Coliques néphrétiques : 20 fois la dose de benzodiazépine

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Coliques néphrétiques : 20 fois la dose de benzodiazépine

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  • Coliques néphrétiques : 20 fois la dose benzodiazépine

Un samedi vers 18h30. Mr F., 50 ans, se présente aux urgences pour une douleur abdominale intense. Dès son arrivée, le patient est pris en charge par l’Infirmier Organisateur de l’Accueil (IOA), puis est très vite installé en box de consultation car il cote sa douleur à 9/10.

  • Médecin
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 23/11/2018

Anamnèse

  • Un samedi vers 18h30. Mr F., 50 ans, se présente aux Urgences pour une douleur abdominale intense. Dès son arrivée, le patient est pris en charge par l’Infirmier Organisateur de l’Accueil (IOA), puis est très vite installé en box de consultation car il côte sa douleur à 9/10.
  • Le médecin urgentiste examine le malade rapidement et demande à ce dernier de décrire ses douleurs : localisation en fosse lombaire droite allant vers les organes génitaux, apparition spontanée et brutale et il confirme une cotation à 9 minimum…
  • C’est la première fois qu’il présente ce tableau clinique. Il demande au patient d’uriner dans un flacon et la bandelette urinaire retrouve une hématurie microscopique. Il évoque alors une crise de colique néphrétique.
  • Un traitement antalgique par voie intraveineuse est proposé au patient dans un premier temps (on lui explique que dans 80% des cas il y a expulsion spontanée du calcul = filtration des urines demandée). Si la douleur ne cède pas, on procédera alors à d’autres investigations paracliniques de seconde intention. La stratégie thérapeutique est acceptée sans aucune réticence.
  • Le patient ne présente aucun antécédent ni médical, ni chirurgical et de fait ne déclare la prise d’aucun médicament de manière habituelle. L’équipe soignante a noté sur le dossier de soins que le malade était très anxieux.

  • La voie veineuse est posée rapidement par l’IDE en charge du patient. La prescription était :

-    Paracétamol* : 1 g toutes les 6 heures, en perfusion de 100 ml, sur 20 minutes
-    Kétoproféne* : 100 mg toutes les 8 heures, en perfusion de 100 ml, sur 30 minutes
-    Phloroglucinol / triméthylphloroglucinol* : 2 ampoules de 4 ml, en perfusion de 50 ml, sur 10 minutes
-    Midazolam* 2 mg dose unique, en perfusion de 50 ml sur 10 minutes
-    Si cotation douleur supérieure à 6 après administration des antalgiques de palier I :

o    Titration morphine : bolus de 3 mg, dose maximale de 12 mg

  • L’IDE de jour débute l’administration des antalgiques de palier I, et prépare la perfusion de midazolam* qu’elle ne pose pas immédiatement.
  • L’IDE de nuit arrive à ce moment, et reprend le secteur de sa collègue. Elles prennent le temps de faire les transmissions des 4 patients des box sous leur responsabilité, dont Mr F.
  • L’urgentiste repasse faire le point sur l’efficacité du traitement antalgique et demande à l’IDE de faire l’injection de midazolam*. L’IDE de nuit branche la perfusion préparée par sa collègue de jour. Elle continue son tour de soins et est alertée quelques minutes plus tard par l’alarme du moniteur multiparamètre de Mr. F. qui signale une désaturation à 70%. Le point est fait immédiatement avec l’urgentiste et l’examen clinique montre un arrêt respiratoire. La perfusion de midazolam* est arrêtée aussitôt, les mesures conservatoires sont réalisées avec le renfort des autres professionnels présents qui ont approché le chariot d’urgences, le patient est ventilé au masque facial pour stabiliser la fonction respiratoire.
  • Une titration de flumazénil* permet de retrouver une ventilation spontanée avec une fréquence respiratoire à 10 par minute. Puis un pousse seringue d’entretien est mis en route.
  • Le patient est ensuite transféré en Unité de Surveillance Continue (USC) pour la nuit.
  • Le surdosage en midazolam* est confirmé après que l’on ait retrouvé 10 ampoules vides de 5mg / 1 ml de midazolam* dans la boite à OPCT. La perfusion était passée à 80% (estimation), le patient a donc reçu près de 20 fois la dose.
  • Mr F. est sorti de l’USC le lendemain en milieu d’après-midi, pour rejoindre le secteur lits porte du service d’urgences pour une dernière nuit en secteur hospitalier. Le diagnostic de colique néphrétique s’est confirmé avec l’évacuation de 2 petits calculs. Il a également bénéficié d’une échographie rénale qui a objectivé la vacuité des bassinets des deux reins.

