Une erreur de côté qui aurait dû être évitée si la check-list de sécurité au bloc opératoire, proposée par la Haute Autorité de Santé et définie comme Pratique Exigible Prioritaire depuis 2010, avait été utilisée comme il se doit…
Mr F., 16 ans, chute lors d’une séance sportive au lycée, et plus précisément lors d’un match de volley-ball… Une mauvaise réception lors d’un saut en extension provoque un traumatisme de la cheville droite.
Ce jeune patient consulte aux urgences où une entorse grave du ligament latéral externe (LLE) est diagnostiquée. Une immobilisation plâtrée est proposée et réalisée : il s’agit d’une botte sans appui qui sera conservée 24 jours.
Dans les suites de cette immobilisation, des séances de rééducation proprioceptive de la cheville sont prescrites et effectuées, soit près d’une trentaine de séances.
Le jeune homme consulte son médecin traitant dans les suites des séances de kinésithérapie devant une instabilité douloureuse sans notion de récidive de l’entorse. Le praticien prescrit une échographie qui retrouve une probable rupture du LLE. Une Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) est également réalisée qui montre une rupture des faisceaux antérieur et moyen du LLE sur son versant malléolaire externe, sans lésion cartilagineuse.
Le jeune patient est alors orienté vers un chirurgien orthopédiste. Le praticien note lors de l’interrogatoire que Mr F. a été victime à plusieurs reprises d’entorses de la cheville droite, avec à chaque fois un traumatisme en varus.
L’examen clinique retrouve des douleurs diffuses péri-malléolaires externes, sans douleur interne associée à une laxité en varus. Pas de douleur sur le reste du pied. Les mobilités sont reconnues normales.
Le praticien propose alors une ligamentoplastie anatomique sous arthroscopie associée à une cure de conflit antéro-externe. Ce traitement chirurgical est retenu par le jeune patient et ses parents. L’information sur les risques et les suites opératoires attendus et potentiellement non attendus est donnée.
La consultation pré-anesthésique ne relève aucune contre-indication. Il est proposé de réaliser cette intervention sous anesthésie générale, protocole accepté par l’intéressé, ainsi que le principe d’un parcours ambulatoire.
On note dans le dossier qu’aucune dépilation, ni marquage du membre à opérer n’a été demandé.
Le jeune patient est admis en secteur ambulatoire, il est préparé pour l’intervention chirurgicale par l’équipe soignante, puis transféré vers le Bloc Opératoire par le brancardier.
A son arrivée au sein du plateau médicotechnique, il est installé en sas d’induction et accueilli par le Médecin Anesthésiste Réanimateur (MAR). Il bénéficie de l’entretien pré-opératoire attendu par l’infirmier de salle d’opératoire en présence du MAR : identité confirmée (bracelet d’identification), côté à opérer (Droit) confirmé, jeûne, allergies… Le 1er temps de la check-list est alors validé !!
Le jeune patient est installé en salle, l’induction anesthésique est réalisée, et après l’installation chirurgicale, le patient bénéficie de l’intervention chirurgicale.
L’intervention chirurgicale est réalisée sans difficulté, le malade est réveillé, et transféré en Salle de Surveillance Post-Interventionnelle.
C’est à ce moment que le jeune homme signale qu’il n’a pas été opéré du bon côté : "c’est normal que j’aie mal à la cheville gauche, alors que je devais me faire opérer de la cheville droite ?"…
Le chirurgien et le MAR sont alors prévenus de l’erreur de côté. La mère, qui a accompagné son fils, est immédiatement prévenue… le chirurgien reconnait les faits, explique que le geste n’a pas été interrompu en per-opératoire car la cheville gauche présente des lésions compatibles avec le diagnostic posé.
Le jeune homme sort le soir même, comme prévu, avec une botte de marche pour 45 jours. L’appui est autorisé, des antalgiques et une anticoagulation préventive sont prescrits pour une durée de 45 jours également.
Les consultations post-opératoires montrent une évolution favorable sur le plan local (cicatrices propres, mobilisation peu douloureuse…).
Une médiation est organisée 3 mois plus tard…
Les suites montrent une hypoesthésie persistante de la face dorsale du pied… et le malade se plaint d’une instabilité de sa cheville lors des exercices sportifs…
Le jeune patient bénéficie d’une ligamentoplastie de la cheville droite réalisée par un autre praticien 2 mois plus tard, soit 5 mois après l’intervention précédente. Les suites seront simples avec une bonne évolution fonctionnelle.
Cette erreur de côté a eu comme conséquences :
L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention : cette erreur de côté questionne les professionnels de santé du COVIRIS qui souhaitent connaitre les raisons qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions de prévention à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.
Le patient signale une douleur à gauche alors qu’il devait se faire opérer du côté droit : erreur de côté objectivée en SSPI.
Barrières qui ont été respectées mais qui n'ont pas permis d'éviter l'incident
Le partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM a été retenu et évoque des actions correctrices concernant l’organisation des soins et surtout la communication entre professionnels de santé :
Au final, pas de grandes révolutions, hormis le protocole de marquage du côté à opérer, mais des points à rappeler, et sur lesquels il convient de communiquer pour faire passer la culture de sécurité à travers la pédagogie de l’erreur.
Déclarer les événements indésirables associés aux soins pour les analyser, les comprendre et agir sur leurs causes afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent.
Cette analyse montre une fois encore que le facteur humain reste au cœur de la gestion des risques. Prendre le temps de faire un "arrêt sur image" pour réaliser un briefing de la situation permet d’identifier les vulnérabilités et de détecter les éléments non conformes aux process de prise en charge.
Il convient de dire et redire que chaque minute accordée à une démarche de gestion de risques est un investissement qui rapporte beaucoup pour les patients. Et en seconde intention aux professionnels de santé car les impacts pour eux sont rarement neutres.
La communication entre professionnels de santé doit être une priorité, et on ne doit jamais hésiter à faire répéter et/ou partager les informations essentielles. Les méthodes de transmissions des informations doivent devenir des automatismes…