Une cascade de retards dans la prise en charge, entraînant le décès du patient.
Saisine de la CRCI le 1er mars 2011 par les ayants-droit du patient pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’ils avaient subi.
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L’expert, - exerçant la chirurgie générale, viscérale et urologique en libéral — estimait que « (…) L’indication de la colectomie partielle était justifiée et que le principe d’une intervention sous cœlioscopie, si les conditions locales le permettaient, étaient conformes aux données actuelles, d’autant que le patient, dûment informé, avait donné son accord. L’antibioprophylaxie était conforme aux recommandations, mais la préparation colique avait été faite par un régime sans résidu durant la semaine précédant l’intervention alors qu’il était préconisé actuellement une vidange colique par lavement. Le chirurgien avait agi selon les règles de l’art. Il avait utilisé une technique standard avec rétablissement immédiat de la continuité. L’incident survenu en peropératoire n’avait eu aucune influence néfaste, compte-tenu des vérifications faites par l’opérateur.
La cause de la survenue de la désunion anastomotique ne trouvait pas son origine dans un défaut technique. Elle était très certainement multifactorielle en lien avec l’incident respiratoire qui s’était produit dans les heures suivant l’intervention et qui avait entraîné une hypoxémie, la majoration de l’aération digestive lors des tentatives infructueuses de ventilation non assistée au masque avant réintubation et l’utilisation prolongée de fortes doses de corticoïdes préjudiciables au processus de cicatrisation. Cet incident respiratoire d’explication non évidente, n’avait aucun lien avec le geste chirurgical. Par ailleurs, la colectasie sus-anastomotique d’origine indéterminée, découverte lors de la réintervention, avait pu majorer les troubles circulatoires au niveau de l’anastomose. L’ensemble de ces éléments, en rapport avec l’état antérieur du patient conduisait à considérer la survenue de la désunion anastomotique comme un accident médical non fautif.
En revanche, la gestion médicale de cette complication avait été défectueuse et avait entraîné un retard à une prise en charge adéquate, constitutif d’une perte de chance sérieuse d’éviter les conséquences délétères d’un choc septique irrécupérable conduisant progressivement au décès.
Aucun médecin n’avait été appelé au moment du choc septique, ni le chirurgien pourtant de garde, ni même l’anesthésiste présent 24 /24 heures dans l’USC.
Celui-ci n’était intervenu que 6 heures 30 plus tard et avait prescrit un scanner abdominal pour dans la journée.
Moins de 2 heures plus tard, le chirurgien avait examiné le patient et avait suspecté une fistule colique, notamment devant la modification de l’aspect du liquide recueilli par les drains abdominaux (devenu louche). Malgré une aggravation significative de l’état du patient (tachycardie, désaturation en oxygène malgré l’oxygénothérapie,…), il se limitait à confirmer la demande de scanner sans tenter d’en avancer la réalisation.
Cet examen était pratiqué vers 13 h. Une heure plus tard alors que le scanner était déjà très évocateur d’une fistule digestive, une opacification basse à la Gastrogaphine® était réalisée, qui confirmait, évidemment, la rupture partielle de l’anastomose colo-rectale.
L’intervention qui s’imposait ne débutait que vers 19 h, soit 18 heures après les premiers signes en faveur d’un état septique préoccupant.
En outre, c’est seulement après cette réintervention, qu’était administrée une poly antibiothérapie, au surplus inadaptée à la situation.
Dans les suites immédiates de la réintervention, bien que l’aggravation du choc septique ait conduit à une défaillance multiviscérale, ce n’est que le 23 mars, soit le surlendemain que le patient était transféré dans un véritable service de réanimation où était mise en place l’antibiothérapie recommandée.
L’accumulation de ces retards incombait , à la fois, au personnel infirmier de la clinique qui n’avait pas averti le personnel médical dès la survenue de l’aggravation du patient, mais aussi au chirurgien qui n’avait pas réagi avec diligence en ne précipitant pas la réintervention et en attendant encore 72 heures après la réintervention, avant de transférer le patient dans un service de réanimation plus adapté à son état que l’USC où il était hospitalisé (…) »
L’expert estimait à 66 % la perte de chance du patient d’échapper aux complications qui avaient entraîné son décès.
Avis de la CRCI (février 2013)
La CRCI retenait l’ensemble des conclusions de l’expert, en estimant que la clinique et le chirurgien étaient responsables, chacun pour moitié, de la perte de chance ayant entraîné le décès du patient.