La santé des femmes en question

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La santé des femmes en question : les femmes moins bien traitées que les hommes dans leur prise en charge médicale au long cours

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Plusieurs articles sont convergents en Europe, comme dans le reste du monde occidental, notamment aux Etats-Unis, pour pointer que les femmes sont moins bien loties que les hommes dans leur prise en charge médicale. Régimes de santé, capacité d’accès aux soins : focus sur ces inégalités femme-homme.

Auteur : le Pr René AMALBERTI, Docteur en psychologie des processus cognitifs, ancien conseiller HAS / MAJ : 06/01/2022

Un statut social plus précaire chez les femmes que chez les hommes

Les femmes sont confrontées à d'importantes inégalités en matière de santé tout au long de leur vie. Bien qu’elles vivent généralement plus longtemps que les hommes, elles ont moins d’années à vivre en bonne santé. Celles qui vivent dans des milieux défavorisés sur le plan social et économique connaissent des résultats encore plus mauvais.

De façon générale, dans le monde -et même dans les pays occidentaux-, le statut social des femmes est plus précaire en moyenne que celui des hommes (inégalités de salaire, isolement, divorces). Elles sont plus porteuses d’affections chroniques, nécessitant plus de traitements au long cours dont une partie importante reste à leur charge (2 000 euros en Suisse annuellement par exemple, source The impact Poverty has on Women health, 2021). Les symptômes de dépression sont deux fois plus fréquents que chez les hommes. Au total, elles nécessitent plus de suivi et d’accès médical, même sans prendre en compte les questions gynéco-obstétricales qui représentent une autre demande évidemment majeure d’assistance.

Les données publiques du Commonwealth (Munira et Gunja 2018) nous informent par exemple sur la fréquence d’une double comorbidité ou plus chez les femmes dans 10 pays occidentaux ; ces taux sont supérieurs à ceux des hommes de même âge jusqu’à 50 ans, et la France n’est pas très différente des autres pays avec un taux de 13 %.

L’impact du Covid-19 sur les inégalités femmes-hommes

Ces inégalités ont été exacerbées par la pandémie de Covid-19 (Modi 2021), notamment une pauvreté menstruelle accrue, une augmentation de la violence domestique, et les femmes ont dû faire front à une surcharge de travail avec les tâches d'enseignement à domicile et les tâches ménagères additionnelles non rémunérées.

Pendant trop longtemps, les femmes ont vécu au sein de systèmes de santé et de soins conçus principalement pour les hommes, par des hommes (Perez, 2020).

Historiquement, les femmes ont été sous-représentées dans les essais et les données de recherche (Schiebinger, 2003). On lit par exemple dans un article récent du Lancet (2019) une illustration frappante de cet état avec les atteintes de cardiopathie ischémique ; la littérature médicale dit (et enseigne) que les femmes présentent plus fréquemment des symptômes et formes atypiques de la maladie cardiaque (c'est-à-dire que les symptômes diffèrent de ceux que les hommes ressentent et qui constituent la base de l'éducation et de la formation médicale).

Selon cet article du Lancet, le fait de ne pas reconnaître la prévalence des maladies cardiaques chez les femmes et les différents ensembles de symptômes qu'elles ressentent contribue aux retards dans la recherche d'aide et à la perte d'un temps précieux en cas d'urgence cardiovasculaire (le Lancet, 2019).

Parallèlement au manque relatif de représentation des femmes dans la recherche sur les affections touchant à la fois les hommes et les femmes, les affections qui affectent principalement les femmes sont historiquement sous-étudiées.

L'endométriose en est un exemple caricatural, en tant que maladie chronique affectant 6 à 10 % des femmes ; elle est largement sous-étudiée en rapport d'autres affections à long terme ayant une incidence comparable (comme le diabète). (As Sanie 2019).

Les soins primaires sont en première ligne pour faire évoluer ces pratiques inégalitaires

Il ne s’agit pas seulement de l’accompagnement pour les problèmes de santé en lien avec la sphère reproductive, mais d’une vision holistique dans la durée de la vie qu’il faut installer avec la patientèle féminine, en appui quand c’est utile avec les spécialistes. Et ces spécialistes ne doivent pas garder le savoir pour eux, mais donner des clés aux généralistes pour un accompagnement sur le long terme effectif. Un travail exemplaire est réalisé dans ce sens en Ecosse (Dixon 2021).

Dixon et son équipe (2021) soutiennent que de nouvelles stratégies pour la santé des femmes offrent des possibilités de placer les soins primaires au cœur de l'amélioration de la santé des femmes tout au long de leur vie.

Pour y parvenir, ils insistent sur une évolution des stratégies, des formations et plus globalement des prises en charge :

"Nous devons nous assurer que les services et les ressources développés en réponse à ces stratégies ne deviennent pas trop spécifiques aux symptômes ou aux affections, risquant de compartimenter la vie et le corps des femmes en organes, conditions et phases de la vie. Il faut soutenir les patientes tout au long de leur vie à travers leurs besoins de bien-être physique, psychologique et social".

Références

  • As-Sanie, S., Black, R., Giudice, L. C., Valbrun, T. G., Gupta, J., Jones, B., ... & Nebel, R. A. (2019). Assessing research gaps and unmet needs in endometriosis. American journal of obstetrics and gynecology, 221(2), 86-94
  • Dixon, S., McNiven, A., Connolly, A., & Hinton, L. (2021). Women's health and primary care: time to get it right for the life course. British Journal of General Practice 2021;  71 (713) 
  • Modi, N., & Hanson, M. (2021). Health of women and children is central to covid-19 recovery. BMJ, 373
  • Munira Z. Gunja et al., What Is the Status of Women’s Health and Health Care in the U.S. Compared to Ten Other Countries ? (Commonwealth Fund, Dec. 2018)
  • The Lancet. Cardiology ‘s problem women, Lancet 2019: 393 (10175):959
  • Perez, C. C. (2019). Invisible women: Exposing data bias in a world designed for men. Random House.
  • Schiebinger, L. (2003). Women’s health and clinical trials. The Journal of clinical investigation, 112(7), 973-977.
  • The impact Poverty has on Women health, (consulté le 5 décembre 2021)

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