Prévention et gestion par le vétérinaire du risque de morsure de chien

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Prévention et gestion par le vétérinaire du risque de morsure de chien

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  • Un chien qui montre les crocs

Le chien a réputation d’être le meilleur ami de l’homme. Toutefois, même entre bons amis, il peut y avoir des malentendus et, au bout du compte, dans le cas d’espèce, des accidents de nature physique.

Auteur : le Dr Michel Baussier, Docteur vétérinaire / MAJ : 30/06/2021

La question récurrente des morsures de chien

La population canine s’était accrue dans la seconde moitié du XXe siècle en France. Essentiellement en tant qu’animal de compagnie exclusif, surtout en ville. Sans qu’on en connût forcément pour autant le mode d’emploi !

Diverses modes apparurent également, notamment comportant des utilisations déviantes en tant que chien d’attaque. Des accidents par morsure se produisirent. L’opinion s’en était émue, les médias s’en étaient emparés. Le législateur avait fini par se saisir du sujet à la fin des années 90.

Ce fut la loi du 6 janvier 1999 sur les animaux dangereux et errants, amenant à classer les chiens en fonction de leur dangerosité sur la base de races et morphotypes. Il s’agissait d’éliminer les "pitbulls" et d’encadrer sévèrement la possession de chiens tels que les American Staffordshire Terrier ou les Rottweiler.

Le résultat fut strictement et considérablement inverse en termes de possession des races considérées comme susceptibles d’être dangereuses : jamais il n’y en eut autant ! Et le nombre de morsures de chiens, mal connu et à l’évidence sous-estimé, n’a manifestement pas diminué. Avec cette observation, qui s’est assez rapidement imposée, que les chiens catégorisés comme potentiellement dangereux n’étaient concernés que dans une faible proportion des accidents par morsure.

Assez rapidement l’échec du dispositif répressif (et censé être préventif) s’est imposé aux observateurs objectifs et compétents.

Saisie par le ministère de l’Agriculture en 2015, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié en février 2021 un rapport qui remet en cause les fondements de la loi de 1999 et des lois suivantes qui l’ont complétée et renforcée.

Le problème des morsures de chien est à reconsidérer de fond en comble et, dorénavant, sur des bases scientifiques et non plus émotionnelles ni passionnelles comme dans les années 90.
 

Qu'est-ce qu'une morsure et quels en sont les facteurs de risque ?

L’ANSES a défini la morsure de la façon suivante :

"Prise en gueule avec contact des dents sur une personne, que la peau soit couverte (vêtements et accessoires en contact avec le corps) ou non, portant atteinte à l’intégrité physique de cette personne."

Loin de réduire danger et risque à la race ou à un morphotype, l’ANSES a distingué 20 facteurs de risque, répartis en :

  • 12  facteurs de risque d’émission de la morsure,
  • 8 facteurs de risque d’exposition à ladite morsure.

Les facteurs de risques d'émission à la morsure

Elle distingue ainsi, pour les facteurs de risque d’émission de la morsure : le sexe, l’âge, les conditions de développement, le bien-être de l’animal, sa santé mentale, sa santé physique, sa relation à l’humain, ses capacités émotionnelles et cognitives, le type d’éducation reçue, le tempérament, le statut reproducteur et la race.

L’ANSES indique qu’il n’est pas pour le moment possible de conclure quant à une relation de causalité en ce qui concerne les trois derniers facteurs, dont la race.

Les facteurs de risque d'exposition à la morsure

Elle distingue par ailleurs, pour les facteurs de risque d’exposition à la morsure : l’âge de la victime, le genre de la victime, les professions, les personnes utilisant les chiens de fonction particulière (garde, défense), les lieux de morsure, le mode de vie du chien, les capacités dans la reconnaissance des signaux et l’émission de signaux inappropriés.

Ce rapport et cet avis de l’ANSES* sont très importants pour le vétérinaire, concerné au premier chef.

De quelles différentes manières le vétérinaire est-il concerné par le risque de morsure de chien ?

D’abord, il est lui-même exposé au premier plan au risque de morsure, lui et ses auxiliaires au sein de son établissement de soins. L’ANSES le confirme. La morsure peut aussi concerner un tiers, par exemple le détenteur de l’animal, au cours des soins.

Dans tous les cas, le praticien aura à considérer et gérer les questions de responsabilité, plus ou moins complexes en fonction des cas de figure.

