnes susceptibles de manquer leurs rendez-vous. Ces patients qui font défection sont plutôt issus de minorités ethniques, avec un faible statut sociodémographique et un jeune âge (< 21 ans).
Analyse d’une cohorte de patients inscrits auprès des cabinets de médecine générale anglais (Clinical Practice Research Datalink), qui se sont présentés spontanément aux urgences de l’hôpital pour un problème aigu moins de trois jours après avoir été vus en consultation par un généraliste.
Au total, 116 097 patients anglais ont contacté un médecin généraliste 3 jours avant une admission en urgence entre avril 2014 et décembre 2017.
Les patients atteints de sepsis et d'infections des voies urinaires constituent la population concernée la plus importante par ces venues spontanées aux urgences.
La durée des rendez-vous de la consultation avec le généraliste dans les trois jours précédents est particulièrement associée à ces faits. En moyenne, une augmentation de 5 minutes du temps de consultation s’associe à une diminution de 10 % des chances de venues et d'admissions spontanées aux urgences (OR 0,90, IC à 95 % = 0,89 à 0,91).
Les patients ayant eu une consultation téléphonique (par rapport à une consultation en face-à-face) (OR 1,14, IC à 95 % = 1,11 à 1,18) sont également surreprésentés dans ceux venus spontanément aux urgences dans les 3 jours suivants.
Selon les auteurs, les résultats de cette étude soutiennent l'intérêt de consultations plus longues et mettent en garde contre le recours aux consultations téléphoniques en soins primaires. Evidemment, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les possibles mécanismes explicatifs.
Recherche qualitative transversale sur les stratégies de redéploiement des personnels soignants par les dirigeants des systèmes de santé du monde entier en réponse à la pandémie mondiale de Covid-19. Les données ont été recueillies entre mai et juillet 2020.
Les données proviennent d’entretiens avec 9 directeurs d'hôpitaux appartenant à 5 pays (États-Unis, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Singapour et Corée du Sud).
Six hôpitaux ont subi une forte augmentation du nombre de patients graves Covid-19 et ont été débordés, alors que les 3 hôpitaux restants n'ont pas connu une augmentation similaire, grâce à la combinaison d’une meilleure anticipation et d’un moins grand nombre de formes graves (Corée, Nouvelle Zélande).
Trois thèmes ressortent comme des points clés de la préparation et l'exécution du redéploiement des effectifs : les processus, le leadership et la communication. Des points critiques dans chacun de ces thèmes ont été identifiés. En raison de la diversité des compétences du personnel redéployé, le redéploiement a dû partout être personnalisé et donner lieu à une stratégie flexible décentralisée.
Les hôpitaux ont eu 3 préoccupations récurrentes concernant le personnel redéployé :
Sans surprise, la transparence via tous les moyens de communication est importante pour éviter le développement du doute et des rumeurs, et faciliter ces redéploiements.
L'étude évalue en EHPAD la relation pouvant exister entre :
Des données ont été recueillies en 2014 dans 5 EHPAD aux États-Unis par questionnaire auprès de ces personnels soignants, des personnels administrateurs/gestionnaires, des personnels de soutien administratif et des personnel de réadaptation.
La dimension communication et partage des retours d’expérience sur les incidents obtient le score moyen le plus élevé dans la perception de la culture de sécurité.
Un taux de chutes plus élevé est associé à un niveau inférieur du travail d'équipe, de partage d’information et d'apprentissage organisationnel.
Le risque de chutes augmente en même temps que le nombre de résidents (rapport de taux [RR] = 1,02 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] = 1,01–1,02) et que le nombre d’infirmiers moins qualifiés par résident augmente (RR = 37,7, 95 % IC = 18,5–76,50).
Le risque d'infections urinaires de longue durée augmente avec le nombre de résidents (RR = 1,01, IC à 95 % = 1,01-1,01).
L'augmentation du score de culture de sécurité s’associe à une diminution du risque de chutes, d'infections urinaires de longue durée et d'escarres.
