Accident dramatique lors d'un transport intrahospitalier pour un examen de radiologie

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Accident dramatique lors d'un transport intrahospitalier pour un examen de radiologie - Cas clinique

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Un cas médical ancien, de 1995, mais qui reste pertinent à étudier. Une adolescente de 15 ans est vue par son médecin généraliste pour angine. Une rétention aiguë d'urines survient quelques jours après, motivant son hospitalisation d’urgence dans un CH...

  • Chirurgien
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

  • Adolescente de 15 ans vue par son médecin généraliste le 23 août pour angine. Le 27 août survient une rétention aiguë d'urines motivant son hospitalisation d’urgence dans un CH.  
  • Le 28 août, elle est transférée en réanimation dans le CH pour syndrome méningé.  
  • Le 29 août, elle présente un tableau avec convulsions et état comateux léger, avec un diagnostic de méningo-encéphalite (d’étiologie incertaine).  
  • Le 30 août, son état s’agrave et elle est mise sous intubation endotrachéale pour ventilation mécanique.  
  • Le 31 août, elle est transferée en réanimation au CHU voisin à la demande des parents. Mise en place d'un monitorage de la pression intra-crânienne (PIC).  
  • Le 3 septembre, augmentation de la PIC (à 20-28 mmHg) associée à une hypertonie de l'hémicorps droit. Prescription d'un examen scanographique cérébral par l'interne du service de réanimation.  
  • Le 4 septembre, l’interne n’est pas libre pour accompagner en radiologie la malade qui est ventilée et sédatée par Nesdonal® et Hypnovel®. Il confie la responsabilité de ce transport à externe du service de réanimation.  
  • 4 septembre : pendant l'installation de la malade sur la table du scanographe, déplacement de la sonde d'intubation. L’externe accompagnant la jeune patient repositionne sa sonde sans vérification.  
  • L'examen débute sans monitorage ECG.  
  • Très vite, les manipulatrices remarquent que la malade est cyanosée avec les lèvres bleues. L’externe appelle l’interne, mais ce sont 2 anesthésistes du service de réanimation chirurgicale qui réintuberont finalement la malade et pratiqueront une réanimation cardio-respiratoire pour obtenir une restitution d’hémodynamique satisfaisante.  
  • Le 25 septembre : la patiente est en coma végétatif. Les chances de récupération satisfaisante sont nulles.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d'enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l'objet d'une transaction commerciale.

Jugement

EXPERTISE (2009)

1- Il existe un état antérieur avec une méningo-encéphalite qui aurait probablement laissé des séquelles sévères à la patiente.

2- Le déplacement de la sonde d'intubation lors du scanner du 04.09.1992 et sa non-reposition correcte, l'absence de surveillance effective avec un scope non branché pendant toute la réalisation de l'examen, mais surtout,la présence d'un externe non qualitfié ont eu pour conséquence, la survenue d'un arrêt cardio-circulatoire ayant entraîné une anoxie cérébrale qui a induit également des lésions cérébrales profondes irréversibles.

3- Le médecin neuroradiologue ne peut pas être tenu pour responsable du défaut de surveillance de la patiente sur le plan de l'intubation et de la réaction inadéquate de l’externe lorsqu'il a constaté le déplacement de la sonde d'intubation.

4- l’externe délégué pour une mission pour laquelle il n'avait pas la fonction requise, est fautif de ne pas avoir entrepris les premiers gestes de sauvetage (massage cardiaque externe, bouche à bouche) et surtout d'avoir mal surveillé la patiente.

5- I’interne ne devait pas déléguer ses responsabilités à un médecin non qualifié pour surveiller une malade relevant de la réanimation. Il n'avait pas, à l'époque des faits, une expérience suffisante pour appréhender les risques que présente un examen radiologique chez une patiente anesthésiée. I’interne bien qu'interne de réanimation, ne maîtrisait pas, lui-même, tous les problèmes liés à l'intubation puisque ce n'est pas lui qui a réintubé la malade.

Il semble qu'il y ait bien eu un problème d'encadrement d'un jeune interne livré à lui-même et déléguant ses propres responsabilités à un externe encore moins qualifié

 

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE X ... (1998)

"(…) Attendu qu'il est constant en l'état des éléments du dossier et des débats à  'audience que l’externe et l’interne  ont bien reconnu les faits qui leur sont reprochés

Attendu qu'il ne résulte pas du dossier et des  débats la preuve que le chef de service de réanimation se soit rendu coupable des faits qui lui sont reprochés (…)"

"(…) Condamne        

            l’externe à 6 mois d'emprisonnement avec sursis

            l’interne  à 7 mois d'emprisonnement avec sursis  

et à verser, in solidum, la somme de 30 000 F aux parties civiles pour leur représentation en justice …

            Renvoie le chef de service de réanimation à des fins de poursuite sans peine ni dépens

Donne acte aux parties civiles qu'elles ont saisi la juridiction administrative pour être indemnisées de leur préjudice matériel, économique et personnel (…)"

 

COUR D'APPEL DE X ... (1999) (sur appel du procureur général)

"(…) Le fait que le transfert de la jeune victime au  scanner ait été assuré par une personne dépourvue de compétences pour ce faire, était révélateur d'un dysfonctionnement grave et anormal dans l'organisation du service dont le professeur chef de service de réanimation avait la charge et que ce dernier était reprochable d'une faute d'imprudence et de négligence qui avait été directement  à l'origine des lésions survenues le 4 septembre  en ce que, présent dans son service, il ne s'était pas assuré des conditions d'un transfert pourtant décidé  par lui  (…)"

"(…)    - Confirme      la condamnation de l’externe et l’interne

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé le chef de service des fins de poursuite et le condamne à la peine de 1 an d'emprisonnement avec sursis

 

COUR DE CASSATION (2000) sur pourvoi du chef de service

(…) Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, modifiant l'article 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui  a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement, s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence de sécurité prévue par la loi  ou le règlement, soit commis une faute caractérisée  et qui exposait autrui à un risque d'une particulière  gravité qu'elles ne pouvaient ignorer (…)"

"(…) Qu'il y a lieu de procéder, en ce qui concerne C … à un nouvel examen de l'affaire, au regard de ces  dispositions plus favorables ... ANNULE, en ses seules dispositions concernant le chef de service et l'arrêt susvisé de la cour d'appel de X … (…)"

COUR D'APPEL (2001)

"(…) Attendu que ni le dossier, ni les débats n'ont établi le chef de service aurait participé au processus de désignation d'une personne totalement dépourvue de compétences pour conduire aux lieu et place de l'interne spécialisé la victime jusqu'au lieu de l'examen auquel celle-ci devait être soumise, ni  même que le chef de sercice aurait été, ne serait-ce qu'informé de cette désignation (…)"

"(…) Qu'ainsi, la preuve n'étant pas rapportée de ce  que le prévenu aurait créé, ou contribué à créer la situation ayant permis le dommage (ou qu'à tout le moins, il aurait été mis en position de prendre des mesures permettant de l'éviter, la Cour ne peut, à la lumière des dispositions plus favorables résultant de l'entrée en vigueur de la loi  du 10 juillet 2000, que, confirmer le jugement de relaxe (…)"

Un cas médical ancien, de 1995, mais qui reste pertinent à étudier. Une adolescente de 15 ans est vue par son médecin généraliste pour angine. Une rétention aiguë d'urines survient quelques jours après, motivant son hospitalisation d’urgence dans un CH..

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