Par son rôle de conseiller des propriétaires et détenteurs de chiens, il a un rôle de premier plan à jouer, lors de l’acquisition de l’animal, au cours de son éducation, au cours de sa vie.

Le vétérinaire praticien est obligatoirement consulté en cas de morsure par le détenteur de l’animal mordeur, dans le cadre de la maîtrise sanitaire de la rage mais aussi dans le cadre de la maîtrise du comportement mordeur.

  • Il est amené à évaluer le comportement de l’animal, notamment s’il s’est volontairement inscrit sur les listes ad hoc tenues par l’Ordre ou bien s’il a des compétences spécialisées en comportement.
  • Il est amené à faire les déclarations de morsure prévues par la loi.

Comment le vétérinaire doit-il gérer les cas de morsure de chien ?

  • Si la morsure se produit au cours des soins, notamment au sein de son établissement de soins vétérinaires, il doit connaître les soins d’urgence à appliquer à la personne ou à l’animal mordu et renvoyer les personnes mordues vers le corps médical.
  • Il a à prendre en charge ou à faire prendre en charge l’animal mordeur pour les examens cliniques et comportementaux nécessaires. Il fait les déclarations prévues.
  • Il arrive qu’il soit contacté par les personnes mordues. Il a le devoir de les renvoyer vers leur médecin et de leur donner tous les conseils concernant l’attitude à adopter vis-à-vis du chien mordeur et de son maître.
  • Enfin il est contacté en tant que vétérinaire sanitaire par le propriétaire d’un animal mordeur dans le cadre de la maîtrise de la rage (3 visites réglementaires avec deux intervalles de 8 jours) ou bien il est contacté dans le cadre de l’évaluation prévue pour tout animal mordeur.

L’Association de protection vétérinaire (APV) a établi des documents pour la gestion des cas de morsure auxquels nous renvoyons le lecteur*.

Comment le vétérinaire peut-il prévenir le risque au sein de son établissement de soins ?

L’établissement de soins est un lieu qui stresse l’animal et le prédispose au comportement de morsure.

L’organisation des rendez-vous et de l’attente elle-même ainsi que la disposition et l’ambiance de la salle d’attente sont des éléments importants à considérer pour éviter les combats entre animaux et pour éviter le stress de l’animal, susceptible de favoriser les morsures.

Les soins eux-mêmes sont déterminants, en évitant ou atténuant la douleur, génératrice de "réflexe" de morsure. Le calme des soignants est un premier facteur de prévention des morsures.

Pour la réduction des facteurs de stress à la clinique, la bonne détection de l’état émotionnel du chien et les conduites consécutives, nous renvoyons volontiers les confrères à la thèse de doctorat-vétérinaire de notre consœur Justine TAILLANDIER*.

Habituer l’animal à la clinique vétérinaire et aussi le préparer à la maison aux soins de routine (medical training) constituent de bonnes pratiques de prévention à conseiller à ses clients.

L’ensemble du personnel doit être formé aux connaissances minimales du comportement canin tel que les données les plus récentes de l’éthologie canine permettent de l’appréhender.

Bien sûr, l’organisation et l’équipement des locaux doit permettre la meilleure contention possible et la prévention des accidents de morsure.

L’information du public et de la clientèle doit être faite par tous moyens, notamment par affichage dans la salle d’attente.

Comment le vétérinaire peut-il contribuer à réduire le risque de morsure de chien ?

Parce que sa formation initiale est de plus en plus performante dans ce domaine et parce que l’offre de formation continue permet aujourd’hui au praticien de se former efficacement sur le comportement canin et de faire former son personnel auxiliaire, les premiers vrais outils de la prévention sont, de la sorte, disponibles.

Le vétérinaire dûment formé est à même d’informer, de conseiller, voire de former lui-même ses clients propriétaires ou détenteurs de chiens. Il peut le faire au cours des consultations, il peut produire et mettre à disposition des informations sur différents supports : sur son site Internet, par le moyen d’affiches, de posters, de documents à remettre, de vidéos…

Il le fera a fortiori quand il sera consulté sur une question comportementale ou après morsure, pour éviter la récidive.

Il peut intervenir pour des actions de formation, en lien avec les pouvoirs publics locaux (mairies) et aussi avec les associations de protection animale et les refuges.

Le vétérinaire praticien canin doit être conscient qu’il est par essence et par excellence le professionnel au cœur du dispositif de prévention des morsures de chien.

Références