Conclusion
Avec la pénurie d'infirmières spécialisées et diplômés d’état et les nouvelles réglementations en matière de remboursement, de nombreux EHPAD embauchent des infirmiers moins qualifiés et des aides-soignants pour disposer d'un effectif suffisant et économiser de l'argent. Ces personnels moins qualifiés peuvent manquer des connaissances essentielles pour réduire le taux de chutes.
Plusieurs études ont déjà essayé d’associer résultats chirurgicaux et expérience du chirurgien, mais leur méthodologie reste souvent discutable, notamment sur les données de performance recueillies.
Cette étude de cohorte va plus loin, elle évalue "expérience des chirurgiens" et "résultats de la chirurgie d'urgence" dans 5 centres de traumatologie universitaires américains de niveau 1.
Elle porte sur 56 chirurgiens et 772 patients qui ont présenté une lésion traumatique et ont nécessité une intervention chirurgicale d'urgence ou ont présenté ou développé une affection nécessitant une intervention chirurgicale générale d'urgence.
Les chirurgiens ont été regroupés selon leur expérience :
Les chirurgiens ayant moins de 3 ans d'expérience ont également été comparés à l'ensemble de la cohorte.
Les données ont été collectées de mai 2015 à juillet 2017.
Sur 772 patients inclus, 469 (60,8 %) étaient de sexe masculin et l'âge moyen (ET) était de 50,1 ans (20,0).
Sur ces 772 interventions, 618 ont été réalisées par des chirurgiens ayant moins de 10 ans d'expérience.
Les chirurgiens en début de carrière opéraient généralement des patients plus âgés et des patients présentant davantage de chocs septiques, d'insuffisances rénales aiguës et des scores de chirurgie d'urgence plus élevés que les catégories d’expérience intermédiaires.
La mortalité des patients, les complications, les transfusions postopératoires, les infections et la durée du séjour étaient similaires entre tous les groupes de chirurgiens.
Les patients opérés par des chirurgiens en début de carrière présentaient des taux plus élevés de ré-intervention par rapport à ceux opérés par des chirurgiens plus expérimentés ( 0R 0,66 ; à 95 % : 0,40-1,09), et particulièrement avec ceux en fin de carrière (OR, 1,11 ; IC à 95 %, 0,45 à 2,75). Les patients opérés par des chirurgiens ayant moins de 3 ans d'expérience avaient une mortalité similaire par rapport au reste de la cohorte (OR, 1,97 ; IC à 95 %, 0,85 à 4,57) mais des taux de complications plus élevés (OR, 2,07 ; IC à 95 %, 1,05 -4.07).
La prise en charge anesthésique est cruciale pour une chirurgie de qualité et pour réduire le risque de survenue d’événements indésirables (EI). On peut imaginer que cette qualité de prise en charge varie avec le volume et l’expérience accumulée par l’anesthésiste.
Dans ce cadre, cette étude de cohorte utilisant la base de données santé de l’Ontario au Canada, examine le lien entre volume de travail des anesthésistes et résultats postopératoires à court terme pour la chirurgie du cancer gastro-intestinal complexe.
Les patients inclus sont des patients adultes ayant subi une œsophagectomie, une pancréatectomie, ou une hépatectomie pour un cancer gastro-intestinal du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2018.
Le volume de l'anesthésiste est défini comme le nombre annuel d'interventions couvertes par les anesthésiques (œsophagectomie, pancréatectomie et hépatectomie) dans les 2 années précédant la chirurgie de référence.
Le volume a été divisé en 2 catégories : faible volume / volume élevé.
Sur les 8 096 patients inclus, 5 369 étaient des hommes (66,3 %) et l'âge médian (intervalle interquartile) était de 65 (57-72) ans.
Les opérations ont été prises en charge par 842 anesthésistes et réalisées par 186 chirurgiens, et le volume médian des anesthésistes était de 3 (1,5-6) interventions par an. Au total, 2 166 patients (26,7 %) ont reçu des soins.
Un score composite spécifique à l’étude, construit autour de la mortalité et de la réhospitalisation à 90 jours est positif pour 36,3 % des patients du groupe à volume élevé contre 45,7 % des patients du groupe à faible volume.
Après ajustement, les soins prodigués par des anesthésistes à volume élevé sont meilleurs que ceux des faibles volumes.
Ces grands volumes sont associés :