Comment instaurer un partenariat et une co-production du soin avec le patient ?

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Comment instaurer un partenariat et une co-production du soin avec le patient ?

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Le partenariat avec le patient est un sujet inévitable des approches modernes de Qualité et Sécurité du patient.
Un précédent résumé approfondi du sujet (Elwyn, 2020, prévention médicale octobre 2020) avait montré toute l’ambition mise derrière le mot de "co-produire" du soin. La thèse principale réside dans le fait qu'en tirant parti de la collaboration entre les professionnels et les utilisateurs finaux, les patients peuvent être aidés à contribuer davantage à la gestion de leurs propres conditions de santé. Ceci est particulièrement vrai pour les maladies chroniques.

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 26/08/2021

Rappelons quelques chiffres pour montrer en quoi la coproduction est potentiellement meilleure

La coproduction vise à générer des solutions personnalisées qui minimisent à la fois le poids de la maladie et le fardeau du traitement.

Reconnaissant ce changement, l'American Board of Internal Medicine a résumé ses travaux récents dans ce domaine dans une publication intitulée The Value of Co-Creation in Health Care qui cite plusieurs exemples de preuve de l’avantage de ces approches dans différentes pathologies :

  • L’introduction de la coproduction a augmenté les taux de rémission des enfants atteints d'une maladie de Crohn sont qui passés de 55 % à plus de 77 % entre 2007 et 2014.
  • L’introduction de la coproduction chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde conduit à une diminution de 50 % de l'activité inflammatoire (grâce à un tableau de bord pour suivre et gérer les symptômes).
  • Dans le cancer, un essai contrôlé randomisé a porté sur des patients atteints de tumeurs solides métastatiques ; les patients du groupe test ont signalé leurs symptômes entre les visites et ont eu une qualité de vie améliorée à 6 mois et des taux de survie plus élevés à 1 et 8 ans.

Renforcer l’implication des patients et de leur partenariat

Si adhérer au concept d’un renforcement de l’implication des patients et de leur partenariat est devenu un gospel pour tous, le faire bien et de façon systématique est assurément plus compliqué.

De nombreuses équipes dans le monde travaillent sur des solutions pratiques, en proposant des cadres de coopération, en expliquant les conditions de succès.

Une revue de question des points les plus importants à considérer a été proposée récemment par une équipe australienne (Cox & al, 2022). Plusieurs articles cités décrivent des initiatives spécifiques de collaboration sur des points particuliers du soin ou de son organisation, notamment des aides à la refonte de l'aménagement du service/hôpital/clinique, ou des aides à la compréhension de la planification préalable des soins...

Cependant, les trois quarts des articles publiés citent surtout des expériences de participation de représentants des patients aux instances de direction des structures de soins et les divers comités médicaux. Cette littérature est plutôt récente, postérieure à 2015, et majoritairement originaire du Canada (38,76 %), et des Etats-Unis (20,40 %).

Le succès de la démarche semble liée à 4 grands domaines

  • L’état d’esprit, les attitudes et les volontés affichées de chaque partie

On ne peut pas réussir un partenariat sans un état d’esprit partagé, un désir affiché des patients et du personnel à améliorer les soins, à mesurer ces améliorations, et à se réjouir des succès accomplis. 

Cette motivation partagée, quand elle existe, est un socle qui conduit rapidement à des collaborations de plus en plus sophistiquées. 

Ceci dit, pour être des partenaires efficaces, les patients ont besoin de partager leur expérience avec les soignants tout en gardant une certaine distance. 

Patients et personnel doivent aussi être en phase avec leurs réactions émotionnelles devant les contrariétés et obstacles divers. Il faut arriver à faire preuve de souplesse dans des situations inconnues et évolutives ; les patients doivent apprendre à accepter que les rôles puissent évoluer de manière imprévisible.

  • Les relations et la communication

Le domaine Relations et Communication ramène à l’idée centrale qu’un partenariat suppose un travail d’équipe. 

La clé d’un partenariat réussi selon la littérature est d’arriver - pour le patient ou son représentant - à être un membre actif et efficace de l'équipe de soins, reconnu dans son expertise propre et dans ses apports positifs tout autant que les autres membres de l’équipe, particulièrement pour sa contribution à la qualité de fonctionnement de cette équipe. 

La logique d’un co-apprentissage est important car elle contribue à la construction de sa propre connaissance et expertise et à la co-création de la connaissance de l’équipe.

Cette collaboration doit amener à du consensus en écoutant et en parlant de manière constructive, à trouver un terrain d'entente même en situation apparemment conflictuelle. La résolution de conflit et les compétences en négociation sont d’ailleurs souvent citées et considérées comme primordiales à la fois pour les patients et le personnel. Il faut arriver à installer un dialogue respectueux, des relations constructives et réciproques avec honnêteté et sans agressivité.

Le fait de se battre pour l’intérêt général plutôt que pour son cas personnel est retrouvé comme facteur déterminant de succès du partenariat patient-soignant dans la littérature. Ceci suppose une écoute et une prise en compte de la parole par le représentant patient des autres patients, familles, populations marginalisées, et communautés, un vrai travail de réseautage.

  • La philosophie du comment faire pratique

Quelles capacités permettent aux patients et au personnel de travailler efficacement dans un contexte organisationnel et avec les compétences pratiques requises ?

Travailler au sein de l'organisation sur ses priorités, sa gouvernance, ses politiques, ses ressources et contraintes est une capacité essentielle qui réduit la frustration des patients et permet de partager un aperçu des changements nécessaires à opérer ; évidemment, il faut accepter le respect des exigences de confidentialité.

Au total, il faut admettre que la tâche est exigeante pour le représentant patient, et il y a même une série croissante d’articles qui plaide pour une rémunération de ces patients qu’il faut souvent former à minima sur la question médico-organisationnelle et la santé, et pour qu’ils deviennent des partenaires experts impliqués au bon niveau de décision.

De même, la fourniture d'un soutien continu et l’installation d’une rétroaction, en particulier vers les patients partenaires, est jugé essentielle dans la littérature. 

  • Le partage du pouvoir et du leadership

Un partage du pouvoir et une capacité de leadership raisonnable sont décrits comme fondamentaux pour tous les partenariats réussis, et particulièrement quand il s’agit de co-décision sur les questions d’organisation de la qualité et sécurité des soins. La réussite suppose bien sûr des représentants de patients formés, ce qui peut être fait par le biais d’ateliers ou de courtes séances.

Récemment, les auteurs ont recommandé aux professionnels de santé d’adopter une démarche plus réflexive en équipe pour soutenir et développer la qualité et la sécurité des patients et qualité soins. De nombreux articles font allusion aux communautés de la pratique avec les patients, notamment dans l'éducation sur les questions de santé qui permettent une implication de tous dans le cadre de la résolution de problèmes spécifiques en contexte partagé.

Pour aller plus loin
> Elwyn G, Nelson E, Hager A, al Coproduction : when users define quality BMJ Quality & Safety 2020;29:711-716
> Cox R, Molineux M, Kendall M, al Co-produced capability framework for successful patient and staff partnerships in healthcare quality improvement results of a scoping review BMJ Quality & Safety  Published Online First: 12 July 2021. doi: 10.1136/bmjqs-2020-012729

 

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