Un problème de gestion des stocks du matériel entraîne une anesthésie réalisée inutilement et un retard d'opération de plusieurs jours.
Mr C. 72 ans, est amené au service des Urgences par les Pompiers pour un traumatisme de la cheville Gauche, un matin vers 10h00. Il est tombé de son échelle, d’une hauteur d’un peu plus de 3 mètres ; il effectuait des travaux dans son pavillon (peinture des dessous de toit). Sa cheville a augmenté de volume et Mr C. côte sa douleur à 8/10.
L’équipe des urgences le prend en charge, pose une voie veineuse périphérique, prélève le bilan biologique prévu par le protocole en vue d’une potentielle intervention chirurgicale, administre des antalgiques afin de faire baisser la cotation douleur en dessous de 4/10 et transfère le patient en service d’Imagerie Médicale pour réaliser les clichés de cette cheville. Les résultats des examens montrent une fracture bi-malléolaire. Le chirurgien orthopédiste, sollicité pour un avis spécialisé, pose l’indication d’un traitement chirurgical. Il se renseigne auprès de la responsable du bloc opératoire : cette dernière propose de prendre en charge le malade vers 16h00.
Le service des urgences est prévenu et aura le temps nécessaire pour préparer le patient (il est 12h30) pour son transfert au bloc opératoire. Il est convenu que le patient sera hospitalisé dans le service d’orthopédie dans les suites de l’acte opératoire.
La consultation d’anesthésie est réalisée vers 13h30 (le chirurgien a prévenu le MAR en charge des consultations de ce rajout au programme opératoire). Le bilan du spécialiste ne mettra en évidence aucune particularité qui puisse contre indiquée cette intervention chirurgicale (antécédent chirurgical : appendicectomie dans l’enfance – antécédent médical : hypertension modérée traitée par le médecin référent par un inhibiteur calcique). Il est proposé au malade, au vu de son profil, une anesthésie locorégionale, qu’il accepte au motif qu’il pourra manger dès son retour en chambre (patient très actif, qui ne s’est pas restauré depuis le petit matin).
Mr C. est demandé par le bloc opératoire vers 15h30, appelé par la personne en charge de la régulation du programme opératoire. Lors de son arrivée en salle d’accueil, un point est fait sur son dossier, et l’équipe d’anesthésie le prend en charge pour réaliser l’anesthésie locorégionale : bloc sciatique au niveau du creux poplité et bloc fémoral, les deux gestes réalisés sous échographie. Le MAR prévient l’équipe chirurgicale une fois l’anesthésie installée.
L’Infirmière circulante de la salle d’opération qui doit prendre en charge le patient arrive en salle d’accueil et annonce qu’il n’y a pas le matériel pour réaliser l’ostéosynthèse par plaque sur la malléole externe. La dernière boite d’instrumentation est utilisée dans une autre salle d’opération.
Le chirurgien est prévenu et on lui demande de venir au bloc opératoire pour faire le point sur le matériel disponible et envisager potentiellement un mode dégradé possible. Cette alternative n’est pas retenue. La fracture du malade semble, au vu de l’imagerie, complexe et les conditions techniques ne sont pas réunies pour une prise en charge optimale de ce traumatisme.
La situation est expliquée au malade. Ce dernier prend acte de la décision collégiale de reporter l’intervention au lendemain, car le temps de faire traiter l’instrumentation par le service de stérilisation amènerait les équipes à débuter l’intervention au mieux vers 22h00. La prise en charge antalgique est expliquée au patient (pour les suites de l’anesthésie = injection one shot sans pose de cathéter pour réinjection potentielle).
Le lendemain, la cheville du patient a encore augmentée de volume malgré les soins locaux prescrits par le chirurgien (membre surélevé – glaçage). Les conditions locales ne sont pas favorables et l’équipe chirurgicale prend la décision de sursoir une nouvelle fois à l’intervention. Les éléments cliniques sont donnés au malade qui commence à manifester son mécontentement.
Finalement, le patient bénéficiera du geste chirurgical au 4° jour de son accident. La technique anesthésique retenue initialement sera reproduite sans difficulté particulière. L’acte opératoire sera réalisé sans incident notable. Le malade quittera l’établissement le lendemain de son intervention pour regagner son domicile.
Le Directeur Général, au vu de la réclamation du patient, a demandé au Gestionnaire de Risques de procéder à une analyse de cette situation. Il souhaite comprendre comment un tel incident a pu se produire : facteurs organisationnels, facteurs humains liés au contexte du moment et ainsi pouvoir faire une réponse précise à la demande du malade et lui proposer un entretien de conciliation avec le médiateur médical dans un second temps.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Report d’une intervention chirurgicale dans un contexte d’urgence.
La vérification de l’intégralité de la dotation du matériel
Pas de remplacement des containers obsolescents par les services économiques de l’établissement malgré plusieurs relances.
Pas de vérification ultime de la personne qui gère les flux de patients au bloc avant de demander le transfert de Mr. C.
Pas de communication entre les 2 équipes (anesthésie et chirurgicale) avant le début de la prise en charge pour vérifier que toutes les conditions étaient requises pour une intervention sécure.
Pas de signalement à la personne en charge de la régulation de l’infirmière circulante qui a pris la dernière boite d’instrumentation et sans avoir pris connaissance du programme des autres salles d’intervention.
Sur la nécessité de définir des arbitrages par rapport aux demandes d’achats
Sur la nécessité d’améliorer la communication au Bloc Opératoire :
Cette analyse d’événement indésirable retient comme causes racines un retard au remplacement d’équipement et un défaut de communication entre professionnels de santé évoluant au sein du même plateau médicotechnique.
Le facteur humain reste une vulnérabilité dans les organisations de travail. La communication doit être maîtrisée et une parfaite connaissance des organisations reste le gage d’une ambiance de travail sécure.
Pour aller plus loin :
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657908/fr/briefing-et-debriefing