Conséquences de cet incident

  • Aucune séquelle pour le patient n’est à déplorer dans les suites de cet Événement Indésirable Grave (EIG).
  • La famille du patient qui a exprimé une grande inquiétude à l’annonce de son hospitalisation en secteur USC.
  • Un séjour en secteur USC non programmé bloquant un lit prévu pour une surveillance dans les suites d’une intervention chirurgicale, obligeant un séjour prolongé en Salle de Surveillance Post Interventionnelle.
  • Une réclamation du patient à la Direction Générale demandant des explications sur cet incident mettant en jeu son pronostic vital.

Analyse des causes

Le Directeur Général, afin d’avoir des éléments pour répondre à la demande du patient, demande au Gestionnaire de Risques de procéder à une analyse de cet incident. Il souhaite comprendre comment cela a pu se produire : facteurs organisationnels, facteurs humains liés au contexte du moment…

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

  • Cause immédiate

Surdosage en midazolam* provoquant une dépression respiration menaçant le pronostic vital du patient.

  • Causes profondes

  • Barrière qui a détecté l’incident :

o    C’est le moniteur multiparamètre qui a détecté la dépression respiratoire et qui a permis la mise en œuvre des mesures conservatoires pour le patient -> barrière d’atténuation efficiente puisque le patient n’a présenté aucune séquelle.

  • Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident :

o    Pas de prise de conscience que le midazolam* est un médicament à risques.
o    Pas de dilutions standardisées pour les médicaments à risques.
o    Pas de vérification croisée sur la préparation du principe actif pour les médicaments à risques.
o    Pas de préparation extemporanée avec pose de la perfusion préparée par l’IDE.
o    Pas de surveillance spécifique mise en œuvre lors de l’administration du traitement.
o    Pas de prise en compte des rythmes de travail jour/nuit pouvant influencer le niveau de vigilance des professionnels sollicités.

Les pistes de réflexion et/ou d’amélioration

Sur la nécessité de sensibiliser les professionnels de santé sur les médicaments à risques :

  • Des actions de sensibilisation et/ou formation sur la thématique des médicaments à risques seront organisées : la pharmacienne viendra rappeler les précautions particulières à mettre en œuvre lors de leur utilisation. Cette liste a été validée conjointement par le responsable médical du service et la COMEDIMS.
  • Les médicaments à risques seront identifiés dans l’armoire à pharmacie pour sensibiliser les personnels à adapter les modes de préparation et les surveillances patients.
  • Réfléchir sur des méthodes de vérification croisée des préparations de médicaments à risques.

Sur la nécessité de rédiger des protocoles de service pour uniformiser les pratiques :

  • Réfléchir collectivement sur les protocoles de service afin de définir une uniformisation des méthodes de travail.
  • Décider collectivement des protocoles de préparation des médicaments pour une simplification des pratiques.
  • Rappeler l’impératif de base : médicament préparé = médicament administré par la même professionnelle.

Sur la nécessité de prendre en compte la fatigabilité des professionnels avec les rythmes jour/nuit :

  • Construire des plannings en permettant aux professionnels mobilisés d’avoir au moins 48 heures de repos incompressible lors des changements de rythme.

En conclusion

Cette analyse d’événement indésirable retient comme cause racine une erreur humaine très certainement en lien avec un état de fatigue important, ne permettant plus à la professionnelle d’être suffisamment vigilante lors d’une préparation de médicament.

Rappeler l’adage que tout médicament administré doit être préparé par la même personne. Ce rappel effectué, il faut ajouter que la responsabilité de la professionnelle qui accepte d’administrer une préparation médicamenteuse qu’elle n’a pas préparée sera fatalement engagée.

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